Mexique: au moins 64 morts et 65 disparus après une semaine de pluies torrentielles

Les pluies torrentielles qui s’abattent depuis une semaine sur plusieurs Etats du centre et de l’est du Mexique ont dévasté plusieurs régions en faisant au moins 64 morts et 65 disparus, selon un dernier bilan du gouvernement remontant à lundi.Le nombre de décès et les dégâts les plus importants se concentrent principalement dans les Etats de Veracruz (est), Hidalgo et Puebla (centre), a indiqué la responsable nationale de la protection civile, Laura Velazquez. Les pluies les plus intenses ont été enregistrées entre lundi et jeudi, provoquant “la montée du niveau des rivières et des ruisseaux à proximité de ces Etats”, causant inondations et dégâts, a précisé Mme Velazquez lors de la conférence matinale de la présidente Claudia Sheinbaum.Le plus grand nombre disparus se concentre dans l’Etat d’Hidalgo, avec 43 personnes dont les autorités sont sans nouvelle.Interrogée sur un éventuel manquement des services de prévisions, Mme Sheinbaum a expliqué que plusieurs facteurs météorologiques s’étaient combinés, et par conséquent “il aurait été difficile d’avoir à temps (des informations) sur cette situation, différente de ce qui se passe avec les ouragans”.Selon les services météorologiques, ces précipitations qui surviennent à la fin de la saison humide sont la résultante de l’entrée par le Golfe du Mexique d’une dépression tropicale qui a rencontré un front froid venant du nord, favorisant ainsi les pluies.Dans les villes de Veracruz, proches de la côte et traversées par d’importantes rivières, la population avait été invitée vendredi à évacuer en raison du risque de crues. Mais en montagne, les rivières gonflent subitement en raison de pluies concentrées en un même endroit.- Pont aérien -Dans la région montagneuse d’Hidalgo, un pont aérien a été mis en place pour secourir les populations isolées en raison des routes coupées par l’eau.Dimanche après-midi, l’AFP a constaté les mouvements d’hélicoptères militaires et gouvernementaux dans la ville de Pachuca, la capitale de l’Etat d’Hidalgo.”De nombreux vols (…) sont nécessaires pour pouvoir fournir assez de nourriture et d’eau”, a précisé Mme Sheinbaum. Plusieurs patients d’un hôpital de la municipalité de San Bartolo de Tutotepec ont été héliportés du fait de la fermeture des routes qui isolent plusieurs hameaux, ont indiqué les autorités locales. Le maire de San Bartolo Tutotepec, Uvaslado Gonzalez, a fait état à l’AFP lundi de “deux morts dans un glissement de terrain qui a écrasé deux maisons”. L’accès aux “communautés les plus reculées est compliqué par les glissements de terrain et les coulées de boue”, a-t-il expliqué.Pour une habitante, la difficulté est de trouver des biens de première nécessité. “Tout le monde a voulu en acheter en même temps, tout a été vendu, et ce qui reste est très cher”, a dit Cira Gonzalez.L’AFP a constaté la coupure de nombreuses routes autour de la municipalité de Tenango de Doria, zone parmi les plus touchées.De nombreux habitants en quête d’eau et de nourriture marchaient sur plusieurs kilomètres, certains transportant des affaires personnelles pour s’installer dans les refuges mis en place par le gouvernement.”Nous avons marché deux heures et demie dans la boue, traversant des sentiers et des éboulis. Tout est détruit, nous n’avons plus de nourriture, plus rien”, a déclaré à l’AFP Marco Mendoza, un agriculteur de 35 ans, après avoir cherché en vain de quoi nourrir sa famille dans les magasins de Tenango de Doria.Les magasins du centre-ville sont privés d’électricité et les habitants se rassemblent sur la place centrale pour s’informer de la réouverture des routes et de la coordination des secours.Un commerçant de San Clemente a raconté que son camion transportant une tonne de légumes était bloqué depuis jeudi au pied des montagnes : “Il n’a pas été possible d’aller plus loin,” déplore-t-il, craignant de perdre sa marchandise.La couverture nuageuse s’est dissipée dimanche, permettant à des engins de travaux publics de commencer à déblayer les accès routiers, a constaté l’AFP.

