Venezuela: le dollar au noir s’envole, la peur de la crise revient

“Tout augmente. C’est insupportable”: le taux du dollar au marché noir s’envole au Venezuela, ravivant le spectre de l’hyperinflation et de la pénurie des pires années de la crise qui a poussé des millions d’habitants à émigrer.Alors que l’incertitude règne face au durcissement des sanctions américaines contre le secteur du pétrole, le cours du “dollar noir” a franchi cette semaine la barre symbolique des 100 bolivares. Longtemps contenu, l’écart avec le taux officiel de 69,5 bolivares est aujourd’hui saisissant: près de 50% de plus.Cette grande disparité exerce une forte pression sur les prix, car les commerces sont obligés d’utiliser le taux officiel sous peine d’amendes, voire de fermeture. Elle souligne aussi une perte de confiance dans la monnaie locale.”Cela nous affecte parce que cette hausse du dollar fait tout augmenter. La nourriture augmente (…) les transports augmentent, tout augmente. C’est insupportable”, résume à l’AFP Darwin Contreras, un commerçant de 40 ans qui entrevoit le spectre de l’hyperinflation vécue entre 2018 et 2021, avec un pic historique à 130.000% la première année.Le fossé entre les taux a commencé à se creuser au second semestre 2024, atteignant alors environ 20%.- “Effet Chevron” -Pour les experts, la décision du président américain Donald Trump de révoquer la licence accordée au pétrolier Chevron pour opérer au Venezuela, malgré les sanctions, a déjà un impact, même si cette mesure ne doit s’appliquer que le 27 mai.Environ 25% de la production pétrolière vénézuélienne, actuellement autour de 900.000 barils par jour, provient des opérations de Chevron, selon le cabinet Aristimuño Herrera & Asociados.”Chevron est l’un des principaux fournisseurs de devises dans le secteur bancaire”, explique à l’AFP César Aristimuño. Or, rien qu’en 2024, l’Etat a injecté quelque cinq milliards de dollars sur les marchés pour soutenir le bolivar, d’après les données de son cabinet.”L’annonce” du départ de Chevron “a immédiatement suscité une grande inquiétude au Venezuela”, affirme M. Aristimuño.Et avec elle une hausse de la demande de dollars, les Vénézuéliens cherchant une valeur refuge.”La demande a été très forte ces dernières semaines. Aujourd’hui, la demande dépasse largement l’offre”, note César Aristimuño, décrivant un “effet Chevron”. Au Venezuela, le marché noir est né pendant les années où existait un contrôle des changes strict, qui a été presque aboli avec la dollarisation informelle de l’économie.- “Dollar de guerre” des “gringos” -Le président Nicolas Maduro a en effet dû autoriser la circulation du billet vert des “gringos”, l’ennemi américain honni, pour faire face aux problèmes de pénurie et à l’hyperinflation qui minaient le pays.La dollarisation a permis de sortir de sept ans de récession entre 2013 et 2020, durant lesquelles le PIB s’est contracté de 80%.M. Maduro, dont la réélection en 2024 n’est pas reconnue par les Etats-Unis, a admis vendredi que la demande de dollars sur le marché formel avait augmenté de 40%.”Le dollar de guerre” est “un vieil ennemi de l’économie vénézuélienne”, a-t-il déclaré à la télévision nationale. “Nous devons faire tout ce qu’il faut pour surmonter la perturbation créée par les deux annonces de guerre économique du gouvernement des Etats-Unis contre le Venezuela”, soit la révocation de la licence de Chevron et l’annonce américaine de droits de douane de 25% pour les pays acheteurs de pétrole vénézuélien.Si les consommateurs détenant des dollars peuvent les échanger contre plus de bolivares, ils subissent aussi l’augmentation des prix, tirés vers le haut.La Banque centrale n’a pas publié de chiffre d’inflation depuis octobre, mais des estimations indépendantes situent l’indice interannuel à 117% jusqu’en février.Les commerçants, quant à eux, essuient des pertes. Ils sont obligés d’accepter les paiements au taux officiel, et “essayer de compenser ces pertes en ajustant les prix en dollars peut ne pas suffire”, avertit la société Albusdata.”Le fait d’accepter, de facturer au taux parallèle est très délicat. Il est parfois même préférable de perdre le fournisseur (…) ou simplement de se retirer du marché”, relève Diego Rodriguez, commerçant de 39 ans.”Je veux croire que les organismes compétents prendront des mesures d’une manière ou d’une autre”, dit-il. “Quand elles (les autorités) injectaient des dollars (sur le marché pour augmenter l’offre), il y avait une différence très minime” entre les taux, “sur laquelle il était possible de travailler”.

