A Kinshasa, des terres agricoles englouties par le béton

Le chant des oiseaux et le bruit d’une rivière dans les environs de Kinshasa offrent une quiétude oubliée dans la capitale grouillante de la République démocratique du Congo (RDC), qui ne cesse de s’étendre, en engloutissant les terres agricoles.La vallée de Kimwenza, située aux marges de la mégapole de quelque 17 millions d’habitants, a deux faces: un versant a déjà disparu sous le béton, l’autre est encore couvert de forêts et de champs où s’alignent sagement épinards, oseille et ciboulette, cultures typiques de l’agriculture locale qui est à la peine.Kimwenza était jusqu’à récemment considérée comme un “grenier” pour nourrir Kinshasa, explique à l’AFP Ruphin Kinzonzi, un agriculteur du coin.  Au lever du jour, une procession de commerçantes traverse la rivière sur un pont de bois, panier sur la tête. Elles viennent chercher au pied des champs de M. Kinzonzi les produits qu’elles livreront en ville. Des volumes toutefois insignifiants comparés aux besoins. La RDC dispose de près de 80 millions d’hectares de terres arables et quatre millions de terres irrigables. Mais seul 1% est cultivé, selon une étude la FAO publiée en 2022.Connu pour ses ressources minières, le pays connait un “effet d’éviction des secteurs de l’économie autres que le secteur minier”, note l’organisation. Les entreprises qui importent des produits alimentaires “parviennent souvent à contourner les barrières tarifaires”, ajoute-t-elle, tandis que les producteurs locaux doivent composer avec des routes en mauvais état, jalonnées de barrières où sont prélevées des taxes illégales.Poulets importés du Brésil critiqués pour leur mauvaise qualité, fruits et légumes sud-africains ou importés par avion d’Europe envahissent les supermarchés kinois, et les prix sont souvent exorbitants.- “Petits moyens” -Sylvia Nkelane a quitté son quartier pauvre et densément peuplé pour travailler à Kimwenza. Cette ancienne éducatrice de maternelle ne connaissait rien à l’agriculture, mais son école a fermé, et elle s’est retrouvée contrainte à la débrouille, comme des millions de Kinois précaires. Elle a du verser une caution pour avoir le droit d’exploiter sa petite parcelle d’environ dix mètres sur trois et paie chaque mois un loyer. “Mais c’est provisoire”, déplore la jeune femme, pieds nus dans la terre fraichement sarclée. “Ici, c’est une concession privée, nous sommes là juste pour quelque temps, et si devions partir, nous n’aurions nulle part où aller”, dit-elle. La spéculation immobilière pousse de nombreux propriétaires terriens à transformer les parcelles agricoles en terrains à bâtir. Par ailleurs, les petits cultivateurs comme Sylvia ont rarement les moyens d’acheter outils, engrais et insecticides. “On est obligé de faire avec nos petits moyens, c’est compliqué”, déplore Ruphin, son voisin de parcelle. Seule une petite moitié des ménages agricoles congolais accède à des semences de qualité, et la quasi-totalité n’utilisent pas d’engrais, selon une étude du Cadre intégré de classification de la sécurité alimentaire (IPC) parue en 2024.- Sol “pauvre” -Malgré les pluies abondantes, la région de Kinshasa n’est guère propice à l’agriculture. La faute aux “sols sableux, à faible capacité de rétention d’eau et pauvres en matière organique”, qui caractérisent les rives du fleuve Congo, selon la FAO.Au nord-ouest de la ville, une ferme pilote, soutenue par le Programme alimentaire mondial (PAM), tente de transformer ce sable en terre exploitable.  Plants de carottes et papayers ont surgi d’un rectangle de terre sombre, grâce à une technique de fertilisation à base d’engrais biologiques, obtenus avec un mélange de compost et de fientes de poules, développée par Oswald Symenouh, agronome à la tête de l’entreprise qui exploite la ferme.”Ca permet la rétention d’eau, parce que la texture du sol a changé”, explique-t-il. Mais il faut environ “deux ans pour que ce sol soit bon à utiliser pour les différentes cultures maraichères”. Un investissement à long terme difficilement envisageable pour des petits agriculteurs, qui doivent être “formés et accompagnés”, concède-t-il.  Selon l’ONU, plus de 26 millions de personnes en RDC risquent de se trouver en situation d’insécurité alimentaire sévère d’ici début 2026. 