La cyberfraude prospère plus que jamais en Birmanie, avec le concours du Starlink de Musk

Elles étaient censées disparaître sous la pression des gouvernements concernés. Mais les usines à arnaquer en ligne des victimes dans le monde entier prospèrent mieux que jamais en Birmanie près de la frontière avec la Thaïlande, révèle une enquête de l’AFP.La construction de ces complexes aux allures de mini-villes ceintes de barbelés et gardées par des hommes en armes continue sans relâche autour de Myawaddy, sur la frontière avec la Thaïlande, montrent des images satellite et des prises de vue réalisées par drones par l’AFP.Ces images mettent en lumière ce qui ressemble à l’utilisation à grande échelle par les fraudeurs du service internet Starlink d’Elon Musk.Ces espèces de centres d’appel d’un autre genre, qui ont proliféré dans les zones inhospitalières dites du Triangle d’Or, emploient de gré ou de force des petites mains. Assises derrière un écran ou un téléphone, elles soutirent chaque année des milliards de dollars à des Chinois, des Américains et autres pigeons à l’autre bout du monde, convaincus de réaliser un juteux investissement ou d’avoir trouvé l’amour.La plupart de ces centres sont sous la coupe de syndicats chinois du crime en cheville avec les milices birmanes qui abondent à la faveur de la guerre civile, disent les experts.La Chine, la Thaïlande et la Birmanie ont entrepris en février un effort commun pour éradiquer le fléau et mis sous pression les milices birmanes pour qu’elles ferment ces centres. Environ 7.000 personnes ont été, selon les points de vue, interpellées ou libérées d’un système brutal.Certaines d’entre elles, originaires d’Asie, d’Afrique ou du Moyen-Orient, ont montré aux journalistes de l’AFP les traces des blessures et des coups qu’ils disent avoir reçus de ceux qui les exploitaient.Sun, un Chinois revendu d’un site à un autre, a raconté son histoire. Elle donne un aperçu du fonctionnement de cette industrie.- Enquête sur Starlink -Un haut responsable policier thaïlandais estimait en mars qu’au moins 100.000 personnes travaillaient encore dans les complexes le long de la frontière birmane.Les images satellite montrent que l’expansion a repris quelques semaines seulement après les descentes de février. Des antennes paraboliques Starlink se sont rapidement multipliées sur les toits pour pallier la coupure d’internet par les autorités thaïlandaises. Près de 80 antennes sont visibles sur un seul toit du plus grand complexe, KK Park, sur les images de l’AFP.Starlink n’est pas agréé en Birmanie. Avant février, Starlink n’avait pas assez de trafic pour figurer sur la liste des fournisseurs d’accès à internet dans ce pays. Fin avril, il était au 56e rang; il est au premier depuis le 3 juillet quasiment tous les jours, indiquent les données du registre internet asiatique APNIC.Des procureurs californiens ont mis en garde Starlink en juillet 2024 contre le fait que des malfaiteurs utilisaient son système, mais n’ont reçu aucune réponse. Des responsables politiques thaïlandais et américains ont exprimé leur inquiétude. La puissante Commission économique conjointe du Congrès américain a dit à l’AFP avoir ouvert fin juillet une enquête sur le rôle joué par Starlink dans le fonctionnement de ces centres.SpaceX, propriétaire de Starlink, n’a pas répondu aux demandes de réaction de l’AFP.”Qu’une entreprise américaine permette une chose pareille est odieux”, dénonce Erin West, ancienne procureure américaine spécialisée dans la cybercriminalité qui a démissionné l’an dernier pour se consacrer pleinement à la lutte contre les réseaux.Les Américains sont parmi les principales victimes, selon le département du Trésor. Ils auraient perdu 10 milliards de dollars l’an dernier, 66% de plus que l’année précédente.Les bandits ont recommencé à construire les centres à un rythme “à couper le souffle”, observe Erin West.