Turquie: l’opposition a mobilisé des centaines de milliers de manifestants

Plusieurs centaines de milliers de personnes se sont rassemblées samedi à Istanbul, à l’appel du CHP, le parti d’opposition du maire d’Istanbul, Ekrem Imamoglu, pour dénoncer l’arrestation de l’édile, malgré la répression qui continue de s’abattre sur les protestataires.La foule s’est retrouvée à la mi-journée sous un ciel bleu sur la rive asiatique de la métropole “pour poursuivre la marche vers le pouvoir”, selon l’appel du chef du Parti républicain du peuple (CHP), Özgür Özel, qui a avancé le chiffre de 2,2 millions de manifestants.Parmi eux, une femme de 82 ans portant un foulard, une photo d’Imamoglu et le drapeau turc, confie “ne pas avoir peur: je n’ai qu’une vie, je suis prête à la sacrifier pour ce pays”. Mais elle refuse de donner son nom, “au cas où ils viendraient frapper à ma porte”. “C’est un homme honnête, c’est lui qui sauvera la république turque”, déclare-t-elle à propos du maire, arrêté puis emprisonné pour “corruption”, que ses partisans mettent en doute.L’arrivée sur l’immense scène de l’épouse, de la mère et des deux fils d’Ekrem Imamoglu déclenche une ovation sous la marée de drapeaux et de portraits de Mustafa Kemal Atatürk, le père de la nation.”Gouvernement, démission”, “Taksim partout! Résistance partout!” en référence à l’emblématique place d’Istanbul, théâtre des contestations de Gezi en 2013. “Nous sommes ici pour notre patrie. C’est nous, le peuple, qui élisons nos gouvernants”, insiste Melis Basak Ergun, 17 ans, en jurant que les manifestants ne se laisseront jamais intimider “par la violence ou les gaz lacrymogènes”.C’est à eux, les jeunes, que le maire a tenu à s’adresser dans un long message lu à la tribune par le président de son parti:  “Si les jeunes sont en première ligne, c’est parce qu’ils sont les plus anxieux pour leur avenir. Ceux qui sentent de la façon la plus aigue leur vie leur échapper”.”Il ne s’agit pas ici d’Ekrem Imamoglu mais de notre pays, de la justice, la démocratie, la liberté (…) le droit, la loi”. “Droit, loi, justice”, scande la foule en écho.L’arrestation de M. Imamoglu le 19 mars a déclenché une vague de protestations inédite en plus d’une décennie à travers la Turquie, mobilisant des dizaines de milliers de manifestants chaque soir dans les rues, jusqu’à lundi soir.Depuis, le parti a cessé de convoquer la foule devant la municipalité. Mais dans un entretien au quotidien français Le Monde, daté de samedi, Özgür Özel, devenu le porte-voix de l’opposition, annonce la tenue de rassemblements réguliers à venir, tous les mercredis à Istanbul, les samedis dans une ville différente.”Si nous ne repoussons pas cette tentative de coup d’Etat, il en sera fini des urnes”, prévient-il.- Un test avant l’Aïd -“J’ai participé aux rassemblements devant l’hôtel de ville pendant quatre jours avec des étudiants de l’université. Je leur ai dit de ne pas céder”, déclare à l’AFP Cafer Sungur, 78 ans, appuyé sur sa canne. “J’ai été emprisonné dans les années 1970, mais il y avait une justice alors. Aujourd’hui, on ne peut plus parler de justice”.Le CHP s’apprêtait à investir M. Imamoglu comme son candidat pour la prochaine présidentielle prévue en 2028 quand il a été arrêté et envoyé en prison cinq jours plus tard.En ce début du long week-end de l’Aïd el Fitr, célébré dimanche pour marquer la fin du ramadan, cet afflux a valeur de test pour l’opposition. Si les jeunes et les étudiants surtout ont tenté de poursuivre la mobilisation, la répression qui continue avec des arrestations, chez eux à l’aube, de manifestants, journalistes, avocats pourrait rebuter les plus déterminés.Rien qu’à Istanbul, 511 étudiants avaient déjà été interpellés vendredi, dont 275 incarcérés, selon l’avocat Ferhat Güzel, pour qui “ce nombre est probablement beaucoup plus élevé”.