Premier sommet entre le Royaume-Uni et l’UE depuis le Brexit, centré sur la défense

Le Royaume-Uni et l’Union européenne tiennent lundi à Londres un sommet inédit, cinq ans après le Brexit, destiné à poser les fondations d’une relation plus étroite, en particulier en matière de défense.Le Premier ministre britannique Keir Starmer, qui a promis de “réinitialiser” la coopération avec l’UE à son arrivée au pouvoir en juillet dernier, accueille la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen et le président du Conseil européen Antonio Costa.Ce sommet est l’occasion pour le dirigeant travailliste de concrétiser sa volonté de rapprochement avec Bruxelles et de tourner la page des années de tensions entre les 27 et les précédents gouvernements conservateurs liées au Brexit, intervenu le 31 janvier 2020.Depuis, la guerre déclenchée par la Russie en Ukraine et le risque d’un désengagement américain du continent européen ont conforté Londres et Bruxelles dans leur volonté de resserrer les liens dans le domaine de la défense.Si l’atmosphère s’est réchauffée entre les deux parties, les pourparlers ne sont pas aisés pour autant: ils se sont crispés notamment sur les questions des quotas de pêche et de mobilité des jeunes.Si une “percée” a été réalisée dimanche soir tard, il reste “encore des pas à faire”, a indiqué lundi matin une source proche des négociations à l’AFP. “Nous conclurons un accord dans l’intérêt national”, a de son côté affirmé Keir Starmer sur X lundi, réitérant sa promesse de “sécuriser les frontières, (de) factures moins chères et (de) davantage d’emplois” grâce à ce rapprochement, dont les contours restent flous.”Je ne peux pas confirmer que c’est conclu, mais c’est très prometteur, il y a eu des avancées et il s’agit fondamentalement d’améliorer le sort des gens dans ce pays”, a aussi déclaré sur la BBC le ministre du Commerce extérieur Jonathan Reynolds.- “Jusqu’au bout” -“On va dans la bonne direction. Quelques détails restent à régler mais c’est plutôt positif, on va y arriver”, commentait un diplomate européen dimanche en fin de journée à Bruxelles, sous couvert de l’anonymat.Les dirigeants devraient annoncer un partenariat sur la défense et la sécurité, signer un document définissant une vision commune sur les grands enjeux mondiaux et un autre listant les dossiers sur lesquels ils comptent progresser dans les prochains mois.Le pacte sur la défense permettrait au Royaume-Uni de participer à des réunions ministérielles de l’UE et de rejoindre certaines missions militaires européennes, au-delà des engagements communs déjà forts avec les pays de l’UE membres de l’Otan.Pour Londres, l’enjeu est aussi économique, avec à la clé l’accès pour ses entreprises au futur programme européen doté de 150 milliards d’euros visant à développer la base industrielle de défense au sein de l’UE. La participation à ce programme exigera toutefois un autre accord, dans un second temps, ainsi qu’une contribution financière britannique.Outre la défense, le gouvernement travailliste, qui cherche à stimuler des échanges commerciaux pénalisés par les formalités administratives nées du Brexit, a laissé entendre qu’il était ouvert à un alignement dynamique sur les normes de l’UE pour les produits alimentaires et agricoles.Un accord sur ces normes sanitaires et phytosanitaires aiderait les producteurs britanniques qui “sont confrontés à de la paperasserie administrative et des contrôles pour exporter vers notre partenaire commercial le plus proche et le plus important”, fait valoir Downing Street.- “Capitulation” -Mais certains pays de l’UE ont mis dans la balance d’autres demandes, comme la reconduction de l’accès des pêcheurs européens aux eaux britanniques, et un programme de mobilité réciproque des jeunes âgés de 18 à 30 ans pour étudier et travailler au Royaume-Uni et dans l’UE.Des sujets sensibles côté britannique, d’autant plus avec la montée en puissance du parti europhobe et anti-immigration Reform UK dirigé par l’ex-champion du Brexit Nigel Farage. Keir Starmer veut éviter tout ce qui ferait augmenter les chiffres de l’immigration légale, qu’il s’est engagé à faire baisser.Le chef du gouvernement répète à l’envi ses “lignes rouges”: pas question de revenir dans le marché commun ni dans l’union douanière, pas question de rétablir la libre circulation.Mais l’accord n’est même pas conclu que Nigel Farage, tout comme la dirigeante de l’opposition conservatrice Kemi Badenoch, l’ont déjà décrit comme une “capitulation” face à Bruxelles.Pour Anand Menon, directeur du centre de réflexion UK in a Changing Europe, le sommet est “le début, peut-être, d’un processus dans lequel la relation formelle va évoluer pour la première fois après l’accord de commerce et de coopération (TCA)” qui régit les relations entre les deux blocs depuis le départ du Royaume-Uni.