- Histoire de casting -La zone proche de Myawaddy paraît héberger 27 centres de cyber-arnaque disséminés le long des méandres de la rivière Moei, qui marque la frontière avec la Thaïlande. Les immeubles y poussent comme des champignons. KK Park s’est agrandi d’une nouvelle section. Le poste de contrôle à l’entrée principale s’est considérablement développé. Au moins cinq nouveaux points de passage sur la rivière ont apparu.L’un de ces passages dessert Shwe Kokko, que le Trésor américain qualifie de “plaque tournante notoire des escroqueries aux investissements en monnaie virtuelle, sous la protection de l’Armée nationale karen”, une milice alliée à la junte birmane.Les zones frontalières entre la Birmanie, la Thaïlande, la Chine et le Laos, connues sous le nom de Triangle d’Or, sont de longue date un foyer de production d’opium et d’amphétamines, de trafic de drogue, de contrebande, de jeux clandestins et de blanchiment.La corruption et le désordre causé par la guerre civile en Birmanie ont permis aux organisations criminelles d’étendre leurs activités.La fraude en Asie du Sud-Est a fait perdre à ses victimes 37 milliards de dollars en 2023, selon un rapport publié l’année dernière par l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime.Nombre des personnes extraites des centres en février disent y avoir été emmenées contre leur gré en transitant par la Thaïlande et y avoir été forcées à travailler et battues.D’autres ont déclaré avoir été attirées par la promesse d’emplois bien payés. D’autres encore sont venues de leur plein gré, disent des experts.Pékin a fait pression sur les autorités birmanes et thaïlandaises pour qu’elles sévissent après l’émoi public suscité par le sort de l’acteur Wang Xing. Celui-ci a raconté avoir été enlevé à l’aéroport de Bangkok où il s’était rendu en vue d’un prétendu casting et avoir été emmené dans un centre de cyber-arnaque birman.La justice chinoise a récemment prononcé 11 condamnations fermes à la peine de mort à l’encontre de membres présumés d’un gang se livrant à la cyberfraude de l’autre côté de la frontière avec la Birmanie et responsable de la mort d’au moins 14 personnes, dont une dizaine qui cherchaient à s’enfuir d’un complexe d’arnaque.- Supplier à genoux -Des mois d’enquête dessinent un monde impitoyable peuplé d’individus insaisissables prêts à vendre des êtres ou à négocier leur libération, pour peu que le prix soit le bon, sous l’égide de milices aux intérêts communs ou concurrents.Sun, dont l’AFP préserve l’identité pour sa sécurité, fait partie des milliers de Chinois engloutis par ce gouffre. Ce jeune villageois à la voix douce venu des montagnes du Yunnan relate comment lui et d’autres étaient régulièrement battus à coups de matraque électrique et de fouet s’ils faiblissaient à la tâche ou désobéissaient aux ordres.”Presque tous ceux qui étaient dedans ont été battus à un moment ou à un autre, soit pour avoir refusé de travailler, soit pour avoir tenté de sortir”, rapporte-t-il. Mais, vu la hauteur des clôtures et la présence de miradors et de gardes armés, “il n’y avait aucun moyen de partir” avant l’épilogue de février, pour lui et 5.400 autres Chinois.Les journalistes de l’AFP lui ont parlé au moment de sa sortie du centre, puis au téléphone, puis encore à son retour dans son village isolé.Ses ennuis ont commencé en juin 2024 quand il a quitté son village pauvre situé à une centaine de kilomètres de la Birmanie, se rappelle-t-il. Il avait déjà un enfant et la famille en attendait un autre. Le jeune homme de 25 ans avait entendu dire qu’il était possible de gagner de l’argent en vendant des produits chinois en ligne via la Thaïlande. “On m’a dit que c’était très rentable.”Le voyage a viré au cauchemar à Mae Sot, ville frontalière thaïlandaise. Sun raconte y avoir été enlevé et transféré, par la rivière Moei, à Myawaddy vers ses centres d’escroquerie. Il se souvient avoir été “terrifié”. “Je n’arrêtais pas de les supplier à genoux de me laisser partir.”A Myawaddy, il a été emmené dans un camp de miliciens. Il y a été vendu pour 650.000 bahts thaïlandais (20.000 dollars) à un centre de cyberfraude, la première d’une série de transactions analogues. On lui a ordonné de faire des exercices de frappe pour accélérer sa vitesse d’écriture. Mais Sun est atteint d’une déformation du doigt qui le ralentissait et attirait les foudres de ses supérieurs.