La guerre qui dévaste le Soudan depuis plus de deux ans a connu dimanche un tournant majeur avec la prise de contrôle d’El-Facher par les paramilitaires, leur donnant le contrôle total du Darfour. Les combats avec l’armée régulière se concentrent désormais dans la région voisine du Kordofan. L’armée contrôle le nord, l’est et le centre du pays, y compris la capitale Khartoum et Port-Soudan, port stratégique sur la mer Rouge où siège un gouvernement de transition formé sous l’autorité du général Abdel Fattah al-Burhane, commandant de l’armée et dirigeant de facto du Soudan.Les paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR) menées par le général Mohamed Daglo dominent le sud du pays et, depuis la chute d’El-Facher ce weekend, toute la vaste région du Darfour (ouest), où ils ont formé une administration parallèle. Les experts craignent à la fois une nouvelle partition du pays, déjà amputé par la création du Soudan du Sud en 2011, et un retour au Darfour des massacres qui avaient ensanglanté le début des années 2000, à l’époque des milices arabes Janjawid, dont les FSR sont les héritières.Depuis son déclenchement en avril 2023, la guerre entre l’armée et les FSR a fait plusieurs dizaines de milliers de morts et des millions de déplacés, générant la “pire crise humanitaire” contemporaine, selon l’ONU, avec plus de 24 millions de personnes confrontées à une insécurité alimentaire aiguë.Voici un état des lieux: – Darfour : le long siège d’El-Facher — Les FSR ont pris dimanche El-Facher après 18 mois de siège et d’intenses combats avec l’armée régulière. Les accusations d’exactions de masse sur les civils se multiplient depuis leur assaut, étayées par des informations du terrain, des vidéos qui circulent sur les réseaux sociaux et des images satellites.- Le Haut-Commissariat de l’ONU aux droits de l’homme a alerté lundi du “risque croissant d’atrocités motivées par des considérations ethniques”. Des ONG avertissent depuis plusieurs mois sur de possibles exactions des paramilitaires contre les communautés non arabes, comme la tribu des Zaghawa, pilier des “Forces conjointes” pro-armée. La tribu des Massalit a été visée en 2023 par des massacres à El-Geneina, chef-lieu du Darfour-Ouest.- En avril 2025, les FSR ont pris le camp de déplacés de Zamzam après un assaut meurtrier. Vidé de ses quelque 400.000 habitants selon l’ONU, il sert aujourd’hui de base à des mercenaires étrangers, selon un ancien responsable du camp joint par l’AFP.- Le camp d’Abou Chouk, qui abritait l’an dernier 200.000 déplacés, est passé fin septembre sous contrôle des FSR, selon le porte-parole du camp joint par l’AFP. La plupart des habitants ont pris la fuite, selon l’ONU. – Nyala, chef-lieu du Darfour-Sud, sert de capitale provisoire aux FSR qui y ont formé un “gouvernement” rival. Ces dernières semaines, des frappes aériennes de l’armée ont ciblé régulièrement l’aéroport suspecté de réceptionner des armes et des hommes envoyés par les Emirats arabes unis en soutien aux FSR – ce qu’Abou Dhabi dément. – Kordofan : massacres et crise humanitaire — Les combats se sont intensifiés ces derniers mois au Kordofan, région voisine du Darfour, riche en pétrole, mais dont la population souffre de malnutrition généralisée selon des organisations humanitaires.- Les FSR ont affirmé samedi avoir pris la ville de Bara, au Kordofan-Nord, sur un axe stratégique reliant le Darfour à Khartoum.- Les FSR encerclent désormais la capitale régionale El-Obeid.- Dans le Kordofan-Sud, les FSR et leurs alliés du Mouvement populaire de libération du Soudan–Nord (SPLM-N) assiègent aussi la ville de Dilling et la capitale régionale Kadugli (500.000 habitants), soumise à des bombardements permanents.- En août, des attaques de drones des FSR ont touché le site pétrolier de Heglig. – Khartoum: reconstruction et attaques de drones — L’armée a repris aux FSR l’Etat de Khartoum (centre-est) en mai. De grands travaux de reconstruction sont en cours dans la capitale en vue du retour annoncé des institutions.- Cependant, mi-octobre, les drones des FSR ont frappé pendant trois jours l’aéroport après des attaques en septembre sur des sites stratégiques proches de Khartoum – une station électrique, une raffinerie de pétrole, une usine d’armement. – Longtemps épargné par les combats, Port-Soudan (nord-est) avait été frappé par des drones des FSR, en mai. Des sites stratégiques ont été touchés à la même époque à Atbara (nord), et à Kassala (est).- En août, des drones des FSR ont frappé Tamboul, au sud-est de Khartoum. Cette semaine, leurs frappes ont touché l’État du Nil Blanc, au sud, dont une base aérienne, des dépôts de carburant, une centrale électrique et un site militaire.
