Après Michelin, les plans sociaux risquent de se poursuivre dans les usines françaises, craint le ministre de l’Industrie, l’automobile et la chimie étant particulièrement fragilisées, aussi bien en France qu’en Allemagne.”Des annonces de fermetures de sites, il y en aura probablement dans les semaines et les mois qui viennent”, a déclaré M. Ferracci au micro de France Inter samedi. Le bilan social “va se compter en milliers d’emplois”, selon le ministre, qui préconise une réponse européenne, notamment pour soutenir le secteur automobile.Il a passé trois heures vendredi à Cholet (Maine-et-Loire) sur le site d’une des deux usines Michelin promises à la fermeture, accueilli par dix minutes de huées.”Les salariés sont bouleversés, en colère, on peut le comprendre car la manière dont a été faite l’annonce (…) n’était pas une manière digne”, a estimé M. Ferracci lors de l’émission “On n’arrête pas l’Eco”: “Les salariés ont été prévenus très tard, la direction de Michelin ne s’est pas déplacée pour leur faire l’annonce en direct, les yeux dans les yeux (…) c’est regrettable.” Le géant français du pneu a annoncé le 5 novembre la fermeture avant 2026 des sites de Cholet et Vannes (Morbihan), qui comptent au total 1.254 salariés.”Nous sommes au début d’une violente saignée industrielle”, a averti la secrétaire générale de la CGT Sophie Binet, dans une interview à La Tribune Dimanche.Cette “saignée” va frapper “tous les secteurs”, et est “due chaque fois à la même stratégie de ces entreprises”. A savoir “toujours augmenter les marges”, d’une part, et “distribuer toujours plus de profits aux actionnaires”, d’autre part, a jugé la cheffe de la centrale syndicale.- “Chaînes de valeur complètement intégrées” – M. Ferracci a qualifié de “très constructifs” les contacts avec les élus locaux, les organisations syndicales du groupe et la direction, avec lesquels il compte suivre le plan d’action mis en place. “L’engagement de Michelin, c’est que personne ne soit laissé sans solution”, a-t-il rappelé.Plus largement, pour la filière automobile en difficulté, pour laquelle il a annoncé un plan d’urgence, M. Ferracci a prôné une “approche de soutien à l’industrie automobile européenne”.”Les chaînes de valeur sont complètement intégrées. Vous avez des fournisseurs en Allemagne pour des constructeurs qui sont en France, et vous avez des fournisseurs qui sont en France pour des constructeurs qui sont en Allemagne. La protection commerciale vis-à-vis des véhicules chinois doit se concevoir au niveau européen”, a-t-il dit.De son côté, le ministre de l’Economie, Antoine Armand, a réagi lors de sa visite du Salon Made in France, à Paris, samedi matin. “Nous sommes dans une conjoncture internationale extraordinairement exigeante avec le coût des matières premières, la question de l’énergie, des pratiques commerciales agressives venues de beaucoup de pays et donc il faut qu’on ne soit pas du tout naïfs, il faut qu’on soit extrêmement fermes et extrêmement exigeants vis-à-vis des autres plaques continentales qui viennent créer de l’instabilité et créer de la fragilité”, a-t-il déclaré.Les équipementiers automobiles européens ont tiré la sonnette d’alarme cette semaine face au nombre inédit de suppressions d’emplois dans le secteur.32.000 suppressions de postes en Europe ont été annoncées au premier semestre 2024, soit plus que pendant la pandémie de Covid, dans ce secteur qui emploie 1,7 million de salariés en Europe.L’industrie automobile, en perte de compétitivité par rapport à l’Asie et aux Etats-Unis, est touchée à la fois par le recul des ventes sur le continent, la concurrence chinoise à bas prix et la lenteur de l’électrification.- “Bonus écologique européen” – Parmi les mesures évoquées, M. Ferracci envisage “un bonus écologique à l’échelle européenne”, un “emprunt commun européen” pour financer des “mécanismes de soutien” à la filière. “Dès le 1er semestre 2025, la Commission européenne a dit qu’elle allait mettre en priorité un +clean industrial act+, c’est-à-dire une législation européenne sur l’industrie propre, dans laquelle nous pourrons mettre en place un certain nombre de mesures”.L’automobile n’est pas le seul secteur touché. Dans l’aéronautique, la branche défense et espace d’Airbus, qui fabrique notamment des satellites et compte 35.000 salariés, devrait supprimer 2.500 postes en 2026. M. Ferracci a indiqué qu’il veillerait à ce qu’il n’y ait pas de licenciements, les salariés ayant vocation à être reclassés dans d’autres entités d’Airbus.La chimie française, particulièrement sensible aux coûts de l’énergie et de l’électricité, a elle dit mi-octobre craindre de perdre “15.000 emplois” en trois ans sur 200.000, soit 8%.Déjà un millier de suppressions d’emplois ont eu lieu ces derniers mois chez Solvay, Syensqo, Weylchem Lamotte, qui s’ajoutent aux 670 prévues par le groupe pétrochimique ExxonMobil à Port-Jérome en Normandie.En région Auvergne-Rhône-Alpes, la faillite de Vencorex, sur la plateforme chimique de Pont-de-Claix (Isère), met “près de 5.000 emplois en jeu” dans d’autres secteurs industriels que le groupe alimente, estime la CGT.Là aussi, le décrochage est perceptible dans toute l’Europe. La chimie allemande, première du monde, paye les conséquences de la perte du gaz russe bon marché. Unilever, Evonik, BASF ont également annoncé des réductions d’effectifs.Pour faire face au déficit de compétitivité, des élus de tous bords, menés par le vice-président de l’Assemblée nationale et ancien ministre de l’Industrie Roland Lescure, ont demandé au gouvernement dans une pétition publiée par La Tribune Dimanche de maintenir dans le budget 2025 les aides publiques aux entreprises pour la décarbonation de l’industrie.