- Filatures -Son handicap lui a valu d’être confiné à des tâches subalternes et revendu de centre en centre, jusqu’au dernier, d’où il a réellement envoyé des messages à des gogos aux États-Unis, raconte-t-il. Une fois les victimes ferrées, il passait la main à des fraudeurs plus aguerris chargés de parachever l’ouvrage.Les centres fournissent à leurs petites mains des mémentos pour remplir leur tâche. Un texte de 26 pages suggère au fraudeur d’adopter le personnage d’Abby, une Japonaise de 35 ans en mal d’amour, pour séduire l’interlocuteur en ligne. “Je sens que nous sommes faits l’un pour l’autre”, peut dire Abby à son correspondant.C’est une industrie entourée d’une grande opacité, que les relations complexes de la Chine et de la Thaïlande avec le régime militaire birman et divers groupes, rebelles ou non, n’aident pas à dissiper. Beaucoup de ces groupes se livrent à l’exploitation minière et forestière et à la production de drogue.Les gangs emploient dans ces centres une main-d’œuvre quasiment réduite à l’esclavage aussi bien que des programmeurs qualifiés grassement payés, décrit David Scott Mathieson, grand connaisseur de la Birmanie, un ancien de Human Rights Watch.Les autorités chinoises traitent les personnes comme Sun comme des “suspects”. L’AFP a confirmé les principaux aspects de son récit en consultant plusieurs experts. Mais d’autres éléments ont été plus difficiles à corroborer. Les autorités thaïlandaises n’ont pas fourni d’informations.En Chine, les journalistes de l’AFP ont été suivis par plusieurs voitures banalisées alors qu’ils allaient voir Sun dans son village, à trois heures de la ville la plus proche, Lincang. Quelques minutes après le début de l’entretien, un groupe de fonctionnaires est arrivé pour, ont-ils expliqué, l’emmener “vérifier” qu’il allait bien. À son retour une demi-heure plus tard, il a refusé de s’exprimer davantage.Les semaines précédant son extraction du centre, Sun se demandait s’il arriverait à échapper un jour aux violences, aux menaces et aux corvées. “Je pensais à la possibilité (de mourir…) presque tous les jours”, confie-t-il.L’AFP a obtenu la copie d’un “contrat de travail” interdisant au personnel d’un centre de chatter ou de quitter son poste, et autorisant l’encadrement à “former” ceux qui enfreignent les règles.- Le désespoir des proches -La Chine met en garde ses citoyens depuis des années contre la cyberfraude, qu’il s’agisse des arnaques en ligne ou des offres d’emploi crapuleuses. Mais un flux constant de Chinois disparaît encore. Leurs proches se lancent désespérément à leur recherche, s’exposant eux-mêmes à de sombres agissements.Fang, originaire du Gansu, dans le nord-ouest de la Chine, raconte que son frère de 22 ans, en décrochage scolaire, s’est volatilisé en février dans le Yunnan, à la frontière birmane. Son frère avait probablement des soucis financiers et s’est rendu à Xishuangbanna, près de la frontière du Triangle d’Or, pour s’adonner au trafic d’or et de montres, pense-t-elle.Elle est à présent convaincue qu’il a été attiré là-bas et forcé de passer en Birmanie. Les relevés téléphoniques le localisent pour la dernière fois dans la région de Wa, bastion du groupe ethnique le plus important et le mieux armé de Birmanie.Comme d’autres membres de sa famille, elle se sent impuissante malgré ses appels à l’aide aux autorités chinoises. “C’est le petit dernier de la famille”, explique-t-elle. “Ma grand-mère, atteinte d’un cancer en phase terminale, pleure tous les jours à la maison.”Fang dit avoir rejoint sur la messagerie chinoise WeChat plusieurs groupes de personnes à la recherche de proches disparus près de la frontière avec la Birmanie. Elle a été approchée par des “sauveteurs” auto-proclamés lui proposant leurs services.L’AFP a contacté plus d’une douzaine de ces personnages faisant la promotion de leurs activités sur les plateformes Xiaohongshu et Kuaishou. Beaucoup semblaient avoir eux-mêmes travaillé dans les centres de cyberfraude et se prévalaient de leurs liens avec des trafiquants.Ils ont assuré pouvoir actionner des relais dans les centres ou parmi les “têtes de serpent”, des passeurs de mèche avec les centres. La plupart ont évoqué le paiement de rançons équivalant à des dizaines de milliers de dollars, en fonction du centre où se trouverait la personne disparue et d’éventuelles dettes qu’elle aurait auprès du gang.