En Asie centrale, l’espoir d’une paix durable dans les zones frontalières troublées

“Maintenant, tout est calme, les frontières ont été délimitées”, constate Amroullo Youssoupov, chauffeur de bus dans une zone frontalière longtemps parmi les plus disputées d’Asie centrale, avant qu’un accord historique entre le Kirghizstan et le Tadjikistan n’apaise la situation.Il est compliqué de s’y retrouver dans ce dédale d’enclaves et de routes qui serpentent entre les deux pays.Ces singularités géographiques sont l’un des héritages empoisonnés du pouvoir soviétique qui a tracé les frontières en donnant parfois la priorité aux considérations économiques, en faisant fi des réalités ethniques.Ces démarcations, de facto inexistantes sous l’URSS, sont devenues des frontières étatiques à l’indépendance du Kirghizstan et du Tadjikistan en 1991, après la chute de l’Union soviétique, isolant des dizaines de milliers de personnes dans plusieurs enclaves en Asie centrale, dont celle de Voroukh, au nord du Tadjikistan.”A gauche, c’est le Kirghizstan et à droite, le Tadjikistan, c’est ça ?”, se demandent certains passagers quand le véhicule quitte Voroukh, d’une superficie similaire à Paris et entourée de hautes montagnes.Le bus continue en territoire kirghiz. Il longe une rivière et un barrage, disputés jusqu’à l’accord récent, dans ces zones agricoles arides où l’eau manque cruellement.”Avant, j’avais peur d’y rouler la nuit, la route était quelque peu problématique”, euphémise le chauffeur Youssoupov.Les régions kirghize de Batken et tadjike de Soughd ont été le théâtre de centaines d’escarmouches depuis l’indépendance, qui ont culminé avec deux guerres, en 2021 et 2022.Brèves mais meurtrières, elles ont fait des centaines de morts et de blessés, selon les estimations des deux parties qui revendiquaient l’accès à des routes et à des points d’eau.- “Barbelés tendus” – “Ces trente dernières années, nous avons connu plusieurs conflits avec les Tadjiks”, raconte Raïkhan Issakova, du village kirghiz de Kapchygaï, bordant Voroukh.Lors du dernier, à l’automne 2022, “très violent”, les habitants ont “subi de lourdes pertes”. “Toutes les maisons ont été détruites”, se souvient la sexagénaire.”Mais grâce aux autorités, nous sommes repartis de zéro, des maisons ont été construites”, poursuit-elle.Le village, en ruines quand l’AFP l’avait visité après les combats, est méconnaissable après avoir été totalement reconstruit, contrairement à d’autres endroits toujours marqués par les affrontements.Si la paix est revenue, la zone reste très militarisée et l’AFP a obtenu de rares autorisations de tourner de part et d’autre.”Une fois les barbelés tendus, les frontières seront définies, et chacun sera chez soi. Les gens sauront que le Tadjikistan commence là, et le Kirghizistan ici”, espère Chamchidine Kattabekov, 42 ans à Ak-Saï, autre village frontalier.Dans certains lieux où il suffisait de traverser la rue pour changer de pays, ces travaux de délimitation ont déjà débuté, a constaté l’AFP.Parallèlement, des points de passage frontaliers ont rouvert après près de quatre ans de fermeture ayant mis à mal l’économie locale et séparé des proches.Un moment longtemps attendu par Aïtgoul Khodjamberdieva, citoyenne tadjike de 58 ans : “Je suis heureuse de la réouverture pour pouvoir venir voir ma famille. Ma mère et mon oncle sont morts quand la frontière était fermée et nous n’avions pas pu aller” à l’enterrement, dit-elle à l’AFP.