Les députés ont repoussé jeudi dans une ambiance houleuse une proposition de loi RN sur les expulsions d’étrangers délinquants, fracturant l’hémicycle sur le texte, mais surtout sur les arguments échangés entre le RN, le gouvernement et le reste de l’Assemblée.”Non, l’immigration n’est pas une chance”, a lancé le député RN Lionel Tivoli, avant de pointer les dangers selon lui d’une “immigration massive” en France. L’une des nombreuses interventions qui a tendu le Palais Bourbon dans une journée réservée aux propositions de loi du groupe de Marine Le Pen.”Est-ce que je ne suis pas une chance pour la France en étant ici devant vous?”, lui a rétorqué Ayda Hadizadeh, députée socialiste et fille d’exilés iraniens. “C’est une provocation qui est d’une extrême violence”, a abondé Naïma Moutchou, née en France de parents marocains.Et Ludovic Mendes, le macroniste d’origine portugaise d’enchaîner: “l’immigration n’a pas à être une chance ou une mauvaise chance pour la France: c’est l’histoire de la France”.”L’immigration désordonnée, massive, irrationnelle, hors de contrôle, est un problème et évidemment vous le savez”, a ensuite déclaré Marine Le Pen, sur fond d’anathèmes entre gauche et RN.Le texte de la députée RN Edwige Diaz, retiré après que son article principal a été supprimé, entendait notamment systématiser les expulsions d’étrangers pour certains crimes ou délits “puni d’une peine d’au moins trois ans d’emprisonnement”, et de supprimer un certain nombre de régimes de protection contre les expulsions.- Ministre entre deux feux -Le ministre délégué chargé de la Sécurité du quotidien, Nicolas Daragon, a donné en partie “raison” au RN sur son constat: “L’étranger qui assassine dehors, l’étranger qui viole dehors (…); l’étranger voleur, harceleur, agresseur trois fois dehors”, a-t-il poursuivi, filant une anaphore dont le ton a été attaqué à gauche et loué par le RN.”Quand vous avez commencé, nous nous sommes posé la question de savoir si c’était le socle commun qui parlait ou si vous représentiez une autre couleur politique”, lui a lancé Ludovic Mendes. Le ministre s’est toutefois opposé sur le fond, jugeant le texte inopérant, voire contre-productif pour le travail des préfets, et contraire à la Constitution.”Vous vous êtes cachés”, a tancé en retour Edwige Diaz, quand Marine Le Pen a souligné sur X que “le numéro 2 du ministre de l’Intérieur (Bruno) Retailleau”, avait donné un avis favorable aux amendements de suppressions adoptés avec les voix de la gauche, et des groupes Ensemble pour la République (Renaissance), MoDem et Liot (centristes indépendants). La plupart des députés Horizons se sont abstenus même si deux d’entre eux ont voté contre les amendements de suppression.- Tensions sur les retraites -Il s’agissait de deuxième revers de la journée pour le groupe RN, qui a longuement défendu un texte d’abrogation de la réforme des retraites vidé de sa substance en commission.Thomas Ménagé, rapporteur RN du texte, a attaqué une réforme “sacrificielle, injuste, inutile”, fustigeant dans un même mouvement “le sectarisme de la gauche et de l’extrême gauche”, qui n’a pas souhaité soutenir son texte en commission, autant que “l’entêtement” des macronistes qui leur ont fait la “courte échelle” pour le torpiller.L’atmosphère s’est là encore tendue, notamment lorsque M. Ménagé a égrené les noms des membres NFP de la commission des Finances ayant détricoté son texte. La présidente du groupe écologiste, Cyrielle Chatelain, y a vu une “menace” de “jeter à la vindicte populaire” ces députés.Engagé dans un bras de fer avec le RN pour apparaître comme le meilleur combattant de la réforme, le NFP défendra son propre texte dans la “niche LFI” le 28 novembre. “Nous discuterons d’une vraie réforme d’abrogation des réformes des retraites que vous n’avez jamais combattue”, a promis l’oratrice LFI, Anaïs Belouassa-Cherifi.Accusant la gauche de “trahir (ses) électeurs”, Marine Le Pen a assuré que son groupe voterait au contraire le texte de la France insoumise.En début de soirée, le RN a ouvert l’examen d’un autre texte proposant de supprimer le critère de diagnostic de performance énergétique (DPE) pour la location d’un logement, qui précède un autre texte régalien sur l’établissement de peines planchers.