- Soudain sauvetage -Certains de ces “sauveteurs” ont affirmé ne pas prendre d’argent pour eux-mêmes. D’autres au contraire ont exposé clairement la part leur revenant et celle revenant à des intermédiaires.L’un d’eux, se présentant sous le nom de Li Chao, dit gagner des milliers de yuans par mois (1 yuan = 0,12 euro) en organisant des sauvetages au Cambodge – autre plaque tournante pour la fraude et le blanchiment – en repérant les camps et en escamotant les fugitifs en voiture de location. C’est un travail rémunérateur, mais “il y a aussi des risques pour moi”, déclare-t-il.Ling Li, chercheuse sur l’esclavage moderne aux commandes d’une ONG de lutte contre la traite des êtres humains, s’émeut que des gens comme Li Chao lui “compliquent” la tâche.Son organisation aide les familles à rechercher des travailleurs en Birmanie et au Cambodge en contactant la police et en négociant des rançons.De nombreux “sauveteurs” sont eux-mêmes des escrocs ou facturent des sommes faramineuses pour des extractions qui, souvent, ne se concrétisent jamais, déclare-t-elle. “Les familles peuvent facilement se faire rouler par des opportunistes.”Certains proches ont versé des milliers de yuans pour rien, abonde Fang. Les sauveteurs “prétendent avoir des relations, en réalité il ne s’agit que d’une arnaque de plus”, tranche-t-elle.Sun a été extrait le 12 février. Il réparait des téléphones ce matin-là quand un groupe d’hommes armés est arrivé et les a entassés, lui et des dizaines d’autres, dans des pickups qui les ont les conduits vers un camp de miliciens. Quelques heures après, il était dans un bateau pour la Thaïlande.”Jamais je n’aurais imaginé être sauvé aussi soudainement”, dit-il. Dix jours plus tard, on l’a embarqué dans un avion à destination de Nanjing, en Chine, encadré par des policiers.- “État ennemi” -Sun fait partie des milliers de personnes arrêtées lors de l’opération conjointe de février entre la Chine, la Thaïlande et deux anciens groupes rebelles karens à présent alliés à l’armée birmane parmi les différentes milices opérant autour de Myawaddy.Les fraudeurs sévissent dans un “environnement très permissif, avec l’autorisation des milices birmanes affiliées à la junte”, commente un récent rapport du groupe de réflexion Australian Strategic Policy Institute, en partie financé par le ministère de la Défense australien.Si de violents combats opposent souvent des groupes rivaux près des centres, ces derniers n’auraient jamais été touchés, note le rapport. Personne ne veut mettre en péril les “profits bruts générés par l’industrie de l’escroquerie”, ajoute-t-il.Pékin assure que son action témoigne de son engagement “résolu” à enrayer cette calamité. Mais Nathan Ruser, auteur du rapport de l’Australian Strategic Policy Institute, et d’autres experts, affirment que des opérations comme celle de février ne font que perturber temporairement les réseaux criminels.”Tant que la junte militaire de Rangoun favorisera et alimentera cette industrie, je pense que cela restera un jeu du chat et de la souris”, estime Nathan Ruser. De nouveaux centres “surgiront ailleurs”, prédit-il.Sun insiste sur le fait qu’il a été forcé de travailler dans les centres et n’a jamais escroqué personne. Traumatisé, épuisé et toujours en liberté sous caution, il trouve le “fardeau mental” de son calvaire difficile à supporter.Pékin n’a pas précisé comment il comptait traiter ceux qui ont travaillé dans les centres. Des experts font valoir que nombre d’entre eux minimisent leur implication pour échapper à la sanction.La société chinoise éprouve peu de compassion pour eux, quoi qu’ils aient fait, selon la chercheuse Ling Li. “On vous jugera pour votre cupidité et votre stupidité”, résume-t-elle.Mais les gouvernements ont fait preuve d’une “négligence insensée” face à la gravité du problème, accuse l’experte Erin West. “On nous vole la valeur d’une génération de richesse”, dénonce-t-elle. “Je ne sais pas comment nous allons y mettre fin. C’est devenu bien trop grand, comme un État ennemi”.isk-mjw-sjc-fg/lal/dp/ib/tmt

La cyberfraude prospère plus que jamais en Birmanie, avec le concours du Starlink de Musk

