L’Otan peut-elle satisfaire Trump sur le niveau de ses dépenses?

Les Etats-Unis exigent du Canada et des pays européens de l’Otan qu’ils consacrent au moins 5% de leur Produit intérieur brut (PIB) à leur défense, un effort considérable qui semble hors de portée pour la plupart des pays de l’Alliance.Faute d’atteindre les 5%, les “mauvais payeurs” ne seraient pas assurés de bénéficier de l’indispensable protection américaine. Dans ces conditions, un accord est-il possible pour faire du sommet de l’Otan en juin à La Haye le “succès” espéré par les Alliés, à commencer par Donald Trump?- Où en est l’Otan? -Depuis l’invasion russe de l’Ukraine en février 2022, les pays européens de l’Otan ont déjà fortement augmenté leurs dépenses militaires.”Il s’agit probablement de l’augmentation la plus importante des dépenses de défense que nous ayons connue au Canada et en Europe depuis la Guerre froide”, a assuré jeudi le secrétaire général de l’Otan Mark Rutte.Pourtant, seule la Pologne est proche du seuil réclamé par Donald Trump, avec 4,7% de son PIB consacré à des dépenses militaires. Elle a promis d’être à 5% l’an prochain.Les pays Baltes tentent de faire de même, à plus long terme, mais la plupart des autres pays de l’Otan sont autour des 2%, un niveau qu’ils s’étaient engagés il y a dix ans à atteindre en 2024. Plusieurs pays en sont même très loin, comme l’Espagne, l’Italie ou la Belgique.Les Etats-Unis sont eux à 3,4%.- Que faire pour atteindre 5%? -Si les 32 pays de l’Otan devaient consacrer 5% de leur PIB à leur défense, cela représenterait plus de 1.100 milliards de dollars supplémentaires chaque année par rapport au niveau de dépenses atteint en 2023, selon une étude récente de l’Institut Peterson pour l’économie internationale à Washington.Un effort “herculéen”, selon un diplomate à Bruxelles, pour des pays dont certains sont déjà très endettés ou dont les priorités sont ailleurs.Atteindre 5% à court terme est “infaisable”, a affirmé vendredi le Premier ministre belge Bart De Wever, dont le pays consacre 1,3% de son PIB à sa défense. Et puis, a-t-il ajouté, “ça devient un peu compliqué d’exiger des choses de nous après qu’on lance une guerre commerciale, après qu’on nous humilie et qu’on nous insulte tout le temps”.Le chiffre de “5% n’est pas politiquement réaliste”, juge aussi Guntram Wolff, économiste, spécialiste des questions de défense auprès de l’Institut Bruegel à Bruxelles.”Pour certains pays comme la Pologne et même la Grèce, il s’agit d’un objectif réalisable compte tenu de leur perception des menaces”, assure de son côté Ian Lesser, expert auprès du German Marshall Fund à Bruxelles.”Pour d’autres, il est certainement hors de portée compte tenu de l’état d’esprit de la société et des autres besoins en matière de dépenses”, ajoute-t-il.Économiquement, un tel effort budgétaire pourrait également avoir des conséquences négatives, selon Guntram Wolff. “Cela augmenterait trop la demande à un moment où l’offre est très limitée. Il en résulterait des hausses de prix considérables”, affirme cet économiste.- Que peut décider l’Otan? -Jeudi à Bruxelles, le secrétaire d’Etat américain Marco Rubio a confirmé l’exigence des 5%, proposant toutefois de se mettre d’accord sur un “processus réaliste” pour l’atteindre.Le secrétaire général de l’Otan envisage de son côté, selon des diplomates, de proposer aux Alliés un chiffre compris entre 3,5 et 3,7%.Alors comment réconcilier ces deux chiffres? Tout dépendra du calendrier, a expliqué cette semaine un diplomate de l’Otan.Un premier objectif, proche de celui préconisé par M. Rutte, pourrait être fixé dans un délai “réaliste”. Et dans un deuxième temps, un objectif à plus long terme de 5% pourrait être également envisagé, selon ce diplomate.En revanche, l’idée d’élargir la notion de dépenses militaires, pour rallier les pays les plus en retard, ne semble pas devoir être retenue.Une route ou une voie de chemin de fer à destination du flanc oriental de l’Otan ne peut pas être considérée comme une dépense militaire, a ainsi expliqué ce diplomate.”La manière dont nous calculons nos dépenses de défense est la même pour tous les alliés, et nous n’avons pas l’intention d’en changer”, a assuré vendredi le ministre espagnol des Affaires étrangères Jose Manuel Albares.