- Arrestations de journalistes -Selon les derniers chiffres officiels, plus de 2.000 personnes ont été arrêtées dont 260 avaient été incarcérées. Vendredi soir, le journaliste suédois Joakim Medin, interpellé jeudi à sa descente d’avion, a été placé en détention à Istanbul, selon le rédacteur en chef de son journal Dagens UTC, Andreas Gustavsson.Selon les médias turcs le reporter est accusé d’avoir “insulté le président” turc et d’être “membre d’une organisation terroriste armée”, ce que M. Gustavsson a catégoriquement exclu.Disant “redouter un nouvel abus”, l’organisation Reporters Sans Frontières (RSF) a exhorté les autorités turques à revoir le dossier  (…) et à libérer le journaliste si ses droits ne sont pas pleinement respectés”.Avant lui, un reporter de la BBC, Mark Lowen, a été expulsé “pour trouble à l’ordre public”. Au moins douze journalistes turcs ont été arrêtés dans la semaine puis libérés, mais restent accusés d’avoir participé à des manifestations interdites qu’ils couvraient pour leur média, dont un photographe de l’AFP, Yasin Akgül.Vendredi, l’avocat du maire d’Istanbul, Mehmet Pehlivan, a été “arrêté pour des motifs inventés de toutes pièces”, selon M. Imamoglu, puis remis en liberté dans la soirée.

Turquie: l’opposition a mobilisé des centaines de milliers de manifestants

Plusieurs centaines de milliers de personnes se sont rassemblées samedi à Istanbul, à l’appel du CHP, le parti d’opposition du maire d’Istanbul, Ekrem Imamoglu, pour dénoncer l’arrestation de l’édile, malgré la répression qui continue de s’abattre sur les protestataires.La foule s’est retrouvée à la mi-journée sous un ciel bleu sur la rive asiatique de la métropole “pour poursuivre la marche vers le pouvoir”, selon l’appel du chef du Parti républicain du peuple (CHP), Özgür Özel, qui a avancé le chiffre de 2,2 millions de manifestants.Parmi eux, une femme de 82 ans portant un foulard, une photo d’Imamoglu et le drapeau turc, confie “ne pas avoir peur: je n’ai qu’une vie, je suis prête à la sacrifier pour ce pays”. Mais elle refuse de donner son nom, “au cas où ils viendraient frapper à ma porte”. “C’est un homme honnête, c’est lui qui sauvera la république turque”, déclare-t-elle à propos du maire, arrêté puis emprisonné pour “corruption”, que ses partisans mettent en doute.L’arrivée sur l’immense scène de l’épouse, de la mère et des deux fils d’Ekrem Imamoglu déclenche une ovation sous la marée de drapeaux et de portraits de Mustafa Kemal Atatürk, le père de la nation.”Gouvernement, démission”, “Taksim partout! Résistance partout!” en référence à l’emblématique place d’Istanbul, théâtre des contestations de Gezi en 2013. “Nous sommes ici pour notre patrie. C’est nous, le peuple, qui élisons nos gouvernants”, insiste Melis Basak Ergun, 17 ans, en jurant que les manifestants ne se laisseront jamais intimider “par la violence ou les gaz lacrymogènes”.C’est à eux, les jeunes, que le maire a