- Manque d’eau – Ce retour au calme est le fruit d’accords frontaliers signés entre 2022 et 2025 par le Kirghizstan, le Tadjikistan et l’Ouzbékistan sous l’impulsion de leurs dirigeants Sadyr Japarov, Emomali Rakhmon et Chavkat Mirzioïev.Ces dernières années, ces Etats ont annoncé des accords frontaliers pour réguler le partage de l’eau, faciliter les échanges commerciaux et assurer la stabilité de cette région riche en ressources naturelles au positionnement stratégique entre l’Europe et l’Asie.Cette réconciliation sans médiation russe, fait rare tant Moscou considère l’espace post-soviétique comme sa zone d’influence, a été parachevée ce printemps avec un traité d'”amitié éternelle”.Symboles impensables récemment, d’immenses portraits des présidents tout sourire sont affichés au Tadjikistan et une stèle de l’amitié a été érigée au point de jonction entre les trois pays.”Une fois les travaux frontaliers terminés, nous pensons que la paix régnera”, veut croire Achyrali Erkebaïev, président d’une communauté de communes kirghizes frontalières.Les Etats ont notamment échangé des territoires, déclaré neutres des portions de routes et assuré le passage sans entrave vers des infrastructures énergétiques.Mais surtout, Bichkek et Douchanbé sont convenus de mieux partager l’eau, notamment à un barrage disputé alimentant le réservoir de Tortkul, seule source d’eau douce de la zone.Pour Raïkhan Isakova et d’autres fermiers, l’accès à “l’eau pour les cultures est un problème”. Elle se fournit “grâce à une canalisation reliée au Tadjikistan” et ne connaît pas encore les détails de la répartition.Mais ces traités de paix après des décennies de tensions ne sont qu’un début.Pour maintenir la stabilité régionale, les Etats centrasiatiques devront lutter contre le changement climatique, qui accélère la disparition des rares ressources hydriques.

En Asie centrale, l’espoir d’une paix durable dans les zones frontalières troublées

“Maintenant, tout est calme, les frontières ont été délimitées”, constate Amroullo Youssoupov, chauffeur de bus dans une zone frontalière longtemps parmi les plus disputées d’Asie centrale, avant qu’un accord historique entre le Kirghizstan et le Tadjikistan n’apaise la situation.Il est compliqué de s’y retrouver dans ce dédale d’enclaves et de routes qui serpentent entre les deux pays.Ces singularités géographiques sont l’un des héritages empoisonnés du pouvoir soviétique qui a tracé les frontières en donnant parfois la priorité aux considérations économiques, en faisant fi des réalités ethniques.Ces démarcations, de facto inexistantes sous l’URSS, sont devenues des frontières étatiques à l’indépendance du Kirghizstan et du Tadjikistan en 1991, après la chute de l’Union soviétique, isolant des dizaines de milliers de personnes dans plusieurs enclaves en Asie centrale, dont celle de Voroukh, au nord du Tadjikistan.”A gauche, c’est le Kirghizstan et à droite, le Tadjikistan, c’est ça ?”, se demandent certains passagers quand le véhicule quitte Voroukh, d’une superficie similaire à Paris et entourée de hautes montagnes.Le bus continue en territoire kirghiz. Il longe une rivière et un barrage, disputés jusqu’à l’accord récent, dans ces zones agricoles arides où l’eau manque cruellement.”Avant, j’avais peur d’y rouler la nuit, la route était quelque peu problématique”, euphémise le chauffeur Youssoupov.Les régions kirghize de Batken et tadjike de Soughd ont été le théâtre de centaines d’escarmouches depuis l’indépendance, qui ont culminé avec deux guerres, en 2021 et 2022.Brèves mais meurtrières, elles ont fait des centaines de morts et de blessés, selon les estimations des deux parties qui revendiquaient l’accès à des routes et à des points d’eau.