Protest as quake-hit Myanmar junta chief joins Bangkok summit

Protesters displayed a banner calling Myanmar’s junta chief a “murderer” as he joined a regional summit in Bangkok on Friday, a week after a huge earthquake killed thousands and left desperate survivors pleading for food and shelter.More than 3,000 people are confirmed dead after the 7.7-magnitude quake and the United Nations estimates that up to three million may have been affected in some way — many left without shelter after their homes were destroyed.Many nations have sent aid and rescue teams but there is little sign of Myanmar’s ruling military helping survivors on the ground in some of the worst-hit areas.Junta leader Min Aung Hlaing held talks with leaders from Bay of Bengal littoral nations at a plush Bangkok hotel on Friday.The decision to invite him drew criticism, and protesters outside the venue hung a banner from a bridge reading: “We do not welcome murderer Min Aung Hlaing.”The latest death toll in Myanmar stands at 3,145, with 4,589 injured and 221 missing, according to state media. In Bangkok, 22 people were killed, most of them crushed when a tower block under construction collapsed.In Sagaing, the central Myanmar city close to the epicentre of last week’s quake and where an estimated 80 percent of buildings have been damaged, AFP journalists witnessed desperate scenes in recent days as hundreds of exhausted, hungry survivors scrambled for supplies.Teams of citizen volunteers from around Myanmar piled into Sagaing in trucks laden with water, oil, rice and other basic necessities.With so many homes in Sagaing and neighbouring Mandalay left uninhabitable by the quake, survivors have been sleeping in the streets for a week, and are badly in need of proper shelter.A patch of land in Mandalay — a dustbowl covered in trash — has sprouted a tent city of people from ruined homes or others too scared to return because of aftershocks. “There are many people who are in need,” cab driver Hla Myint Po, 30, now living in tents with his family, told AFP.”Sometimes when donors bring things it’s chaos.”While the crisis rages in Myanmar, Min Aung Hlaing sat down Thursday night for a gala dinner with fellow leaders from the BIMSTEC group at the $400-a-night Shangri-La hotel in Bangkok.The veteran general ousted Aung San Suu Kyi’s elected government in a 2021 coup, triggering a bloody civil war, and has been accused of war crimes and serious human rights abuses. Min Aung Hlaing is under multiple global sanctions and the International Criminal Court’s chief prosecutor has sought an arrest warrant for him for alleged crimes against humanity committed against Rohingya Muslims.The junta has carried out dozens of attacks on its own people since the quake, the UN said, including more than 16 air strikes since the military joined rebel groups in declaring a temporary ceasefire to allow aid to get through.However, the junta chief was given red carpet treatment by the Thai government as he arrived for the meeting with Prime Minister Paetongtarn Shinawatra and other leaders from Bay of Bengal nations.The BIMSTEC leaders issued a statement after their talks offering condolences to quake victims and survivors.- ‘Deplorable’ –  Myanmar’s shadow opposition National Unity Government (NUG) condemned Min Aung Hlaing’s presence at the summit, calling it an affront to justice “given the immense suffering he has inflicted on the people of Myanmar”.”Allowing the junta leader and his representatives to participate in regional and international forums risks legitimising an illegal regime,” the NUG said in a statement.Yadanar Maung of the Justice for Myanmar campaign group said it was “deplorable” that Thailand and BIMSTEC welcomed him.Shunned and sanctioned by many Western countries since the coup, the junta has turned to close allies China and Russia for support as it struggles to get the upper hand in a complex, multi-sided civil war.BIMSTEC is Min Aung Hlaing’s first foreign trip outside of China, Russia or Belarus since he attended another regional summit in Indonesia in 2021 soon after the coup.The Bangkok meeting afforded the isolated leader a rare chance for face-to-face diplomacy and he took advantage by holding meetings with Indian Prime Minister Narendra Modi and Paetongtarn.India’s foreign ministry said the so-called Quad Partners — which also include Australia, Japan and the United States — welcomed “recent commitments to temporary, partial ceasefires”.