Elles étaient censées disparaître sous la pression des gouvernements concernés. Mais les usines à arnaquer en ligne des victimes dans le monde entier prospèrent mieux que jamais en Birmanie près de la frontière avec la Thaïlande, révèle une enquête de l’AFP.La construction de ces complexes aux allures de mini-villes ceintes de barbelés et gardées par des hommes en armes continue sans relâche autour de Myawaddy, sur la frontière avec la Thaïlande, montrent des images satellite et des prises de vue réalisées par drones par l’AFP.Ces images mettent en lumière ce qui ressemble à l’utilisation à grande échelle par les fraudeurs du service internet Starlink d’Elon Musk.Ces espèces de centres d’appel d’un autre genre, qui ont proliféré dans les zones inhospitalières dites du Triangle d’Or, emploient de gré ou de force des petites mains. Assises derrière un écran ou un téléphone, elles soutirent chaque année des milliards de dollars à des Chinois, des Américains et autres pigeons à l’autre bout du monde, convaincus de réaliser un juteux investissement ou d’avoir trouvé l’amour.La plupart de ces centres sont sous la coupe de syndicats chinois du crime en cheville avec les milices birmanes qui abondent à la faveur de la guerre civile, disent les experts.La Chine, la Thaïlande et la Birmanie ont entrepris en février un effort commun pour éradiquer le fléau et mis sous pression les milices birmanes pour qu’elles ferment ces centres. Environ 7.000 personnes ont été, selon les points de vue, interpellées ou libérées d’un système brutal.Certaines d’entre elles, originaires d’Asie, d’Afrique ou du Moyen-Orient, ont montré aux journalistes de l’AFP les traces des blessures et des coups qu’ils disent avoir reçus de ceux qui les exploitaient.Sun, un Chinois revendu d’un site à un autre, a raconté son histoire. Elle donne un aperçu du fonctionnement de cette industrie.- Enquête sur Starlink -Un haut responsable policier thaïlandais estimait en mars qu’au moins 100.000 personnes travaillaient encore dans les complexes le long de la frontière birmane.Les images satellite montrent que l’expansion a repris quelques semaines seulement après les descentes de février. Des antennes paraboliques Starlink se sont rapidement multipliées sur les toits pour pallier la coupure d’internet par les autorités thaïlandaises. Près de 80 antennes sont visibles sur un seul toit du plus grand complexe, KK Park, sur les images de l’AFP.Starlink n’est pas agréé en Birmanie. Avant février, Starlink n’avait pas assez de trafic pour figurer sur la liste des fournisseurs d’accès à internet dans ce pays. Fin avril, il était au 56e rang; il est au premier depuis le 3 juillet quasiment tous les jours, indiquent les données du registre internet asiatique APNIC.Des procureurs californiens ont mis en garde Starlink en juillet 2024 contre le fait que des malfaiteurs utilisaient son système, mais n’ont reçu aucune réponse. Des responsables politiques thaïlandais et américains ont exprimé leur inquiétude. La puissante Commission économique conjointe du Congrès américain a dit à l’AFP avoir ouvert fin juillet une enquête sur le rôle joué par Starlink dans le fonctionnement de ces centres.SpaceX, propriétaire de Starlink, n’a pas répondu aux demandes de réaction de l’AFP.”Qu’une entreprise américaine permette une chose pareille est odieux”, dénonce Erin West, ancienne procureure américaine spécialisée dans la cybercriminalité qui a démissionné l’an dernier pour se consacrer pleinement à la lutte contre les réseaux.Les Américains sont parmi les principales victimes, selon le département du Trésor. Ils auraient perdu 10 milliards de dollars l’an dernier, 66% de plus que l’année précédente.Les bandits ont recommencé à construire les centres à un rythme “à couper le souffle”, observe Erin West.