tenu à s’adresser dans un long message lu à la tribune par le président de son parti:  “Si les jeunes sont en première ligne, c’est parce qu’ils sont les plus anxieux pour leur avenir. Ceux qui sentent de la façon la plus aigue leur vie leur échapper”.”Il ne s’agit pas ici d’Ekrem Imamoglu mais de notre pays, de la justice, la démocratie, la liberté (…) le droit, la loi”. “Droit, loi, justice”, scande la foule en écho.L’arrestation de M. Imamoglu le 19 mars a déclenché une vague de protestations inédite en plus d’une décennie à travers la Turquie, mobilisant des dizaines de milliers de manifestants chaque soir dans les rues, jusqu’à lundi soir.Depuis, le parti a cessé de convoquer la foule devant la municipalité. Mais dans un entretien au quotidien français Le Monde, daté de samedi, Özgür Özel, devenu le porte-voix de l’opposition, annonce la tenue de rassemblements réguliers à venir, tous les mercredis à Istanbul, les samedis dans une ville différente.”Si nous ne repoussons pas cette tentative de coup d’Etat, il en sera fini des urnes”, prévient-il.- Un test avant l’Aïd -“J’ai participé aux rassemblements devant l’hôtel de ville pendant quatre jours avec des étudiants de l’université. Je leur ai dit de ne pas céder”, déclare à l’AFP Cafer Sungur, 78 ans, appuyé sur sa canne. “J’ai été emprisonné dans les années 1970, mais il y avait une justice alors. Aujourd’hui, on ne peut plus parler de justice”.Le CHP s’apprêtait à investir M. Imamoglu comme son candidat pour la prochaine présidentielle prévue en 2028 quand il a été arrêté et envoyé en prison cinq jours plus tard.En ce début du long week-end de l’Aïd el Fitr, célébré dimanche pour marquer la fin du ramadan, cet afflux a valeur de test pour l’opposition. Si les jeunes et les étudiants surtout ont tenté de poursuivre la mobilisation, la répression qui continue avec des arrestations, chez eux à l’aube, de manifestants, journalistes, avocats pourrait rebuter les plus déterminés.Rien qu’à Istanbul, 511 étudiants avaient déjà été interpellés vendredi, dont 275 incarcérés, selon l’avocat Ferhat Güzel, pour qui “ce nombre est probablement beaucoup plus élevé”.- Arrestations de journalistes -Selon les derniers chiffres officiels, plus de 2.000 personnes ont été arrêtées dont 260 avaient été incarcérées. Vendredi soir, le journaliste suédois Joakim Medin, interpellé jeudi à sa descente d’avion, a été placé en détention à Istanbul, selon le rédacteur en chef de son journal Dagens UTC, Andreas Gustavsson.Selon les médias turcs le reporter est accusé d’avoir “insulté le président” turc et d’être “membre d’une organisation terroriste armée”, ce que M. Gustavsson a catégoriquement exclu.Disant “redouter un nouvel abus”, l’organisation Reporters Sans Frontières (RSF) a exhorté les autorités turques à revoir le dossier  (…) et à libérer le journaliste si ses droits ne sont pas pleinement respectés”.Avant lui, un reporter de la BBC, Mark Lowen, a été expulsé “pour trouble à l’ordre public”. Au moins douze journalistes turcs ont été arrêtés dans la semaine puis libérés, mais restent accusés d’avoir participé à des manifestations interdites qu’ils couvraient pour leur média, dont un photographe de l’AFP, Yasin Akgül.Vendredi, l’avocat du maire d’Istanbul, Mehmet Pehlivan, a été “arrêté pour des motifs inventés de toutes pièces”, selon M. Imamoglu, puis remis en liberté dans la soirée.