Dans les cendres et les larmes, l’étrange mission de préservation d’une forêt thaïlandaise brûlée

La généticienne Inna Birchenko pleure, au milieu de la réserve naturelle thaïlandaise d’Umphang. Il n’était pas prévu que cette forêt, où elle est venue collecter des spécimens d’arbres, brûle. La fumée flotte encore dans l’air.”Cette belle communauté diverse d’arbres et d’animaux est en train d’être détruite sous nos yeux”, se lamente-t-elle, choquée de découvrir les ravages du feu.Inna Birchenko est chercheuse aux célèbres Jardins botaniques royaux de Kew, un organisme public britannique qui gère le projet titanesque de la “Banque de semences du millénaire”: près de 2,5 milliards de graines de plus de 40.000 espèces de plantes sauvages méticuleusement échantillonnées dans le monde, et conservées pour la postérité.Avec des scientifiques du Royaume-Uni et de Thaïlande, elle est cette fois venue ici pour collecter des graines et des feuilles d’arbres de cette réserve naturelle, censée être un joyau de préservation. Avec l’objectif d’étudier l’impact de la température et de l’humidité sur la germination des arbres.Ces connaissances pourraient un jour aider à reboiser avec des arbres plus résistants à l’élévation des températures et aux climats plus secs.Mais à Umphang, dans cette zone isolée du nord-ouest thaïlandais, les chercheurs sont atterrés de constater les répercussions des activités humaines sur des forêts pourtant théoriquement protégées.La randonnée sauvage d’Inna Birchenko et de ses collègues s’est transformée en sinistre marche de plusieurs kilomètres sur un sol couvert de cendre noire et grisâtre, à travers des bois parfois encore fumants. Ils ont aussi découvert, sur des parcelles visiblement défrichées, des étendues de champs de maïs.Aucune trace de la faune sauvage: Inna ne verra pas les calaos (des oiseaux), éléphants, cerfs et tigres qui font la réputation du site.A la place, l’équipe ramasse une cigale jaune à moitié carbonisée et découvre cinq oeufs aux coquilles roussies par les flammes dans un nid de poule sauvage.”Cela me fend le coeur”, lâche Nattanit Yiamthaisong, doctorante de l’unité de recherche sur la restauration des forêts (Forru) à l’université de Chiang Mai, qui travaille avec Mme Birchenko et son collègue de Kew, Jan Sala.”Je croyais qu’une réserve ou un parc naturel étaient des zones protégées. Je ne m’attendais pas à voir autant de champs, ni autant de feux”.- Incendies récurrents -Les feux de forêt sont courants en Thaïlande au printemps, quand les agriculteurs embrasent les restes de la récolte précédente pour faire place nette à de nouveaux semis.Certaines communautés, qui peuplent les zones protégées de longue date, ont des autorisations spéciales pour y cultiver des parcelles.Les brûlis agricoles peuvent aider à enrichir le sol. Le feu fait aussi partie intégrante d’écosystèmes forestiers, certaines graines en ayant par exemple besoin pour germer.Mais, parfois, les feux de champs atteignent les forêts adjacentes, accidentellement ou non. Le risque est accru par le climat plus sec lié au changement climatique et par la pression économique sur les agriculteurs, qui les pousse à semer plus fréquemment et sur de plus grands espaces.Or des forêts soumises à des incendies récurrents et extrêmes pourraient ne jamais s’en remettre, avertissent des experts.Vue de satellites de la Nasa, la multiplication des incendies est frappante depuis plusieurs semaines dans de nombreuses zones de Thaïlande pourtant officiellement protégées.Dans la région touristique de Chiang Mai, les pompiers interviennent et envoient des hélicoptères qui larguent de l’eau sur les forêts en flammes, au prix de milliers de dollars par mission.Mais la réserve d’Umphang, elle, est loin des regards et délaissée. Des gardes forestiers protègent certes le secteur, mais ils sont mal payés et surmenés, et manquent de moyens, selon des défenseurs de l’environnement.Le ministère thaïlandais des Parcs nationaux n’a pas répondu aux sollicitations de l’AFP.