Assemblée: le RN s’offre une tribune sur les retraites, avant de tenter d’imprimer sur le régalien

Le RN a défendu sans succès jeudi sa proposition de loi pour abroger la réforme des retraites, qui avait préalablement été vidée de sa substance en commission, occasion pour le parti d’extrême droite de se poser en défenseur des travailleurs, face aux “sociaux-traîtres” du Nouveau Front populaire.Le texte était le premier des six inscrits par le RN à l’ordre du jour de la journée réservée à ses initiatives parlementaires, et qui seront débattus jusqu’à minuit au plus tard. A l’issue de plus de cinq heures de débats, il a été rejeté par 197 voix contre 119, les députés ciottistes s’étant abstenus. Les insoumis n’ont pas participé au vote.Le député RN Thomas Ménagé, rapporteur du texte, a attaqué une réforme “sacrificielle, injuste, inutile”, fustigeant dans un même mouvement “le sectarisme de la gauche et de l’extrême gauche”, qui n’a pas souhaité soutenir son texte en commission, et “l’entêtement” des macronistes, qui leur ont fait la “courte échelle” pour le torpiller.”Vous avez voté ensemble pour saborder notre texte afin de restreindre les débats en hémicycle”, a-t-il déploré.Après avoir vu sa proposition de loi amputée de son principal article en commission, le RN a vu ses amendements visant à le rétablir retoqués par la présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, au nom de l’article 40 de la Constitution qui empêche théoriquement les députés de grever les finances publiques. Engagé dans un bras de fer avec le RN pour apparaître comme le meilleur combattant de la réforme, le NFP défendra son propre texte dans la “niche LFI” le 28 novembre. “Ce jour-là, nous discuterons d’une vraie réforme d’abrogation des réformes des retraites que vous n’avez jamais combattue”, a promis l’oratrice LFI, Anaïs Belouassa-Cherifi, dénonçant “l’arnaque sociale” du RN.Au nom du groupe écologiste, Benjamin Lucas-Lundy a pointé le “slalom idéologique” du RN sur la question, fustigeant une “évolution opportuniste” et dénuée de “sincérité” pour faire un coup politique. “Vous êtes dans une course à l’échalote avec le Nouveau Front populaire”, a balayé le député MoDem Philippe Vigier, tandis que l’ancienne ministre Prisca Thevenot (Renaissance) a dénoncé un débat destiné seulement à permettre au RN de “(se) rouler en boule” et “crier au déni démocratique”.- “Vindicte populaire” -Les députés ont rejeté les uns après les autres les articles, dans une atmosphère tendue, notamment lorsque M. Ménagé a égrené les noms des membres NFP de la commission des Finances ayant détricoté sa proposition de loi. La présidente du groupe écologiste, Cyrielle Chatelain, y a vu une “menace, celle de jeter à la vindicte populaire le vote et le nom des députés”.Débats houleux également à propos d’une demande de rapport sur la manière dont la relance de la natalité pourrait contribuer à pérenniser le système des retraites, la gauche accusant le RN d’avoir une vision “sexiste et patriarchale”. “Il fut un temps (…) où la gauche aussi défendait la natalité et la famille”, a répliqué Laure Lavalette.”Pour la énième fois, l’extrême gauche a contribué à repousser l’abrogation de la réforme d’Emmanuel Macron (…) Ils sont prêts à trahir leurs électeurs pour ne surtout pas voter autre chose que (leur) texte”, a déclaré à la presse la cheffe de file du RN, Marine Le Pen, en assurant que son groupe voterait au contraire le texte de la France insoumise.Passées les explications de texte avec la gauche, le RN a entamé un autre chapitre sur le régalien, le regard cette fois tourné vers la droite et les réactions des ministres de Michel Barnier, issu de LR.Le RN proposera notamment d’assouplir les conditions d’expulsion de certains délinquants étrangers, et d’instaurer des peines planchers pour certains crimes et délits.Toujours soucieux d’obtenir des victoires idéologiques, le parti lepéniste entend obtenir des voix du groupe Droite républicaine (ex-LR) de Laurent Wauquiez… qui ne compte pas rechigner à soutenir ces deux textes.Et la position de la droite pourrait encore fragiliser la coalition gouvernementale avec les macronistes. “On aurait un problème de cohérence si les députés DR votent des textes du RN. J’espère qu’ils ne le feront pas”, a déclaré à l’AFP la porte-parole du groupe macroniste EPR Marie Lebec.En plus de ces textes régaliens, le RN proposera de supprimer le critère de diagnostic de performance énergétique (DPE) pour la location d’un logement, un texte plus technique sur le régime de gestion des barrages hydroélectriques ou encore d’instaurer l’exonération d’impôt sur le revenu des médecins et infirmiers en cumul emploi-retraite.