Premier sommet entre le Royaume-Uni et l’UE depuis le Brexit, centré sur la défense

Le Royaume-Uni et l’Union européenne tiennent lundi à Londres un sommet inédit, cinq ans après le Brexit, destiné à poser les fondations d’une relation plus étroite, en particulier en matière de défense.Le Premier ministre britannique Keir Starmer, qui a promis de “réinitialiser” la coopération avec l’UE à son arrivée au pouvoir en juillet dernier, accueille la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen et le président du Conseil européen Antonio Costa.Ce sommet est l’occasion pour le dirigeant travailliste de concrétiser sa volonté de rapprochement avec Bruxelles et de tourner la page des années de tensions entre les 27 et les précédents gouvernements conservateurs liées au Brexit, intervenu le 31 janvier 2020.Depuis, la guerre déclenchée par la Russie en Ukraine et le risque d’un désengagement américain du continent européen ont conforté Londres et Bruxelles dans leur volonté de resserrer les liens dans le domaine de la défense.Si l’atmosphère s’est réchauffée entre les deux parties, les pourparlers ne sont pas aisés pour autant: ils se sont crispés notamment sur les questions des quotas de pêche et de mobilité des jeunes.Si une “percée” a été réalisée dimanche soir tard, il reste “encore des pas à faire”, a indiqué lundi matin une source proche des négociations à l’AFP. “Nous conclurons un accord dans l’intérêt national”, a de son côté affirmé Keir Starmer sur X lundi, réitérant sa promesse de “sécuriser les frontières, (de) factures moins chères et (de) davantage d’emplois” grâce à ce rapprochement, dont les contours restent flous.”Je ne peux pas confirmer que c’est conclu, mais c’est très prometteur, il y a eu des avancées et il s’agit fondamentalement d’améliorer le sort des gens dans ce pays”, a aussi déclaré sur la BBC le ministre du Commerce extérieur Jonathan Reynolds.- “Jusqu’au bout” -“On va dans la bonne direction. Quelques détails restent à régler mais c’est plutôt positif, on va y arriver”, commentait un diplomate européen dimanche en fin de journée à Bruxelles, sous couvert de l’anonymat.Les dirigeants devraient annoncer un partenariat sur la défense et la sécurité, signer un document définissant une vision commune sur les grands enjeux mondiaux et un autre listant les dossiers sur lesquels ils comptent progresser dans les prochains mois.Le pacte sur la défense permettrait au Royaume-Uni de participer à des réunions ministérielles de l’UE et de rejoindre certaines missions militaires européennes, au-delà des engagements communs déjà forts avec les pays de l’UE membres de l’Otan.Pour Londres, l’enjeu est aussi économique, avec à la clé l’accès pour ses entreprises au futur programme européen doté de 150 milliards d’euros visant à développer la base industrielle de défense au sein de l’UE. La participation à ce programme exigera toutefois un autre accord, dans un second temps, ainsi qu’une contribution financière britannique.Outre la défense, le gouvernement travailliste, qui cherche à stimuler des échanges commerciaux pénalisés par les formalités administratives nées du Brexit, a laissé entendre qu’il était ouvert à un alignement dynamique sur les normes de l’UE pour les produits alimentaires et agricoles.Un accord sur ces normes sanitaires et phytosanitaires aiderait les producteurs britanniques qui “sont confrontés à de la paperasserie administrative et des contrôles pour exporter vers notre partenaire commercial le plus proche et le plus important”, fait valoir Downing Street.- “Capitulation” -Mais certains pays de l’UE ont mis dans la balance d’autres demandes, comme la reconduction de l’accès des pêcheurs européens aux eaux britanniques, et un programme de mobilité réciproque des jeunes âgés de 18 à 30 ans pour étudier et travailler au Royaume-Uni et dans l’UE.Des sujets sensibles côté britannique, d’autant plus avec la montée en puissance du parti europhobe et anti-immigration Reform UK dirigé par l’ex-champion du Brexit Nigel Farage. Keir Starmer veut éviter tout ce qui ferait augmenter les chiffres de l’immigration légale, qu’il s’est engagé à faire baisser.Le chef du gouvernement répète à l’envi ses “lignes rouges”: pas question de revenir dans le marché commun ni dans l’union douanière, pas question de rétablir la libre circulation.Mais l’accord n’est même pas conclu que Nigel Farage, tout comme la dirigeante de l’opposition conservatrice Kemi Badenoch, l’ont déjà décrit comme une “capitulation” face à Bruxelles.Pour Anand Menon, directeur du centre de réflexion UK in a Changing Europe, le sommet est “le début, peut-être, d’un processus dans lequel la relation formelle va évoluer pour la première fois après l’accord de commerce et de coopération (TCA)” qui régit les relations entre les deux blocs depuis le départ du Royaume-Uni.