- Déforestation rapide -“La forêt tropicale immaculée que nous nous attendions à voir a disparu”, déplore Jan Sala, expert en germination. “Cela montre vraiment l’importance de la préservation de la biodiversité car tout est en train d’être déboisé très, très rapidement”.Le projet de Jan Sala et Inna Birchenko vise à cartographier la structure et la diversité génétiques de trois espèces d’arbres, à prédire leur résistance au changement climatique et, au bout du compte, à délimiter en Thaïlande des zones de plantation selon l’adaptabilité des espèces.”Nous espérons que certains (arbres) seront plus résistants au changement climatique. Et ensuite (…) nous pourrons mieux faire usage” de tel ou tel type d’arbre pour reboiser, explique M. Sala.De retour au Royaume-Uni, les chercheurs feront germer les graines collectées, à des températures et des niveaux d’humidité différents afin de connaître leurs limites.Des analyses génétiques permettront d’identifier les mutations qui rendent les arbres plus résistants au réchauffement.D’où la mission de collecte de spécimens en Thaïlande, concentrée sur trois espèces d’arbres non menacées: l’albizia odoratissima, le phyllanthus emblica (une sorte de groseiller) et le sapindus rarak. Toutes se développent dans des climats différents et les habitants de la zone savent les repérer.Malgré leur aide, la tâche s’avère parfois complexe pour l’équipe scientifique, qui scrute la forêt pour repérer les formes de feuilles des arbres en question.- Capsule “pour l’avenir” -“Ma Sak?”, crie Jan Sala, en prononçant le nom local du sapindus rarak, dont les fruits étaient autrefois utilisés comme détergent naturel.La confirmation revient au technicien du Forru, Thongyod Chiangkanta, un ancien garde forestier et expert en identification des plantes.Idéalement, les graines sont prélevées dans les fruits encore attachés à l’arbre. Quand les branches sont trop hautes, l’équipe lance une corde rouge lestée vers les branches pour les secouer et faire pleuvoir les fruits, mais aussi des feuilles qu’analysera Inna Birchenko. Ces échantillons de branches et de feuilles sont soigneusement pressés comme dans un herbier, et rejoindront plus de sept millions d’autres spécimens en Angleterre, dans l’herbarium de Kew.Quant aux graines, les chercheurs prévoient d’en collecter des milliers durant l’expédition, en s’assurant au préalable qu’elles ne sont ni gâtées ni infestées.La mission n’est pas infructueuse. “C’est génial de trouver les arbres, mais en même temps vraiment triste, parce qu’à cinq mètres de l’arbre, il y a un feu de forêt, l’espace est dégradé, et j’imagine que ces arbres ne seront plus là dans quelques années”, dit Jan Sala.Les prélèvements de l’équipe ont lieu dans sept zones de Thaïlande, qui heureusement n’ont pas toutes brûlé.C’est “une capsule de la diversité génétique que nous préservons pour l’avenir”, résume Inna Birchenko, qui n’en reste pas moins anxieuse de l’avenir: “Nous faisons quelque chose, mais nous faisons trop peu et peut-être trop tard.”

Dans les cendres et les larmes, l’étrange mission de préservation d’une forêt thaïlandaise brûlée

La généticienne Inna Birchenko pleure, au milieu de la réserve naturelle thaïlandaise d’Umphang. Il n’était pas prévu que cette forêt, où elle est venue collecter des spécimens d’arbres, brûle. La fumée flotte encore dans l’air.”Cette belle communauté diverse d’arbres et d’animaux est en train d’être détruite sous nos yeux”, se lamente-t-elle, choquée de découvrir les ravages du feu.Inna Birchenko est chercheuse aux célèbres Jardins botaniques royaux de Kew, un organisme public britannique qui gère le projet titanesque de la “Banque de semences du millénaire”: près de 2,5 milliards de graines de plus de 40.000 espèces de plantes sauvages méticuleusement échantillonnées dans le monde, et conservées pour la postérité.Avec des scientifiques du Royaume-Uni et de Thaïlande, elle est cette fois venue ici pour collecter des graines et des feuilles d’arbres de cette réserve naturelle, censée être un joyau de préservation. Avec l’objectif d’étudier l’impact de la température et de l’humidité sur la germination des arbres.Ces connaissances pourraient un jour aider à reboiser avec des arbres plus résistants à l’élévation des températures et aux climats plus secs.Mais à Umphang, dans cette zone isolée du nord-ouest thaïlandais, les chercheurs sont atterrés de constater les répercussions des activités