- “Barbelés tendus” – “Ces trente dernières années, nous avons connu plusieurs conflits avec les Tadjiks”, raconte Raïkhan Issakova, du village kirghiz de Kapchygaï, bordant Voroukh.Lors du dernier, à l’automne 2022, “très violent”, les habitants ont “subi de lourdes pertes”. “Toutes les maisons ont été détruites”, se souvient la sexagénaire.”Mais grâce aux autorités, nous sommes repartis de zéro, des maisons ont été construites”, poursuit-elle.Le village, en ruines quand l’AFP l’avait visité après les combats, est méconnaissable après avoir été totalement reconstruit, contrairement à d’autres endroits toujours marqués par les affrontements.Si la paix est revenue, la zone reste très militarisée et l’AFP a obtenu de rares autorisations de tourner de part et d’autre.”Une fois les barbelés tendus, les frontières seront définies, et chacun sera chez soi. Les gens sauront que le Tadjikistan commence là, et le Kirghizistan ici”, espère Chamchidine Kattabekov, 42 ans à Ak-Saï, autre village frontalier.Dans certains lieux où il suffisait de traverser la rue pour changer de pays, ces travaux de délimitation ont déjà débuté, a constaté l’AFP.Parallèlement, des points de passage frontaliers ont rouvert après près de quatre ans de fermeture ayant mis à mal l’économie locale et séparé des proches.Un moment longtemps attendu par Aïtgoul Khodjamberdieva, citoyenne tadjike de 58 ans : “Je suis heureuse de la réouverture pour pouvoir venir voir ma famille. Ma mère et mon oncle sont morts quand la frontière était fermée et nous n’avions pas pu aller” à l’enterrement, dit-elle à l’AFP.- Manque d’eau – Ce retour au calme est le fruit d’accords frontaliers signés entre 2022 et 2025 par le Kirghizstan, le Tadjikistan et l’Ouzbékistan sous l’impulsion de leurs dirigeants Sadyr Japarov, Emomali Rakhmon et Chavkat Mirzioïev.Ces dernières années, ces Etats ont annoncé des accords frontaliers pour réguler le partage de l’eau, faciliter les échanges commerciaux et assurer la stabilité de cette région riche en ressources naturelles au positionnement stratégique entre l’Europe et l’Asie.Cette réconciliation sans médiation russe, fait rare tant Moscou considère l’espace post-soviétique comme sa zone d’influence, a été parachevée ce printemps avec un traité d'”amitié éternelle”.Symboles impensables récemment, d’immenses portraits des présidents tout sourire sont affichés au Tadjikistan et une stèle de l’amitié a été érigée au point de jonction entre les trois pays.”Une fois les travaux frontaliers terminés, nous pensons que la paix régnera”, veut croire Achyrali Erkebaïev, président d’une communauté de communes kirghizes frontalières.Les Etats ont notamment échangé des territoires, déclaré neutres des portions de routes et assuré le passage sans entrave vers des infrastructures énergétiques.Mais surtout, Bichkek et Douchanbé sont convenus de mieux partager l’eau, notamment à un barrage disputé alimentant le réservoir de Tortkul, seule source d’eau douce de la zone.Pour Raïkhan Isakova et d’autres fermiers, l’accès à “l’eau pour les cultures est un problème”. Elle se fournit “grâce à une canalisation reliée au Tadjikistan” et ne connaît pas encore les détails de la répartition.Mais ces traités de paix après des décennies de tensions ne sont qu’un début.Pour maintenir la stabilité régionale, les Etats centrasiatiques devront lutter contre le changement climatique, qui accélère la disparition des rares ressources hydriques.