Chili: une enclave allemande au passé sinistre refuse l’expropriation

Centre de torture sous Pinochet, une ancienne enclave allemande au Chili doit devenir un lieu de mémoire de la dictature. Mais ses habitants, déjà marqués par les sévices du gourou à la tête de leur communauté et les crimes qu’il a tolérés, s’opposent à l’expropriation.Située à 380 km au sud de Santiago, l’enclave fondée en 1961 sous le nom de Colonia Dignidad a été dirigée pendant plus de trente ans par Paul Schäfer, un ancien infirmier de l’armée allemande et prédicateur.Derrière l’image d’un village familial idyllique, il y a imposé un régime de terreur, réduisant des dizaines de personnes à l’esclavage, tandis que les enfants étaient victimes de sévices sexuels.Pendant la dictature d’Augusto Pinochet (1973-1990), l’enclave a également servi de centre de torture et de mise à mort. Les autorités estiment que 26 opposants y ont disparu et que des dizaines d’autres y ont été séquestrés et torturés.En 2024, le président de gauche Gabriel Boric a ordonné l’expropriation du coeur de la colonie, soit 116 de ses 4.800 hectares, afin d’y créer un mémorial dédié aux victimes de la dictature. “Ce sera le plus grand site de mémoire que notre pays aura”, a récemment déclaré auprès de l’AFP le ministre de la Justice, Jaime Gajardo.La dictature du général Pinochet a fait quelque 3.200 morts et plus de 38.000 personnes ont été torturées, selon des chiffres officiels.Mais le projet, dont la forme n’a pas été précisée, se heurte à l’opposition d’une partie des 122 habitants actuels. Appelés à céder une partie de leurs propriétés à l’État, ils dénoncent une nouvelle forme de violence et comptent saisir la justice.”Les colons connaissent chaque détail, chaque bâtiment, chaque arbre. Ils veulent conserver cet endroit où ils ont souffert et travaillé de force (…), parce qu’ils le considèrent comme le fruit de leur travail”, souligne auprès de l’AFP Anna Schnellenkamp, née il y a 48 ans dans la colonie.- “Sorte de vengeance” -“On nous prive de toute notre existence”, déplore Markus Blanck, 50 ans, disant ne pas savoir encore ce que deviendront les entreprises installées dans la colonie et dont il est à la tête.Rebaptisée Villa Baviera en 1991, l’enclave est aujourd’hui un centre de production agricole. On y trouve aussi un restaurant, un hôtel et même une maison de retraite, installée dans l’ancien hôpital. Outre les anciens colons et leurs descendants qui y résident encore, quelque 200 Chiliens y travaillent.Les pères d’Ana Schnellenkamp et de Markus Blanck, tous deux décédés, ont été accusés d’avoir été les complices de Schäfer. Kurt Schnellenkamp a purgé sa peine en prison, tandis que Hans Blanck est décédé avant d’être condamné.Quoi qu’il en soit, tous les colons s’estiment aujourd’hui victimes de Shäfer et de ses complices.Arrêté en 2005 en Argentine, l’ancien infirmier a été accusé d’agressions sexuelles sur des enfants. Il est mort en détention provisoire en 2010. Une vingtaine de personnes au total ont été condamnées en tant qu’auteurs ou complices d’agressions sexuelles et viols.”Nous avons vécu dans une cage pendant 40 ans”, assure Harald Lindemann, 65 ans, dans l’enclave depuis 1963.Des dizaines de colons sont retournés en Allemagne, où l’Etat les a reconnus en tant que victimes. Les habitants de Villa Baviera veulent que le Chili fasse de même.”On sent une sorte de vengeance contre nous (…) qui sommes pratiquement les enfants de ceux qui ont commis ces erreurs et ces crimes”, souligne M. Blanck. Le gouvernement cherche à achever le processus d’expropriation avant mars 2026, date à laquelle M. Boric cédera le pouvoir à son successeur à l’issue de la présidentielle de fin d’année.

Dans l’Arctique, une expédition norvégienne réalise des biopsies sur des ours polaires

Une expédition scientifique norvégienne, que l’AFP a pu suivre, a réalisé en avril les premières biopsies de tissus graisseux sur des ours polaires au Svalbard, dans l’Arctique, pour évaluer l’impact des polluants sur leur santé.Un pied sur le patin d’un hélicoptère, le vétérinaire de la mission Rolf Arne Olden épaule sa carabine à air comprimé et déclenche le tir de sa fléchette anesthésiante sur l’ours blanc qui a commencé à courir sur la glace, en entendant le bruit de l’appareil.L’hélicoptère s’éloigne en attendant que l’animal s’endorme, puis se pose à proximité du mammifère pour que les scientifiques puissent prélever de très fines tranches de tissus graisseux et effectuer des prises de sang. “L’idée est de représenter au mieux ce que les ours vivent dans la nature, mais en laboratoire. Pour cela, on utilise leur graisse qu’on va exposer au stress qu’ils rencontrent, c’est-à-dire des polluants, mais aussi des hormones de stress”, explique Laura Pirard, toxicologue belge qui a développé la méthode à partir des biopsies des ours polaires.Les échantillons sont maintenus en vie pendant quelques jours sur le bateau pour être soumis à des polluants et composants hormonaux avant d’être congelés pour être analysés en laboratoire lors du retour à terre.Outre le vétérinaire qui a endormi l’ours, un ou deux scientifiques de la mission travaillent délicatement sur l’animal pour mener la biopsie, prélever du sang ou encore poser des colliers électroniques GPS, uniquement sur les femelles en raison de la morphologie de leur cou.- Chasse et réchauffement -De premiers “loggers” ont été posés l’an dernier sur cinq femelles. Ces petits cylindres de 4 cm de longueur enregistrent les battements cardiaques et la température de l’ourse. Ces mesures, couplées aux données GPS, permettent de déterminer leur mode de vie, et leur déplacement sur une année.La mission du “programme ours” est menée depuis 40 ans au Svalbard par des scientifiques de l’Institut polaire norvégien (NPI).Cette année, les huit scientifiques – le chef de mission et son adjoint, une spécialiste du comportement spatial, un vétérinaire et quatre toxicologues spécialisés dans les milieux marins – ont embarqué à bord d’un brise-glaces de recherche marine de 100 mètres de long, le Kronprins Haakon. “Nous avons eu une bonne saison, nous avons capturé 53 ours, dont dix femelles avec des oursons ou des jeunes d’un an, et nous avons posé 17 colliers”, précise le chef de l’expédition Jon Aars.Menacés par la chasse jusqu’à un accord international dans les années 1970, les ours polaires sont désormais affectés par le réchauffement climatique.Ceux du Svalbard “consomment davantage de nourriture terrestre, tels que des rennes ou des oeufs d’oiseaux, qu’auparavant”, explique Jon Aars. “Quand la glace fond, ils sont forcés de rester sur terre”, précise-t-il. “Ces ours passent désormais beaucoup plus de temps à terre qu’il y a 20 ou 30 ans.”La population d’ours polaires de la région arctique du Svalbard est cependant en légère hausse depuis une dizaine d’années, souligne le scientifique.