Le “racisme anti-Blancs”, une bataille culturelle de l’extrême droite

Le “racisme anti-Blancs”, concept scientifiquement contesté mais objet politique de plus en plus en débattu. Successivement ces derniers jours, la porte-parole du gouvernement et le chef des communistes ont soutenu son existence, signe que cette idée née à l’extrême droite infuse dans une société polarisée.Plusieurs chercheurs interrogés par l’AFP estiment que le terme de racisme ne peut s’appliquer car des “cas isolés”, y compris très violents, ne peuvent masquer que ce sont les minorités ethniques qui subissent en majorité des discriminations en France.Pourtant, des responsables politiques de droite et de gauche n’hésitent plus à y faire référence, espérant traduire le ressenti de leurs électeurs. Au risque pour les partis traditionnels d’offrir une victoire à l’extrême droite dans sa bataille culturelle.Dimanche dernier, la porte-parole du gouvernement Sophie Primas a ainsi affirmé sur Cnews ne pas avoir de “pudeur” à dire que le “racisme anti-Blancs” était une réalité. En témoigne selon elle sa fille à qui “il est arrivé de se faire traiter de +sale Blanche+” dans son lycée des Yvelines.Deux jours plus tard, également sur cette chaîne appartenant au milliardaire conservateur Vincent Bolloré, le patron du parti communiste Fabien Roussel assurait que “bien sûr, il existe”, ce “racisme anti-Blancs”. “L’écosystème médiatique s’est transformé ces dernières années et reprendre ces mots-là, c’est l’assurance d’une visibilité” pour les politiques, analyse Samuel Bouron, maître de conférence à Paris-Dauphine, grâce à “une certaine viralité sur les réseaux sociaux” et la garantie d’être “repris par tous les médias conservateurs”.- “Droite décomplexée” -D’une provocation du fondateur du Front national Jean-Marie Le Pen, dénonçant en 1985 un “racisme anti-Français”, le terme de “racisme anti-Blancs” a prospéré au début des années 2000 accompagnant l’essor des mouvements identitaires, expliquent des chercheurs à l’AFP. L’expression se retrouve en 2005 dans une tribune d’intellectuels – Alain Finkielkraut, Pierre-André Taguieff, Jacques Julliard, Bernard Kouchner… – condamnant des “ratonnades anti-Blancs” commises dans des manifestations lycéennes. S’ils assurent refuser toute récupération par le FN, ils sont très vite contredits dans les faits.Mais “la droite classique apporte aussi sa contribution à l’émergence du mot dans le débat public, notamment Jean-François Copé” dans son “Manifeste pour une droite décomplexée” paru en 2012, rembobine Samuel Bouron.Et plus récemment l’affaire d’homicide à Crépol (Drôme), où un adolescent a été tué en 2023, a été décrite comme un acte de “racisme anti-Blancs” voire un “francocide” par le RN et Reconquête. L’enquête n’a toujours pas permis de déterminer qui était l’auteur des coups de couteau mortels.Après ce crime, l’ex-Premier ministre Édouard Philippe, candidat à la présidentielle, avait estimé “bien possible” qu’il y ait “une forme nouvelle de racisme anti-Blancs”.Au départ, l’idée “centrale” de l’extrême droite, détaille Samuel Bouron, est de “dire qu’il y a une forme de +grand remplacement+, c’est-à-dire l’idée d’une offensive du monde musulman vis-à-vis de ceux qui seraient +les Français de souche+”. La popularisation de cette dernière expression comme celle du “racisme anti-Blancs” ou du “choc des civilisations” accompagnent cet objectif avec un certain succès, poursuit-il. – Pluralité de conceptions du racisme -La réalité d’actes hostiles à des personnes blanches n’est pas en cause. Mais l’absence de discrimination systémique entraîne un questionnement sur l’emploi du mot de racisme: “La distinction est entre racisme et discrimination. Il y a effectivement des comportements individuels qu’on peut considérer comme racistes”, explique Alain Policar, chercheur au Cevipof. “Ce n’est pas acceptable, mais dans un pays démocratique comme le nôtre, à majorité blanche, les Blancs ne subissent pas de discriminations” au logement, à l’emploi, etc., explique-t-il. Il y voit une manière d’établir “implicitement une équivalence entre le racisme du dominant et celui du dominé”.Un argument proche de celui de la militante féministe et antiraciste Rokhaya Diallo qui, en 2023, écrivait que “des discriminations et des préjugés peuvent émaner de n’importe qui mais le racisme, produit d’une histoire de domination, est nécessairement la combinaison de la détention d’un pouvoir et de privilèges”.Des constats que nuance Daniel Sabbagh, directeur de recherche à Science Po. “Il n’y a pas une et une seule conception du racisme validée par les sciences sociales en bloc. Il y a une pluralité de conceptions du racisme” qui peut “être conçu comme une idéologie ou bien comme un ensemble d’émotions négatives, ou bien comme un système”, explique-t-il. Il recommande donc de ne pas nier la réalité d’un phénomène mais bien de ne pas “offrir sur un plateau à l’extrême droite l’argument que le racisme anti-Blancs fait l’objet d’un tabou dans l’université française et que, du coup, eux seuls auraient le courage de briser le tabou en question”.