US appeals court allows Trump control of National Guard in LA

A US appeals court on Thursday ruled that President Donald Trump could continue control of National Guard troops in Los Angeles, over the objections of California Governor Gavin Newsom.Trump ordered the deployment of thousands of National Guard troops and hundreds of Marines into Los Angeles this month in response to protests over federal immigration sweeps — a move opposed by city leaders and Newsom.A lower court judge had last week ordered Trump to return control of the California National Guard to Newsom, saying the president’s decision to deploy them to protest-hit Los Angeles was “illegal.”But a three-judge panel of the US Court of Appeals unanimously ruled that Trump was within his rights when he ordered 4,000 members of the National Guard into service for 60 days to “protect federal personnel performing federal functions and to protect federal property.””Affording appropriate deference to the President’s determination, we conclude that he likely acted within his authority in federalizing the National Guard,” they said in their 38-page ruling.Trump celebrated the decision in a post on Truth Social Thursday night, calling it a “BIG WIN.””All over the United States, if our Cities, and our people, need protection, we are the ones to give it to them should State and Local Police be unable, for whatever reason, to get the job done,” Trump wrote.- ‘Not a king’ -The state of California had argued that Trump’s order was illegal because it did not follow the procedure of being issued through the governor. The judges said Trump’s “failure to issue the federalization order directly ‘through’ the Governor of California does not limit his otherwise lawful authority to call up the National Guard.”But the panel said it disagreed with the defendants’ primary argument that the president’s decision to federalize members of the California National Guard “is completely insulated from judicial review.”Governor Newsom responded to the decision saying Trump “is not a king and not above the law.” “Tonight, the court rightly rejected Trump’s claim that he can do whatever he wants with the National Guard and not have to explain himself to a court,” he posted on X.”We will not let this authoritarian use of military soldiers against citizens go unchecked.”Newsom added in a separate post on his personal X account “the fight doesn’t end here”, adding “we will press forward with our challenge to President Trump’s authoritarian use of US military soldiers against citizens.”The state could request the case to be reheard, or it could petition the Supreme Court for intervention.- Immigration tensions -The ruling comes against a backdrop of heightened tensions in Los Angeles, which has become ground zero of Trump’s immigration crackdown across the United States.The city has seen scattered violence but mostly peaceful protests in recent weeks, ignited by an escalation in federal immigration sweeps that have targeted migrant workers in garment factories, car washes and other workplaces.Local media reported further raids across the city on Thursday targeting Home Depot stores, a home improvement retailer where day laborers often gather in parking lots seeking work.The protests, though largely peaceful, saw sporadic and spectacular violence. Damage included vandalism, looting, clashes with law enforcement and several torched driverless taxis.Trump, who has repeatedly exaggerated the scale of the unrest, also sent 700 US Marines to Los Angeles despite the objections of local officials, claiming that they had lost control of the “burning” city.It was the first time since 1965 that a US president deployed the National Guard over the wishes of a state governor. Trump appointed two of the judges on the US Court of Appeals for the Ninth Circuit panel, and former president Joe Biden appointed the third, the New York Times reported Thursday.

Thaïlande: la Première ministre en opération rabibochage avec l’armée