Dans l’Arctique, une expédition norvégienne réalise des biopsies sur des ours polaires

Une expédition scientifique norvégienne, que l’AFP a pu suivre, a réalisé en avril les premières biopsies de tissus graisseux sur des ours polaires au Svalbard, dans l’Arctique, pour évaluer l’impact des polluants sur leur santé.Un pied sur le patin d’un hélicoptère, le vétérinaire de la mission Rolf Arne Olden épaule sa carabine à air comprimé et déclenche le tir de sa fléchette anesthésiante sur l’ours blanc qui a commencé à courir sur la glace, en entendant le bruit de l’appareil.L’hélicoptère s’éloigne en attendant que l’animal s’endorme, puis se pose à proximité du mammifère pour que les scientifiques puissent prélever de très fines tranches de tissus graisseux et effectuer des prises de sang. “L’idée est de représenter au mieux ce que les ours vivent dans la nature, mais en laboratoire. Pour cela, on utilise leur graisse qu’on va exposer au stress qu’ils rencontrent, c’est-à-dire des polluants, mais aussi des hormones de stress”, explique Laura Pirard, toxicologue belge qui a développé la méthode à partir des biopsies des ours polaires.Les échantillons sont maintenus en vie pendant quelques jours sur le bateau pour être soumis à des polluants et composants hormonaux avant d’être congelés pour être analysés en laboratoire lors du retour à terre.Outre le vétérinaire qui a endormi l’ours, un ou deux scientifiques de la mission travaillent délicatement sur l’animal pour mener la biopsie, prélever du sang ou encore poser des colliers électroniques GPS, uniquement sur les femelles en raison de la morphologie de leur cou.- Chasse et réchauffement -De premiers “loggers” ont été posés l’an dernier sur cinq femelles. Ces petits cylindres de 4 cm de longueur enregistrent les battements cardiaques et la température de l’ourse. Ces mesures, couplées aux données GPS, permettent de déterminer leur mode de vie, et leur déplacement sur une année.La mission du “programme ours” est menée depuis 40 ans au Svalbard par des scientifiques de l’Institut polaire norvégien (NPI).Cette année, les huit scientifiques – le chef de mission et son adjoint, une spécialiste du comportement spatial, un vétérinaire et quatre toxicologues spécialisés dans les milieux marins – ont embarqué à bord d’un brise-glaces de recherche marine de 100 mètres de long, le Kronprins Haakon. “Nous avons eu une bonne saison, nous avons capturé 53 ours, dont dix femelles avec des oursons ou des jeunes d’un an, et nous avons posé 17 colliers”, précise le chef de l’expédition Jon Aars.Menacés par la chasse jusqu’à un accord international dans les années 1970, les ours polaires sont désormais affectés par le réchauffement climatique.Ceux du Svalbard “consomment davantage de nourriture terrestre, tels que des rennes ou des oeufs d’oiseaux, qu’auparavant”, explique Jon Aars. “Quand la glace fond, ils sont forcés de rester sur terre”, précise-t-il. “Ces ours passent désormais beaucoup plus de temps à terre qu’il y a 20 ou 30 ans.”La population d’ours polaires de la région arctique du Svalbard est cependant en légère hausse depuis une dizaine d’années, souligne le scientifique.

Scandale des eaux minérales: l’enquête sénatoriale déplore “une dissimulation” par l’Etat et des contrôles toujours défaillants