Retraites: si le Parlement n’est pas saisi, la censure serait “une obligation morale”, selon Faure

Le premier secrétaire du PS Olivier Faure a déclaré samedi que sur la question des retraites, le Parlement devrait être saisi à l’issue des discussions entre partenaires sociaux, sans quoi la censure du gouvernement de François Bayrou serait une “obligation morale”. Mi-mars, François Bayrou a fermé la porte à un retour à la retraite à 62 ans, en pleines discussions de ce “conclave” sur les retraites. Le Premier ministre a donc “déjà donné la conclusion qu’il en tirait lui-même”, a critiqué Olivier Faure lors d’une interview sur LCI. “Malgré tout, vous avez des syndicats et le patronat qui ont décidé de continuer à discuter”, a-t-il relevé. “C’est dire que la question de l’âge légal est toujours sur la table. Tant que la discussion a lieu, il faut la laisser se prolonger.”Ensuite, le Premier ministre s’est “engagé à saisir le Parlement, qui doit avoir le dernier mot sur la question des retraites”, a ajouté Olivier Faure. “Il faut que le Parlement, à un moment, soit saisi. S’il ne l’était pas, alors effectivement, la censure serait évidemment pour moi une obligation morale par rapport aux Françaises et aux Français qui nous ont fait confiance pour porter ce message”, a-t-il martelé.En arrivant à Matignon, François Bayrou avait proposé aux partenaires sociaux de rediscuter de la réforme contestée des retraites, obtenant en contrepartie que les socialistes ne le censurent pas sur le budget.En campagne pour un quatrième mandat à la tête du Parti socialiste, Olivier Faure, se disant “confiant” dans sa réélection, a également défendu samedi son bilan. Durant “les deux ans qui viennent de s’écouler, toutes les décisions que j’ai proposées au vote de nos instances nationales et aux militants ont été adoptées à l’unanimité ou à la quasi unanimité”, a-t-il fait valoir, citant notamment la censure du gouvernement de Michel Barnier et la non-censure de celui de M. Bayrou. 