La Première ministre thaïlandaise Paetongtarn Shinawatra, menacée par le délitement de sa majorité, a rendu visite vendredi au général qu’elle a comparé à un “opposant” lors d’un appel qui a fuité, sur fond de tension à la frontière avec le Cambodge.Novice en politique, l’héritière de la dynastie Shinawatra qui polarise le royaume depuis plus de vingt ans, multiplie les gestes de contrition depuis le départ du deuxième plus grand parti de la coalition, mercredi, qui l’a laissée à la merci d’un revirement d’alliance, fréquent en Thaïlande. Mais les milieux conservateurs, historiquement hostiles à son clan, ne lui ont pas tout pardonné: une formation clé de sa majorité aurait demandé sa démission, sous peine de rejoindre l’opposition, ce qui signifierait la chute du gouvernement, a rapporté vendredi la presse thaïlandaise.La Thaïlande, habituée aux crises cycliques, a déjà changé de Premier ministre l’an dernier, mais ce pic de tensions s’inscrit dans une nouvelle donne mondiale marquée par l’offensive protectionniste américaine, qui menace de gripper une croissance fragile. Jeudi soir, la Bourse de Bangkok a atteint son niveau le plus bas en cinq ans.Paetongtarn a présenté ses excuses jeudi, en réponse aux critiques qui l’accusaient d’avoir insulté la Thaïlande et de manquer de poigne, lors d’un appel téléphonique avec l’ancien Premier ministre Hun Sen, que celui-ci a enregistré et diffusé à son insu.- Retour à la “normale” -Vendredi, elle a rencontré le général de corps d’armée Boonsin Padklang, en charge du Nord-Est du pays, dans la province d’Ubon Ratchathani où ont eu lieu les récents affrontements avec le Cambodge. La dirigeante a assimilé ce haut-gradé à un “opposant” dans son échange avec Hun Sen, une remarque qui a enflammé les partisans de l’ordre militaro-royaliste hostiles, rappelant le contexte qui a conduit aux coups d’État ayant évincé le père de Paetongtarn, Thaksin, et sa tante, Yingluck, respectivement en 2006 et 2014.Leur discussion “s’est très bien déroulée”, a salué Paetongtarn. “Il n’y a plus aucun problème.”De son côté, Boonsin a affirmé que “tout était normal”.Une douzaine de putschs réussis depuis la fin de la monarchie absolue en 1932 a cimenté la place de l’armée dans le cœur de la vie politique thaïlandaise, laissant planer en permanence l’hypothèse d’une intervention si le gouvernement en place allait contre ses intérêts.La Thaïlande et le Cambodge sont à couteaux tirés depuis la mort d’un soldat cambodgien lors d’un échange de coups de feu au milieu de la nuit, le 28 mai dernier. Chaque armée accuse l’autre d’avoir ouvert les hostilités.L’incident a mobilisé le sentiment patriotique au sein des deux voisins, en désaccord depuis des décennies sur le tracé de leur frontière commune longue de plus de 800 kilomètres, héritage de la présence française en Indochine.L’appel entre Paetongtarn et Hun Sen, qui a dirigé le Cambodge durant environ 40 ans, visait à apaiser les tensions, a expliqué la dirigeante thaïlandaise, qui s’est dit “très déçue” par son interlocuteur.Bangkok a remis jeudi une lettre formelle de protestation à l’ambassadeur cambodgien, pour dénoncer cette fuite considérée comme “une violation de l’étiquette diplomatique” qui “compromet” la confiance entre les deux voisins liés par d’importants liens culturels et commerciaux.- Coalition sur un fil -Dans sa première communication sur le sujet, Hun Sen a indiqué vendredi que la fuite avait “brisé” plus de “30 ans de relations sincères entre nos deux familles”.Sur le volet national, Paetongtarn Shinawatra demeure fragilisée, alors que des manifestants avaient réclamé sa démission jeudi devant le palais du gouvernement, et que d’autres rassemblements sont prévus dans les jours à venir.Sa coalition est composée d’une dizaine de partis hétéroclites, dont certains étaient rivaux lors de la précédente législature: cette ossature fragile peut s’effondrer si une dizaine de députés venait à se désister.Après le départ du Bhumjaithai, connu pour avoir initié la dépénalisation de la culture et de la vente de cannabis, plusieurs partis ont répondu à l’appel du gouvernement, mais un continue de garder le silence: le parti de la Nation thaïe unie (UTN), ultra-conservateur, pro-armée et pro-roi.La direction de UTN, qui serait le plus gros parti de la coalition s’il restait, aurait demandé la démission de Paetongtarn, et menacé de rejoindre l’opposition, selon la chaîne publique ThaiPBS. Mais la presse thaïlandaise a aussi évoqué des tensions au sein du parti, avec des députés qui seraient prêts à soutenir la Première ministre.Deux scénarios sont évoqués en cas de départ: la dissolution de l’hémicycle, qui entraînerait l’organisation d’élections anticipées sous 60 jours, ou la nomination d’un nouveau chef du gouvernement sur les bases d’une majorité similaire.