L’affaire des traitements illicites utilisés pour certaines eaux minérales, révélée par la presse début 2024, a fait l’objet d’une “dissimulation par l’Etat” relevant “d’une stratégie délibérée”, estime la commission d’enquête sénatoriale sur les pratiques des industriels de l’eau en bouteille.”Outre le manque de transparence de Nestlé Waters, il faut souligner celui de l’État, à la fois vis-à-vis des autorités locales et européennes et vis-à-vis des Français (…) Cette dissimulation relève d’une stratégie délibérée, abordée dès la première réunion interministérielle sur les eaux minérales naturelles le 14 octobre 2021. Près de quatre ans après, la transparence n’est toujours pas faite”, souligne ce rapport rendu public lundi après six mois de travaux et plus de 70 auditions.Nestlé Waters, dont la direction assure avoir découvert fin 2020 sur ses sites Perrier, Hépar et Contrex l’usage de traitements interdits pour de l’eau minérale, avait sollicité à ce sujet mi-2021 le gouvernement, puis jusqu’à l’Elysée. Selon le minéralier, il s’agissait d'”assurer la sécurité sanitaire” des eaux lors d’épisodes de contaminations bactériologiques de forages.Dix-huit mois plus tard, un plan de transformation de ses sites était approuvé par les pouvoirs publics, remplaçant les traitements interdits (UV, charbon actif) par une microfiltration fine par ailleurs controversée car à même de priver l’eau minérale de ses caractéristiques.Or le droit européen stipule qu’une eau minérale naturelle ne peut faire l’objet d’aucune désinfection ou traitement de nature à modifier ses caractéristiques.”Malgré la fraude aux consommateurs que représente la désinfection de l’eau, les autorités ne donnent pas de suites judiciaires à ces révélations” de 2021, souligne le rapport.Les sénateurs déplorent ensuite une “inversion de la relation entre l’État et les industriels en matière d’édiction de la norme”: “Nestlé Waters adopte une attitude transactionnelle, posant explicitement l’autorisation de la microfiltration à 0,2 micron comme condition à l’arrêt de traitements pourtant illégaux”.”En définitive, c’est au plus haut niveau de l’État que s’est jouée la décision d’autoriser une microfiltration sous le seuil de 0,8 micron”, au terme d’une “concertation interministérielle”, “dans la continuité des arbitrages pris par le cabinet de la Première ministre, Elisabeth Borne, mais sans que celle-ci ne semble informée”, note le rapport.”De son côté, la présidence de la République, loin d’être une forteresse inexpugnable à l’égard du lobbying de Nestlé, a suivi de près le dossier”, ajoute la commission, qui se base sur “des documents recueillis par ses soins”: elle “savait, au moins depuis 2022, que Nestlé trichait depuis des années”.Alexis Kohler, à l’époque secrétaire général de l’Elysée, avait lui aussi reçu les dirigeants de Nestlé. Lundi, la commission sénatoriale devrait publier les documents transmis par la présidence après son refus d’être auditionné.Interrogé par la presse en février, Emmanuel Macron avait démenti être au courant du dossier.- Trois milliards d’euros -Parmi les conséquences de cette gestion du dossier, le rapport note que l’industriel a pu continuer à commercialiser son eau sous l’appellation – lucrative – d’eau minérale naturelle.Dans le même temps, à ce jour, il n’y a pas “de vérifications exhaustives de l’absence de traitements interdits sur tous les sites de production d’eau conditionnée”, note-t-il.Parmi 28 recommandations, il préconise ainsi un suivi qualitatif des nappes, “un contrôle effectif du niveau de prélèvement réalisé par les minéraliers”, un meilleur étiquetage pour les consommateurs.Aujourd’hui, Perrier attend la décision de renouvellement de son autorisation d’exploiter la source comme “eau minérale naturelle”. Alors que des hydrogéologues mandatés par l’Etat ont rendu un avis défavorable, la préfecture du Gard doit se prononcer d’ici au 7 août et, en attendant, a donné deux mois au groupe pour retirer son système de microfiltration, estimant qu’il “modifie le microbisme de l’eau produite, en contradiction avec la réglementation”.Nestlé dit disposer de solutions alternatives, qu’il souhaite proposer aux autorités.Globalement, le marché des eaux minérales et de source françaises (104 sites, 11.000 emplois directs) représente quelque 3 milliards d’euros de chiffre d’affaires annuel.Un rapport demandé par le gouvernement à l’Inspection générale des affaires sociales, lui aussi révélé par la presse, avait conclu en 2022 que 30% des marques d’eaux en bouteille “subissent des traitements non conformes”.

Des Syriens rêvent de gagner dans les arènes équestres autrefois réservées aux Assad