Le chemin de croix de Josip Jelinic pour appeler au pardon dans une Bosnie encore à vif

A genoux, appuyé sur un crucifix en bois, sous une pluie battante, Josip Jelinic prononce des mots rares en Bosnie, pays dont les plaies sont encore à vif, 30 ans après la guerre : “Je pardonne à tout le monde, et je prie pour le pardon.”Sa croix de 8 kilos sur le dos, un drapeau de la Bosnie accroché au sac à dos, il traverse villes et villages, va d’un monument aux morts à un autre, et rend hommage aux victimes des trois communautés qui forment le pays – bosniaques musulmans, serbes orthodoxes et croates catholiques.En pleine crise politique et alors que les dirigeants des Serbes de Bosnie multiplient les provocations sécessionnistes, le pèlerinage de ce catholique de 32 ans a un grand retentissement dans ce pays des Balkans.Les gens sortent de chez eux pour l’inviter à manger, lui proposent un logement, les voitures klaxonnent, leurs occupants s’arrêtent sur la route pour l’embrasser, faire une photo ou lui donner de l’argent “pour la route”, souvent les larmes aux yeux.Mardi, dans la cour de la mosquée blanche de Stupni Do, au coeur de la Bosnie, le jeune homme se fait tout petit au pied d’un monument qui rend hommage aux 38 civils bosniaques tués en octobre 1993 par des membres des forces croates de Bosnie.Les yeux fermés, front appuyé contre la croix, il prie sous le regard de l’imam Ramiz Zubaca.”Seigneur, tu connais la douleur de ce peuple, tu sais leurs souffrances. Je te prie pour que la guerre ne survienne plus jamais en Bosnie-Herzégovine. Je te prie de nous offrir la paix, toi qui en es le roi.”- 1.000 kilomètres -Honorés de cette visite, l’imam et quelques villageois l’invitent dans la mosquée. La discussion est chaleureuse autour d’une table ornée d’un bouquet de roses rouges. Les hôtes jeûnent – c’est le ramadan – mais un homme apporte des gâteaux, des dattes chocolatées et un jus de cerises au marcheur.”Ca signifie beaucoup pour nous”, dit M. Zubaca, assurant que les trois communautés du pays “sont prêtes” pour une véritable réconciliation.”Mais le problème, ajoute-t-il, c’est la politique qui, malheureusement, s’impose comme une entrave à la réconciliation. Elle produit des problèmes artificiels, amène le doute, l’insécurité. Ce que Josip fait, c’est ce dont nous avons besoin.”Stupni Do est l’une des étapes du “chemin de croix” de 1.000 kilomètres que Josip Jelinic a entamé le 26 février au sanctuaire marial de Medjugorje (sud). Sa “marche pour la réconciliation des peuples en Bosnie-Herzégovine” doit se terminer le 18 avril, deux jours avant Pâques.”Je marche depuis vingt jours et je rencontre des gens des trois communautés. Ce sont tous des gens bien qui m’ont ouvert leur coeur. Une écrasante majorité des gens souhaite la paix”, assure le pèlerin lors d’une halte entre Stupni Do et le village de Borovica, où 18 civils et militaires croates ont été tués en novembre 1993 par des membres des forces bosniaques.- “C’est ça la Bosnie” -Le conflit inter-communautaire (1992-1995) a fait près de 100.000 morts en Bosnie.Né pendant la guerre, Josip ne s’en souvient pas. Mais ce physiothérapeute de Ljubuski (sud), et depuis peu évangélisateur catholique, dit aller à la rencontre de la douleur.”Il y a sûrement des gens aujourd’hui encore qui sont très blessés”, dit-il à l’AFP”Nous ne devons pas oublier les victimes, et nous ne les oublierons jamais (…) Mais pour nous, pour la paix dans notre coeur, j’appelle au pardon”, car “la rancune est un poison qui ravage l’être humain”.”C’est exceptionnel, rare, quel honorable jeune homme ! Nous avons besoin de ça, et pas de tensions entre les peuples”, dit Ismet Abdulahovic, un retraité bosniaque de 68 ans qui s’arrête sur la route à Vares pour saluer Josip.Un peu plus loin, dans le village de Pogar, le jeune homme doit s’arrêter. Andjelka Petrovic, 52 ans, et son mari, Croates, installent une table devant leur maison et insistent pour lui servir à manger et à boire.”Il est porteur de messages d’amour, de paix. Il a uni tous les gens, toute la Bosnie-Herzégovine”, dit Andjelka, 52 ans, “émue et honorée”.”C’est ça la Bosnie!”, veut croire Josip entre deux bouchées.