humaines sur des forêts pourtant théoriquement protégées.La randonnée sauvage d’Inna Birchenko et de ses collègues s’est transformée en sinistre marche de plusieurs kilomètres sur un sol couvert de cendre noire et grisâtre, à travers des bois parfois encore fumants. Ils ont aussi découvert, sur des parcelles visiblement défrichées, des étendues de champs de maïs.Aucune trace de la faune sauvage: Inna ne verra pas les calaos (des oiseaux), éléphants, cerfs et tigres qui font la réputation du site.A la place, l’équipe ramasse une cigale jaune à moitié carbonisée et découvre cinq oeufs aux coquilles roussies par les flammes dans un nid de poule sauvage.”Cela me fend le coeur”, lâche Nattanit Yiamthaisong, doctorante de l’unité de recherche sur la restauration des forêts (Forru) à l’université de Chiang Mai, qui travaille avec Mme Birchenko et son collègue de Kew, Jan Sala.”Je croyais qu’une réserve ou un parc naturel étaient des zones protégées. Je ne m’attendais pas à voir autant de champs, ni autant de feux”.- Incendies récurrents -Les feux de forêt sont courants en Thaïlande au printemps, quand les agriculteurs embrasent les restes de la récolte précédente pour faire place nette à de nouveaux semis.Certaines communautés, qui peuplent les zones protégées de longue date, ont des autorisations spéciales pour y cultiver des parcelles.Les brûlis agricoles peuvent aider à enrichir le sol. Le feu fait aussi partie intégrante d’écosystèmes forestiers, certaines graines en ayant par exemple besoin pour germer.Mais, parfois, les feux de champs atteignent les forêts adjacentes, accidentellement ou non. Le risque est accru par le climat plus sec lié au changement climatique et par la pression économique sur les agriculteurs, qui les pousse à semer plus fréquemment et sur de plus grands espaces.Or des forêts soumises à des incendies récurrents et extrêmes pourraient ne jamais s’en remettre, avertissent des experts.Vue de satellites de la Nasa, la multiplication des incendies est frappante depuis plusieurs semaines dans de nombreuses zones de Thaïlande pourtant officiellement protégées.Dans la région touristique de Chiang Mai, les pompiers interviennent et envoient des hélicoptères qui larguent de l’eau sur les forêts en flammes, au prix de milliers de dollars par mission.Mais la réserve d’Umphang, elle, est loin des regards et délaissée. Des gardes forestiers protègent certes le secteur, mais ils sont mal payés et surmenés, et manquent de moyens, selon des défenseurs de l’environnement.Le ministère thaïlandais des Parcs nationaux n’a pas répondu aux sollicitations de l’AFP.- Déforestation rapide -“La forêt tropicale immaculée que nous nous attendions à voir a disparu”, déplore Jan Sala, expert en germination. “Cela montre vraiment l’importance de la préservation de la biodiversité car tout est en train d’être déboisé très, très rapidement”.Le projet de Jan Sala et Inna Birchenko vise à cartographier la structure et la diversité génétiques de trois espèces d’arbres, à prédire leur résistance au changement climatique et, au bout du compte, à délimiter en Thaïlande des zones de plantation selon l’adaptabilité des espèces.”Nous espérons que certains (arbres) seront plus résistants au changement climatique. Et ensuite (…) nous pourrons mieux faire usage” de tel ou tel type d’arbre pour reboiser, explique M. Sala.De retour au Royaume-Uni, les chercheurs feront germer les graines collectées, à des températures et des niveaux d’humidité différents afin de connaître leurs limites.Des analyses génétiques permettront d’identifier les mutations qui rendent les arbres plus résistants au réchauffement.D’où la mission de collecte de spécimens en Thaïlande, concentrée sur trois espèces d’arbres non menacées: l’albizia odoratissima, le phyllanthus emblica (une sorte de groseiller) et le sapindus rarak. Toutes se développent dans des climats différents et les habitants de la zone savent les repérer.Malgré leur aide, la tâche s’avère parfois complexe pour l’équipe scientifique, qui scrute la forêt pour repérer les formes de feuilles des arbres en question.