Pour la première fois, Ziad Abou al-Dahab vise la victoire dans une compétition d’équitation près de Damas, un scénario impensable sous Assad, dont le clan contrôlait étroitement ce sport en Syrie.”Les résultats étaient connus d’avance, toujours en faveur des cavaliers proches du pouvoir”, avant la chute de l’ancien président Bachar al-Assad en décembre, raconte Ziad Abou al-Dahab, 25 ans.”Mon plus grand rêve, à l’époque, était de finir troisième”, ajoute-t-il, en marchant aux côtés de son cheval bai. “Il était impossible de rivaliser avec la famille au pouvoir, car nos chevaux locaux ne faisaient pas le poids face à leurs chevaux européens.”A l’entrée du club équestre de Dimas, près de Damas, trône une statue de Bassel al-Assad à cheval, fils aîné de l’ancien président Hafez al-Assad et frère de Bachar, et dont la tête est recouverte du nouveau drapeau syrien. Destiné à succéder à son père, Bassel est mort dans un accident de voiture, laissant la place à Bachar, devenu président en 2000.L’équitation en Syrie a connu un essor remarquable dans les années 1990, lorsque Bassel al-Assad en a fait sa passion, participant à des compétitions locales et internationales et se faisant connaître comme “le premier cavalier du pays”.Sa popularité et son statut politique ont contribué à mettre en lumière ce sport et à en élargir la pratique. Depuis, l’équitation a été fortement associée au nom de Bassel al-Assad et intégrée à l’identité sportive officielle de l’Etat.L’ancien pouvoir a même donné le nom de “Bassel” à de nombreuses institutions publiques et infrastructures, et érigé dans plusieurs villes des statues le représentant à cheval, renforçant le lien entre le clan Assad et l’équitation, au point que ce sport est devenu un symbole de leur influence dans l’espace public.- “Compétition impossible” -Cette présence s’est transmise à la génération suivante, notamment à travers Cham, fille de Maher al-Assad, le frère de l’ex-président, qui a participé à des compétitions internationales.Ses participations, largement couvertes par les médias, ont illustré l’usage de ce sport par le régime comme outil de propagande.Ce monopole sur l’équitation a poussé le père de la cavalière Mounana Chaker, 26 ans, à lui interdire de poursuivre son rêve de monter à cheval, par crainte de l’ancien pouvoir, jusqu’à sa chute.”Mon père m’a interdit de pratiquer ce sport, car il avait peur de la famille au pouvoir, il me répétait sans cesse que la compétition était impossible”, relate-t-elle en caressant sa jument blanche.”Il ne voulait absolument pas que nous côtoyions les membres de la famille Assad. Il m’a raconté l’histoire de ce cavalier emprisonné après avoir battu Bassel al-Assad. Il ne voulait pas me mettre en danger”, explique-t-elle.Dans les années 1990, le cavalier Adnan Qassar s’est fait un nom en brillant dans une même compétition que Bassel, ce qu’il lui a valu 21 ans d’emprisonnement, avant d’être libéré par décret présidentiel en 2014.”J’ai longtemps été éloignée de ce sport, mais il est temps de revenir avec force. Je suis de la famille Chaker, pas de la famille Assad”, déclare Mme Chaker.- “Un rêve devenu réalité” -Alors que les préparatifs vont bon train pour une compétition locale, l’entraîneur Chadi Abou al-Dahab, 48 ans, supervise environ 240 chevaux, parmi lesquels des races européennes, autrefois réservées aux Assad, dans un centre dédié à Dimas.”Environ quarante chevaux et juments étaient exclusivement réservés à la famille Assad. Personne n’avait le droit de s’en approcher.”A présent, il constate l’arrivée de nombreux nouveaux visages désireux de s’inscrire et de participer à ce sport. “Nous avons désormais beaucoup de cavaliers ambitieux”, se réjouit-il.Tout ému, l’entraîneur Salah Al-Ahmad, 52 ans, encourage son fils Jawad, qui réalise enfin son rêve de monter la jument Topsy, longtemps réservée à Cham al-Assad.”Il rêvait de la toucher, de lui caresser la tête. Aujourd’hui, dans cette nouvelle ère, la jument est à lui. Il a remporté deux compétitions avec elle. C’est un rêve devenu réalité.”