Thaïlande: la Première ministre en opération rabibochage avec l’armée

La Première ministre thaïlandaise Paetongtarn Shinawatra, menacée par le délitement de sa majorité, a rendu visite vendredi au général qu’elle a comparé à un “opposant” lors d’un appel qui a fuité, sur fond de tension à la frontière avec le Cambodge.Novice en politique, l’héritière de la dynastie Shinawatra qui polarise le royaume depuis plus de vingt ans, multiplie les gestes de contrition depuis le départ du deuxième plus grand parti de la coalition, mercredi, qui l’a laissée à la merci d’un revirement d’alliance, fréquent en Thaïlande. Mais les milieux conservateurs, historiquement hostiles à son clan, ne lui ont pas tout pardonné: une formation clé de sa majorité aurait demandé sa démission, sous peine de rejoindre l’opposition, ce qui signifierait la chute du gouvernement, a rapporté vendredi la presse thaïlandaise.La Thaïlande, habituée aux crises cycliques, a déjà changé de Premier ministre l’an dernier, mais ce pic de tensions s’inscrit dans une nouvelle donne mondiale marquée par l’offensive protectionniste américaine, qui menace de gripper une croissance fragile. Jeudi soir, la Bourse de Bangkok a atteint son niveau le plus bas en cinq ans.Paetongtarn a présenté ses excuses jeudi, en réponse aux critiques qui l’accusaient d’avoir insulté la Thaïlande et de manquer de poigne, lors d’un appel téléphonique avec l’ancien Premier ministre Hun Sen, que celui-ci a enregistré et diffusé à son insu.- Retour à la “normale” -Vendredi, elle a rencontré le général de corps d’armée Boonsin Padklang, en charge du Nord-Est du pays, dans la province d’Ubon Ratchathani où ont eu lieu les récents affrontements avec le Cambodge. La dirigeante a assimilé ce haut-gradé à un “opposant” dans son échange avec Hun Sen, une remarque qui a enflammé les partisans de l’ordre militaro-royaliste hostiles, rappelant le contexte qui a conduit aux coups d’État ayant évincé le père de Paetongtarn, Thaksin, et sa tante, Yingluck, respectivement en 2006 et 2014.Leur discussion “s’est très bien déroulée”, a salué Paetongtarn. “Il n’y a plus aucun problème.”De son côté, Boonsin a affirmé que “tout était normal”.Une douzaine de putschs réussis depuis la fin de la monarchie absolue en 1932 a cimenté la place de l’armée dans le cœur de la vie politique thaïlandaise, laissant planer en permanence l’hypothèse d’une intervention si le gouvernement en place allait contre ses intérêts.La Thaïlande et le Cambodge sont à couteaux tirés depuis la mort d’un soldat cambodgien lors d’un échange de coups de feu au milieu de la nuit, le 28 mai dernier. Chaque armée accuse l’autre d’avoir ouvert les hostilités.L’incident a mobilisé le sentiment patriotique au sein des deux voisins, en désaccord depuis des décennies sur le tracé de leur frontière commune longue de plus de 800 kilomètres, héritage de la présence française en Indochine.L’appel entre Paetongtarn et Hun Sen, qui a dirigé le Cambodge durant environ 40 ans, visait à apaiser les tensions, a expliqué la dirigeante thaïlandaise, qui s’est dit “très déçue” par son interlocuteur.Bangkok a remis jeudi une lettre formelle de protestation à l’ambassadeur cambodgien, pour dénoncer cette fuite considérée comme “une violation de l’étiquette diplomatique” qui “compromet” la confiance entre les deux voisins liés par d’importants liens culturels et commerciaux.- Coalition sur un fil -Dans sa première communication sur le sujet, Hun Sen a indiqué vendredi que la fuite avait “brisé” plus de “30 ans de relations sincères entre nos deux familles”.Sur le volet national, Paetongtarn Shinawatra demeure fragilisée, alors que des manifestants avaient réclamé sa démission jeudi devant le palais du gouvernement, et que d’autres rassemblements sont prévus dans les jours à venir.Sa coalition est composée d’une dizaine de partis hétéroclites, dont certains étaient rivaux lors de la précédente législature: cette ossature fragile peut s’effondrer si une dizaine de députés venait à se désister.Après le départ du Bhumjaithai, connu pour avoir initié la dépénalisation de la culture et de la vente de cannabis, plusieurs partis ont répondu à l’appel du gouvernement, mais un continue de garder le silence: le parti de la Nation thaïe unie (UTN), ultra-conservateur, pro-armée et pro-roi.La direction de UTN, qui serait le plus gros parti de la coalition s’il restait, aurait demandé la démission de Paetongtarn, et menacé de rejoindre l’opposition, selon la chaîne publique ThaiPBS. Mais la presse thaïlandaise a aussi évoqué des tensions au sein du parti, avec des députés qui seraient prêts à soutenir la Première ministre.Deux scénarios sont évoqués en cas de départ: la dissolution de l’hémicycle, qui entraînerait l’organisation d’élections anticipées sous 60 jours, ou la nomination d’un nouveau chef du gouvernement sur les bases d’une majorité similaire.