- Capsule “pour l’avenir” -“Ma Sak?”, crie Jan Sala, en prononçant le nom local du sapindus rarak, dont les fruits étaient autrefois utilisés comme détergent naturel.La confirmation revient au technicien du Forru, Thongyod Chiangkanta, un ancien garde forestier et expert en identification des plantes.Idéalement, les graines sont prélevées dans les fruits encore attachés à l’arbre. Quand les branches sont trop hautes, l’équipe lance une corde rouge lestée vers les branches pour les secouer et faire pleuvoir les fruits, mais aussi des feuilles qu’analysera Inna Birchenko. Ces échantillons de branches et de feuilles sont soigneusement pressés comme dans un herbier, et rejoindront plus de sept millions d’autres spécimens en Angleterre, dans l’herbarium de Kew.Quant aux graines, les chercheurs prévoient d’en collecter des milliers durant l’expédition, en s’assurant au préalable qu’elles ne sont ni gâtées ni infestées.La mission n’est pas infructueuse. “C’est génial de trouver les arbres, mais en même temps vraiment triste, parce qu’à cinq mètres de l’arbre, il y a un feu de forêt, l’espace est dégradé, et j’imagine que ces arbres ne seront plus là dans quelques années”, dit Jan Sala.Les prélèvements de l’équipe ont lieu dans sept zones de Thaïlande, qui heureusement n’ont pas toutes brûlé.C’est “une capsule de la diversité génétique que nous préservons pour l’avenir”, résume Inna Birchenko, qui n’en reste pas moins anxieuse de l’avenir: “Nous faisons quelque chose, mais nous faisons trop peu et peut-être trop tard.”

Dans les cendres et les larmes, l’étrange mission de préservation d’une forêt thaïlandaise brûlée

La généticienne Inna Birchenko pleure, au milieu de la réserve naturelle thaïlandaise d’Umphang. Il n’était pas prévu que cette forêt, où elle est venue collecter des spécimens d’arbres, brûle. La fumée flotte encore dans l’air.”Cette belle communauté diverse d’arbres et d’animaux est en train d’être détruite sous nos yeux”, se lamente-t-elle, choquée de découvrir les ravages du feu.Inna Birchenko est chercheuse aux célèbres Jardins botaniques royaux de Kew, un organisme public britannique qui gère le projet titanesque de la “Banque de semences du millénaire”: près de 2,5 milliards de graines de plus de 40.000 espèces de plantes sauvages méticuleusement échantillonnées dans le monde, et conservées pour la postérité.Avec des scientifiques du Royaume-Uni et de Thaïlande, elle est cette fois venue ici pour collecter des graines et des feuilles d’arbres de cette réserve naturelle, censée être un joyau de préservation. Avec l’objectif d’étudier l’impact de la température et de l’humidité sur la germination des arbres.Ces connaissances pourraient un jour aider à reboiser avec des arbres plus résistants à l’élévation des températures et aux climats plus secs.Mais à Umphang, dans cette zone isolée du nord-ouest thaïlandais, les chercheurs sont atterrés de constater les répercussions des activités humaines sur des forêts pourtant théoriquement protégées.La randonnée sauvage d’Inna Birchenko et de ses collègues s’est transformée en sinistre marche de plusieurs kilomètres sur un sol couvert de cendre noire et grisâtre, à travers des bois parfois encore fumants. Ils ont aussi découvert, sur des parcelles visiblement défrichées, des étendues de champs de maïs.Aucune trace de la faune sauvage: Inna ne verra pas les calaos (des oiseaux), éléphants, cerfs et tigres qui font la réputation du site.A la place, l’équipe ramasse une cigale jaune à moitié carbonisée et découvre cinq oeufs aux coquilles roussies par les flammes dans un nid de poule sauvage.”Cela me fend le coeur”, lâche Nattanit Yiamthaisong, doctorante de l’unité de recherche sur la restauration des forêts (Forru) à l’université de Chiang Mai, qui travaille avec Mme Birchenko et son collègue de Kew, Jan Sala.”Je croyais qu’une réserve ou un parc naturel étaient des zones protégées. Je ne m’attendais pas à voir autant de champs, ni autant de feux”.