En Irak, la prospection pétrolière menace les mythiques marais mésopotamiens

Sous les roseaux tressés d’une hutte traditionnelle, la colère gronde au sein d’une assemblée citoyenne. Dans le sud de l’Irak, militants et villageois fustigent un projet d’exploration pétrolière qui risque de porter atteinte aux mythiques marais mésopotamiens, déjà ravagés par la sécheresse.”Nous n’accepterons jamais”, martèle le militant Murtada al-Janoubi, militant trentenaire et moustachu au teint mat, cherchant à galvaniser les habitants d’un village de la province de Missane, à l’orée des marais de Hawizeh classés au patrimoine mondial de l’Unesco.Les marais sont en effet synonymes d’une civilisation millénaire de chasseurs-pêcheurs ayant préservé du mieux qu’ils pouvaient leur mode de vie traditionnel en tirant profit des richesses naturelles du secteur.En 2023, quand les autorités ont convenu avec une entreprise chinoise de lancer la prospection pétrolière dans la zone de Hawizeh, les villageois d’Abou Khsaf n’ont pas immédiatement réalisé le danger.C’est cette année qu’ils ont pris la mesure de ce qui se tramait, en voyant débarquer les machineries utilisées pour des études sismiques et pour déblayer une nouvelle route.Si Hawizeh était menacé, “c’est un patrimoine historique, l’identité du Sud (irakien) qui disparaîtraient”, confie M. Janoubi à l’AFP, lors d’une visite des marais chevauchant la frontière Irak-Iran.Installer ici un champ pétrolier détruirait des marais millénaires, ayant abrité selon la légende le jardin d’Eden biblique.Le gouvernement assure que les ministères du Pétrole et de l’Environnement coopèrent sur le dossier pour préserver les marais: toute exploration aura lieu à proximité, et non à l’intérieur de la zone.Des images satellitaires capturées en mars par Planet Labs pour l’AFP montrent les traces laissées au sol par le passage de véhicules.Ces images, explique Wim Zwijnenburg de l’ONG PAX, révèlent la “rapide” construction “d’une route de terre de 1,3 kilomètre dans la végétation des marais”.- “Laissez nos marais tranquilles” -La province de Missane abrite plusieurs champs pétroliers – dont un administré par une compagnie étatique chinoise à quelques kilomètres des marais.Les flammes des torchères sont même visibles depuis les embarcations de pêche sur les ruisseaux qui serpentent les zones humides de Hawizeh, souffrant déjà d’une baisse du débit des eaux, de précipitations en berne et de l’évaporation provoquée par des températures en hausse.”Notre région est envahie par des champs pétroliers: n’est-ce pas suffisant?”, fustige M. Janoubi. “Laissez nos marais tranquilles.”Le pêcheur Kazem Ali, 80 ans, comprend qu’un nouveau projet pétrolier serait synonyme de création d’emplois.”Mais nous, les gens ordinaires, nous n’en bénéficieront pas”, estime-t-il. “Tout ce que nous voulons c’est de l’eau.”Pour expliquer la sécheresse et la chute du niveau des fleuves Tigre et Euphrate – inondant jadis les luxuriants marais – Bagdad pointe du doigt le changement climatique et la construction en amont de dizaines de barrages chez les voisins turc et iranien, accusés de retenir l’eau.A Hawizeh, l’eau subsistant ici et là dépasse rarement un mètre de profondeur. L’immense lac d’Oum al-Naaj a souffert: par endroit à peine trois mètres de profondeur, contre six mètres autrefois, selon M. Janoubi.Si quelques milliers de familles vivent encore dans les grands marais du Sud, le rude quotidien a poussé de plus en plus d’habitants à rallier les villes.Rassoul al-Ghurabi, 28 ans et éleveur de buffles, voit ses bêtes souffrir de la sécheresse. “Mais je ne quitterai jamais les marais et la liberté qu’ils m’offrent”.Un matin de mars en menant son cheptel à la pâture dans les marais, il est surpris par des ouvriers posant des câbles et forant des trous. Un buffle s’est même pris la patte dans un câble, raconte-t-il.- Préserver la biodiversité -Interrogée par l’AFP, la compagnie publique pétrolière de Missane dément: ces véhicules sont repartis de la zone après des travaux en lien avec un autre champ pétrolier attenant aux marais.La nappe pétrolière souterraine de Hawizeh que les autorités espèrent, à terme, exploiter, recouvre 300 kilomètres carrés sous les marais, mais pas sous l’épicentre.Si un projet pétrolier devait voir le jour, il respecterait les directives d’une étude d’impact environnemental et toute prospection serait menée “sans nuire à l’habitat naturel”, rappelle la compagnie publique.Les marais sont constitués d’un épicentre abritant des espèces animales protégées et servant de site d’escale pour 200 espèces d’oiseaux migrateurs.Mais il y a aussi une zone tampon séparant ce secteur des régions attenantes, où se développe l’Irak moderne avec ses villes et ses champs pétroliers.Des militants locaux ont accusé les autorités d’avoir mené des études sismiques dans l’épicentre.Jassem Falahi, haut responsable au ministère de l’Environnement, indique que le statut protégé des marais n’y empêche pas des projets de développement.Mais “ces investissements sont sujets à des conditions et des normes spécifiques: ils ne doivent pas perturber l’épicentre, ni affecter le site et sa biodiversité”.- Pétrole ou patrimoine? -La nappe pétrolière souterraine de Hawizeh est déjà exploitée de l’autre côté de la frontière depuis près de deux décennies en Iran, où les médias locaux ont régulièrement tiré la sonnette d’alarme sur l’impact environnemental.Là-bas, les marais appelés Hoor al-Azim – et souffrant de la sécheresse – accueillent plusieurs plateformes de forage.Cette année, l’agence de presse iranienne Tasnim expliquait que des compagnies énergétiques ont obstrué des cours d’eau et asséché des zones pour construire leurs infrastructures.En Irak, l’UNESCO a réitéré ces dernières années “sa profonde préoccupation” concernant “la vulnérabilité” des marais “face aux développements pétroliers et gaziers”, rappelle à l’AFP un porte-parole de l’institution.L’organisation attend de l’Irak “un engagement continu pour garantir que les activités pétrolières” hors des marais “ne nuisent pas au site et n’empiètent pas sur ses délimitations.”Dans un pays tirant 90% de ses revenus de ses colossales richesses en hydrocarbures, le militant environnementaliste Ahmed Saleh Neema appelle à trouver “l’équilibre entre deux grandes ressources: le pétrole et les marais.””Les marais c’est une biodiversité, une économie, un patrimoine, un folklore”, poursuit l’environnementaliste. “c’est la réputation de l’Irak”.