En Arabie saoudite, un tailleur perpétue l’art de fabriquer le “bisht”

Dans son atelier dans l’est de l’Arabie saoudite, Habib Mohammed fabrique des manteaux traditionnels arabes à la main, déterminé à défendre ce savoir-faire artisanal face à la production de masse qui inonde le marché. Ce tailleur de 60 ans brode des “bishts”, vêtements portés par les hommes dans les pays du Golfe depuis des siècles, et dont la confection peut nécessiter parfois des semaines de travail.Face à la concurrence des manteaux bon marché fabriqués en Chine, l’atelier a du mal à survivre, mais son propriétaire refuse de baisser les bras.  Alors que son fils unique n’a pas voulu reprendre l’activité, M. Mohammed a décidé de transmettre son savoir-faire à ses petit-enfants.”Nous avons commencé la formation ici, dans l’atelier et à la maison”, dit-il à l’AFP, dans son atelier sans fenêtre situé dans l’oasis de Hofuf, dans l’est du royaume.Dans sa région natale d’Al-Ahsa, “il était mal vu pour un homme de se rendre à un enterrement, au marché, ou de rendre visite à qui que ce soit, où que ce soit, sans porter le bisht”, raconte le tailleur. Ce vêtement traditionnel s’est fait mondialement connaître durant la Coupe du monde de football 2022, lorsque l’émir du Qatar l’a posé sur les épaules du champion argentin Lionel Messi après la finale. – Né dans l’atelier -Si le bisht reste souvent porté dans la région, notamment durant les grandes occasions, la fabrication industrielle a pris la place de nombreux ateliers artisanaux. M. Mohammed, lui, compte sur sa petite-fille Fajr, âgée de 9 ans et son frère de 10 ans, Ghassan, pour perpétuer cette tradition. “C’est toute ma vie”, dit-il en les regardant broder. Vêtu de l’abaya blanche et de la coiffe traditionnelle à carreaux rouges et blancs, il raconte avoir toujours été entouré de bishts. “Je suis né dans l’atelier et j’ai grandi en regardant ma mère coudre. J’ai vu mes frères et mes cousins travailler avec mon père”, ajoute-t-il avec fierté. Sa femme est également couturière, particulièrement douée, selon lui, pour la broderie des cols des bishts. Mais la boutique familiale, située dans le marché traditionnel de Hofuf, rapporte beaucoup moins maintenant, déplore son propriétaire.”Les pièces que je faisais pour 1.500 riyals (400 dollars) se vendent maintenant pour 150 riyals. Ce n’est pas suffisant pour gagner sa vie”, explique-t-il.  Selon lui, un bisht de qualité pouvait autrefois valoir jusqu’à 6.000 riyals, tandis que les manteaux fabriqués à la machine se vendent aujourd’hui pour une fraction de ce prix. – Année de l’artisanat -Le pays pétrolier, qui cherche à attirer investisseurs et touristes, semblent toutefois avoir pris conscience de l’importance de préserver cet artisanat, parmi d’autres. La confection de bishts, que les pays du Golfe cherchent à inscrire au patrimoine immatériel de l’humanité de l’UNESCO, figure parmi la dizaine de métiers mis en avant par les autorités saoudiennes dans le cadre de “l’année de l’artisanat” décrétée en 2025. L’an dernier, les ministres et autres hauts fonctionnaires avaient été sommés de porter un bisht lorsqu’ils assistent à des événements officiels. Sur les murs de l’atelier de M. Mohammed, certains bishts accrochés datent d’au moins un siècle, affirme leur propriétaire en  montrant un manteau brun en laine de mouton.”Quelqu’un m’a offert 200.000 riyals pour celui-là, mais j’ai refusé de vendre parce qu’il m’est aussi cher que ma vie. Il représente l’histoire de mon pays”, dit-il. “Je veux les transmettre à mes enfants et à mes petits-enfants, et je leur dirai de ne jamais les vendre”, ajoute-t-il. Toute les semaines, le tailleur donne aussi des cours de couture dans un institut voisin, principalement pour les jeunes. “Nous n’avons pas abandonné”, dit-il. C’est un patrimoine qui était en train de disparaitre, mais “nous le ferons revivre” assure le tailleur.Â