- Incendies récurrents -Les feux de forêt sont courants en Thaïlande au printemps, quand les agriculteurs embrasent les restes de la récolte précédente pour faire place nette à de nouveaux semis.Certaines communautés, qui peuplent les zones protégées de longue date, ont des autorisations spéciales pour y cultiver des parcelles.Les brûlis agricoles peuvent aider à enrichir le sol. Le feu fait aussi partie intégrante d’écosystèmes forestiers, certaines graines en ayant par exemple besoin pour germer.Mais, parfois, les feux de champs atteignent les forêts adjacentes, accidentellement ou non. Le risque est accru par le climat plus sec lié au changement climatique et par la pression économique sur les agriculteurs, qui les pousse à semer plus fréquemment et sur de plus grands espaces.Or des forêts soumises à des incendies récurrents et extrêmes pourraient ne jamais s’en remettre, avertissent des experts.Vue de satellites de la Nasa, la multiplication des incendies est frappante depuis plusieurs semaines dans de nombreuses zones de Thaïlande pourtant officiellement protégées.Dans la région touristique de Chiang Mai, les pompiers interviennent et envoient des hélicoptères qui larguent de l’eau sur les forêts en flammes, au prix de milliers de dollars par mission.Mais la réserve d’Umphang, elle, est loin des regards et délaissée. Des gardes forestiers protègent certes le secteur, mais ils sont mal payés et surmenés, et manquent de moyens, selon des défenseurs de l’environnement.Le ministère thaïlandais des Parcs nationaux n’a pas répondu aux sollicitations de l’AFP.- Déforestation rapide -“La forêt tropicale immaculée que nous nous attendions à voir a disparu”, déplore Jan Sala, expert en germination. “Cela montre vraiment l’importance de la préservation de la biodiversité car tout est en train d’être déboisé très, très rapidement”.Le projet de Jan Sala et Inna Birchenko vise à cartographier la structure et la diversité génétiques de trois espèces d’arbres, à prédire leur résistance au changement climatique et, au bout du compte, à délimiter en Thaïlande des zones de plantation selon l’adaptabilité des espèces.”Nous espérons que certains (arbres) seront plus résistants au changement climatique. Et ensuite (…) nous pourrons mieux faire usage” de tel ou tel type d’arbre pour reboiser, explique M. Sala.De retour au Royaume-Uni, les chercheurs feront germer les graines collectées, à des températures et des niveaux d’humidité différents afin de connaître leurs limites.Des analyses génétiques permettront d’identifier les mutations qui rendent les arbres plus résistants au réchauffement.D’où la mission de collecte de spécimens en Thaïlande, concentrée sur trois espèces d’arbres non menacées: l’albizia odoratissima, le phyllanthus emblica (une sorte de groseiller) et le sapindus rarak. Toutes se développent dans des climats différents et les habitants de la zone savent les repérer.Malgré leur aide, la tâche s’avère parfois complexe pour l’équipe scientifique, qui scrute la forêt pour repérer les formes de feuilles des arbres en question.- Capsule “pour l’avenir” -“Ma Sak?”, crie Jan Sala, en prononçant le nom local du sapindus rarak, dont les fruits étaient autrefois utilisés comme détergent naturel.La confirmation revient au technicien du Forru, Thongyod Chiangkanta, un ancien garde forestier et expert en identification des plantes.Idéalement, les graines sont prélevées dans les fruits encore attachés à l’arbre. Quand les branches sont trop hautes, l’équipe lance une corde rouge lestée vers les branches pour les secouer et faire pleuvoir les fruits, mais aussi des feuilles qu’analysera Inna Birchenko. Ces échantillons de branches et de feuilles sont soigneusement pressés comme dans un herbier, et rejoindront plus de sept millions d’autres spécimens en Angleterre, dans l’herbarium de Kew.Quant aux graines, les chercheurs prévoient d’en collecter des milliers durant l’expédition, en s’assurant au préalable qu’elles ne sont ni gâtées ni infestées.La mission n’est pas infructueuse. “C’est génial de trouver les arbres, mais en même temps vraiment triste, parce qu’à cinq mètres de l’arbre, il y a un feu de forêt, l’espace est dégradé, et j’imagine que ces arbres ne seront plus là dans quelques années”, dit Jan Sala.Les prélèvements de l’équipe ont lieu dans sept zones de Thaïlande, qui heureusement n’ont pas toutes brûlé.C’est “une capsule de la diversité génétique que nous préservons pour l’avenir”, résume Inna Birchenko, qui n’en reste pas moins anxieuse de l’avenir: “Nous faisons quelque chose, mais nous faisons trop peu et peut-être trop tard.”