En Irak, la prospection pétrolière menace les mythiques marais mésopotamiens

Sous les roseaux tressés d’une hutte traditionnelle, la colère gronde au sein d’une assemblée citoyenne. Dans le sud de l’Irak, militants et villageois fustigent un projet d’exploration pétrolière qui risque de porter atteinte aux mythiques marais mésopotamiens, déjà ravagés par la sécheresse.”Nous n’accepterons jamais”, martèle le militant Murtada al-Janoubi, militant trentenaire et moustachu au teint mat, cherchant à galvaniser les habitants d’un village de la province de Missane, à l’orée des marais de Hawizeh classés au patrimoine mondial de l’Unesco.Les marais sont en effet synonymes d’une civilisation millénaire de chasseurs-pêcheurs ayant préservé du mieux qu’ils pouvaient leur mode de vie traditionnel en tirant profit des richesses naturelles du secteur.En 2023, quand les autorités ont convenu avec une entreprise chinoise de lancer la prospection pétrolière dans la zone de Hawizeh, les villageois d’Abou Khsaf n’ont pas immédiatement réalisé le danger.C’est cette année qu’ils ont pris la mesure de ce qui se tramait, en voyant débarquer les machineries utilisées pour des études sismiques et pour déblayer une nouvelle route.Si Hawizeh était menacé, “c’est un patrimoine historique, l’identité du Sud (irakien) qui disparaîtraient”, confie M. Janoubi à l’AFP, lors d’une visite des marais chevauchant la frontière Irak-Iran.Installer ici un champ pétrolier détruirait des marais millénaires, ayant abrité selon la légende le jardin d’Eden biblique.Le gouvernement assure que les ministères du Pétrole et de l’Environnement coopèrent sur le dossier pour préserver les marais: toute exploration aura lieu à proximité, et non à l’intérieur de la zone.Des images satellitaires capturées en mars par Planet Labs pour l’AFP montrent les traces laissées au sol par le passage de véhicules.Ces images, explique Wim Zwijnenburg de l’ONG PAX, révèlent la “rapide” construction “d’une route de terre de 1,3 kilomètre dans la végétation des marais”.- “Laissez nos marais tranquilles” -La province de Missane abrite plusieurs champs pétroliers – dont un administré par une compagnie étatique chinoise à quelques kilomètres des marais.Les flammes des torchères sont même visibles depuis les embarcations de pêche sur les ruisseaux qui serpentent les zones humides de Hawizeh, souffrant déjà d’une baisse du débit des eaux, de précipitations en berne et de l’évaporation provoquée par des températures en hausse.”Notre région est envahie par des champs pétroliers: n’est-ce pas suffisant?”, fustige M. Janoubi. “Laissez nos marais tranquilles.”Le pêcheur Kazem Ali, 80 ans, comprend qu’un nouveau projet pétrolier serait synonyme de création d’emplois.”Mais nous, les gens ordinaires, nous n’en bénéficieront pas”, estime-t-il. “Tout ce que nous voulons c’est de l’eau.”Pour expliquer la sécheresse et la chute du niveau des fleuves Tigre et Euphrate – inondant jadis les luxuriants marais – Bagdad pointe du doigt le changement climatique et la construction en amont de dizaines de barrages chez les voisins turc et iranien, accusés de retenir l’eau.A Hawizeh, l’eau subsistant ici et là dépasse rarement un mètre de profondeur. L’immense lac d’Oum al-Naaj a souffert: par endroit à peine trois mètres de profondeur, contre six mètres autrefois, selon M. Janoubi.Si quelques milliers de familles vivent encore dans les grands marais du Sud, le rude quotidien a poussé de plus en plus d’habitants à rallier les villes.Rassoul al-Ghurabi, 28 ans et éleveur de buffles, voit ses bêtes souffrir de la sécheresse. “Mais je ne quitterai jamais les marais et la liberté qu’ils m’offrent”.Un matin de mars en menant son cheptel à la pâture dans les marais, il est surpris par des ouvriers posant des câbles et forant des trous. Un buffle s’est même pris la patte dans un câble, raconte-t-il.- Préserver la biodiversité -Interrogée par l’AFP, la compagnie publique pétrolière de Missane dément: ces véhicules sont repartis de la zone après des travaux en lien avec un autre champ pétrolier attenant aux marais.La nappe pétrolière souterraine de Hawizeh que les autorités espèrent, à terme, exploiter, recouvre 300 kilomètres carrés sous les marais, mais pas sous l’épicentre.Si un projet pétrolier devait voir le jour, il respecterait les directives d’une étude d’impact environnemental et toute prospection serait menée “sans nuire à l’habitat naturel”, rappelle la compagnie publique.Les marais sont constitués d’un épicentre abritant des espèces animales protégées et servant de site d’escale pour 200 espèces d’oiseaux migrateurs.Mais il y a aussi une zone tampon séparant ce secteur des régions attenantes, où se développe l’Irak moderne avec ses villes et ses champs pétroliers.Des militants locaux ont accusé les autorités d’avoir mené des études sismiques dans l’épicentre.Jassem Falahi, haut responsable au ministère de l’Environnement, indique que le statut protégé des marais n’y empêche pas des projets de développement.Mais “ces investissements sont sujets à des conditions et des normes spécifiques: ils ne doivent pas perturber l’épicentre, ni affecter le site et sa biodiversité”.- Pétrole ou patrimoine? -La nappe pétrolière souterraine de Hawizeh est déjà exploitée de l’autre côté de la frontière depuis près de deux décennies en Iran, où les médias locaux ont régulièrement tiré la sonnette d’alarme sur l’impact environnemental.Là-bas, les marais appelés Hoor al-Azim – et souffrant de la sécheresse – accueillent plusieurs plateformes de forage.Cette année, l’agence de presse iranienne Tasnim expliquait que des compagnies énergétiques ont obstrué des cours d’eau et asséché des zones pour construire leurs infrastructures.En Irak, l’UNESCO a réitéré ces dernières années “sa profonde préoccupation” concernant “la vulnérabilité” des marais “face aux développements pétroliers et gaziers”, rappelle à l’AFP un porte-parole de l’institution.L’organisation attend de l’Irak “un engagement continu pour garantir que les activités pétrolières” hors des marais “ne nuisent pas au site et n’empiètent pas sur ses délimitations.”Dans un pays tirant 90% de ses revenus de ses colossales richesses en hydrocarbures, le militant environnementaliste Ahmed Saleh Neema appelle à trouver “l’équilibre entre deux grandes ressources: le pétrole et les marais.””Les marais c’est une biodiversité, une économie, un patrimoine, un folklore”, poursuit l’environnementaliste. “c’est la réputation de l’Irak”.