Sri Lanka: des bols à aumônes bon marché bouleversent la vie des moines et des artisans

Dans son atelier de tôle, Thenuwara Badalge Sarath s’échine à fabriquer des bols à aumône, mais depuis que des récipients moins chers et de piètre qualité ont envahi le Sri Lanka, le mode de vie des moines qui les utilisent est bouleversé.Cet homme de 65 ans est le dernier forgeron de Panvila, un village situé près de la station balnéaire de Hikkaduwadu, dans le sud-ouest de l’île, autrefois un haut-lieu de la fabrication artisanale de ces “pathras”.Depuis des siècles, ces bols permettent aux moines de collecter leur nourriture quotidienne. Le couvercle leur sert d’assiette même si certains préfèrent manger directement dans la sébile. “Quand mon père m’a appris le métier, plus de dix familles en fabriquaient”, raconte-il à l’AFP en martelant un bout de métal.”Je suis désormais le seul à perpétuer cette tradition”, regrette M. Sarath, après la mort récente de son fils dans un accident de voiture. Chaque semaine, cinq à six bols, fabriqués à partir de barils d’acier récupérés, sortent de son petit atelier. Ils sont vendus 600 roupies (1,70 euros) la pièce, contre 400 à 500 roupies pour ceux en aluminium, pour la plupart fabriqués en Chine. “Ils sont moins chers et plus légers, nous ne pouvons pas rivaliser” constate-t-il.A plusieurs reprises, le gouvernement a essayé d’en interdire l’importation, en vain.L’île de 22 millions d’habitants, majoritairement bouddhistes, compte plus de 42.000 moines qui croulent sous les bols.A la tête du temple de Gangaramaya, dans la capitale Colombo, Kirinde Assagi, explique que le bol est l’un des rares objets que les moines sont autorisés à posséder, avec deux robes, une ceinture, un tissu servant de filtre, un rasoir et une aiguille.- Fin d’un rituel ancestral -“C’est leur moyen de subsistance”, insiste-t-il. “Lorsqu’un moine sort mendier avec son bol, il trouve de quoi se nourrir”.En offrant une sébile, les fidèles espèrent que cela leur apportera un bon karma, c’est pourquoi ils en reçoivent beaucoup, souligne-t-il.A l’arrière de son temple, dans un entrepôt, gît une montagne de bols de mauvaise qualité, jetés au rebut. Les moines ne veulent même pas que les animaux domestiques mangent dedans.”Nous perçons des trous au fond et les réutilisons comme pots pour les plantes”.  M. Assagi affirme qu’en raison de leur mauvaise qualité, beaucoup de moines renoncent à leur rituel ancestral: parcourir, à l’aube, les rues pour collecter l’aumône auprès des habitants.Dans le village d’Ingiriya, à 50 km au sud-est de Colombo, cette tradition perdure. Mais ailleurs dans le pays, il est de plus en rare de croiser le matin des hommes en robe couleur safran ou rouge un bol à la main. Le temple Gangaramaya à Colombo mène une campagne pour améliorer la qualité des récipients offerts et préserver les rituels afin de maintenir des relations plus étroites avec les fidèles. “Si les moines sortent quotidiennement, cela leur permet d’avoir un contact plus étroit avec les laïcs”, affirme M. Assagi.Contrairement au temple Gangaramaya, financièrement bien loti, les plus petits revendent parfois les bols dont ils ne savent que faire, ce qui nuit aux artisans traditionnels comme M. Sarath. Quand les bols sont remis sur le marché, “nous avons du mal à vendre notre production”, se lamente l’artisan, qui tente de convaincre les fidèles qu’il y a moins de mérite à offrir ces bols.