Le chant des oiseaux et le bruit d’une rivière dans les environs de Kinshasa offrent une quiétude oubliée dans la capitale grouillante de la République démocratique du Congo (RDC), qui ne cesse de s’étendre, en engloutissant les terres agricoles.La vallée de Kimwenza, située aux marges de la mégapole de quelque 17 millions d’habitants, a deux faces: un versant a déjà disparu sous le béton, l’autre est encore couvert de forêts et de champs où s’alignent sagement épinards, oseille et ciboulette, cultures typiques de l’agriculture locale qui est à la peine.Kimwenza était jusqu’à récemment considérée comme un “grenier” pour nourrir Kinshasa, explique à l’AFP Ruphin Kinzonzi, un agriculteur du coin.  Au lever du jour, une procession de commerçantes traverse la rivière sur un pont de bois, panier sur la tête. Elles viennent chercher au pied des champs de M. Kinzonzi les produits qu’elles livreront en ville. Des volumes toutefois insignifiants comparés aux besoins. La RDC dispose de près de 80 millions d’hectares de terres arables et quatre millions de terres irrigables. Mais seul 1% est cultivé, selon une étude la FAO publiée en 2022.Connu pour ses ressources minières, le pays connait un “effet d’éviction des secteurs de l’économie autres que le secteur minier”, note l’organisation. Les entreprises qui importent des produits alimentaires “parviennent souvent à contourner les barrières tarifaires”, ajoute-t-elle, tandis que les producteurs locaux doivent composer avec des routes en mauvais état, jalonnées de barrières où sont prélevées des taxes illégales.Poulets importés du Brésil critiqués pour leur mauvaise qualité, fruits et légumes sud-africains ou importés par avion d’Europe envahissent les supermarchés kinois, et les prix sont souvent exorbitants.- “Petits moyens” -Sylvia Nkelane a quitté son quartier pauvre et densément peuplé pour travailler à Kimwenza. Cette ancienne éducatrice de maternelle ne connaissait rien à l’agriculture, mais son école a fermé, et elle s’est retrouvée contrainte à la débrouille, comme des millions de Kinois précaires. Elle a du verser une caution pour avoir le droit d’exploiter sa petite parcelle d’environ dix mètres sur trois et paie chaque mois un loyer. “Mais c’est provisoire”, déplore la jeune femme, pieds nus dans la terre fraichement sarclée. “Ici, c’est une concession privée, nous sommes là juste pour quelque temps, et si devions partir, nous n’aurions nulle part où aller”, dit-elle. La spéculation immobilière pousse de nombreux propriétaires terriens à transformer les parcelles agricoles en terrains à bâtir. Par ailleurs, les petits cultivateurs comme Sylvia ont rarement les moyens d’acheter outils, engrais et insecticides. “On est obligé de faire avec nos petits moyens, c’est compliqué”, déplore Ruphin, son voisin de parcelle. Seule une petite moitié des ménages agricoles congolais accède à des semences de qualité, et la quasi-totalité n’utilisent pas d’engrais, selon une étude du Cadre intégré de classification de la sécurité alimentaire (IPC) parue en 2024.- Sol “pauvre” -Malgré les pluies abondantes, la région de Kinshasa n’est guère propice à l’agriculture. La faute aux “sols sableux, à faible capacité de rétention d’eau et pauvres en matière organique”, qui caractérisent les rives du fleuve Congo, selon la FAO.Au nord-ouest de la ville, une ferme pilote, soutenue par le Programme alimentaire mondial (PAM), tente de transformer ce sable en terre exploitable.  Plants de carottes et papayers ont surgi d’un rectangle de terre sombre, grâce à une technique de fertilisation à base d’engrais biologiques, obtenus avec un mélange de compost et de fientes de poules, développée par Oswald Symenouh, agronome à la tête de l’entreprise qui exploite la ferme.”Ca permet la rétention d’eau, parce que la texture du sol a changé”, explique-t-il. Mais il faut environ “deux ans pour que ce sol soit bon à utiliser pour les différentes cultures maraichères”. Un investissement à long terme difficilement envisageable pour des petits agriculteurs, qui doivent être “formés et accompagnés”, concède-t-il.  Selon l’ONU, plus de 26 millions de personnes en RDC risquent de se trouver en situation d’insécurité alimentaire sévère d’ici début 2026.