- Histoire de casting -La zone proche de Myawaddy paraît héberger 27 centres de cyber-arnaque disséminés le long des méandres de la rivière Moei, qui marque la frontière avec la Thaïlande. Les immeubles y poussent comme des champignons. KK Park s’est agrandi d’une nouvelle section. Le poste de contrôle à l’entrée principale s’est considérablement développé. Au moins cinq nouveaux points de passage sur la rivière ont apparu.L’un de ces passages dessert Shwe Kokko, que le Trésor américain qualifie de “plaque tournante notoire des escroqueries aux investissements en monnaie virtuelle, sous la protection de l’Armée nationale karen”, une milice alliée à la junte birmane.Les zones frontalières entre la Birmanie, la Thaïlande, la Chine et le Laos, connues sous le nom de Triangle d’Or, sont de longue date un foyer de production d’opium et d’amphétamines, de trafic de drogue, de contrebande, de jeux clandestins et de blanchiment.La corruption et le désordre causé par la guerre civile en Birmanie ont permis aux organisations criminelles d’étendre leurs activités.La fraude en Asie du Sud-Est a fait perdre à ses victimes 37 milliards de dollars en 2023, selon un rapport publié l’année dernière par l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime.Nombre des personnes extraites des centres en février disent y avoir été emmenées contre leur gré en transitant par la Thaïlande et y avoir été forcées à travailler et battues.D’autres ont déclaré avoir été attirées par la promesse d’emplois bien payés. D’autres encore sont venues de leur plein gré, disent des experts.Pékin a fait pression sur les autorités birmanes et thaïlandaises pour qu’elles sévissent après l’émoi public suscité par le sort de l’acteur Wang Xing. Celui-ci a raconté avoir été enlevé à l’aéroport de Bangkok où il s’était rendu en vue d’un prétendu casting et avoir été emmené dans un centre de cyber-arnaque birman.La justice chinoise a récemment prononcé 11 condamnations fermes à la peine de mort à l’encontre de membres présumés d’un gang se livrant à la cyberfraude de l’autre côté de la frontière avec la Birmanie et responsable de la mort d’au moins 14 personnes, dont une dizaine qui cherchaient à s’enfuir d’un complexe d’arnaque.- Supplier à genoux -Des mois d’enquête dessinent un monde impitoyable peuplé d’individus insaisissables prêts à vendre des êtres ou à négocier leur libération, pour peu que le prix soit le bon, sous l’égide de milices aux intérêts communs ou concurrents.Sun, dont l’AFP préserve l’identité pour sa sécurité, fait partie des milliers de Chinois engloutis par ce gouffre. Ce jeune villageois à la voix douce venu des montagnes du Yunnan relate comment lui et d’autres étaient régulièrement battus à coups de matraque électrique et de fouet s’ils faiblissaient à la tâche ou désobéissaient aux ordres.”Presque tous ceux qui étaient dedans ont été battus à un moment ou à un autre, soit pour avoir refusé de travailler, soit pour avoir tenté de sortir”, rapporte-t-il. Mais, vu la hauteur des clôtures et la présence de miradors et de gardes armés, “il n’y avait aucun moyen de partir” avant l’épilogue de février, pour lui et 5.400 autres Chinois.Les journalistes de l’AFP lui ont parlé au moment de sa sortie du centre, puis au téléphone, puis encore à son retour dans son village isolé.Ses ennuis ont commencé en juin 2024 quand il a quitté son village pauvre situé à une centaine de kilomètres de la Birmanie, se rappelle-t-il. Il avait déjà un enfant et la famille en attendait un autre. Le jeune homme de 25 ans avait entendu dire qu’il était possible de gagner de l’argent en vendant des produits chinois en ligne via la Thaïlande. “On m’a dit que c’était très rentable.”Le voyage a viré au cauchemar à Mae Sot, ville frontalière thaïlandaise. Sun raconte y avoir été enlevé et transféré, par la rivière Moei, à Myawaddy vers ses centres d’escroquerie. Il se souvient avoir été “terrifié”. “Je n’arrêtais pas de les supplier à genoux de me laisser partir.”A Myawaddy, il a été emmené dans un camp de miliciens. Il y a été vendu pour 650.000 bahts thaïlandais (20.000 dollars) à un centre de cyberfraude, la première d’une série de transactions analogues. On lui a ordonné de faire des exercices de frappe pour accélérer sa vitesse d’écriture. Mais Sun est atteint d’une déformation du doigt qui le ralentissait et attirait les foudres de ses supérieurs.- Filatures -Son handicap lui a valu d’être confiné à des tâches subalternes et revendu de centre en centre, jusqu’au dernier, d’où il a réellement envoyé des messages à des gogos aux États-Unis, raconte-t-il. Une fois les victimes ferrées, il passait la main à des fraudeurs plus aguerris chargés de parachever l’ouvrage.Les centres fournissent à leurs petites mains des mémentos pour remplir leur tâche. Un texte de 26 pages suggère au fraudeur d’adopter le personnage d’Abby, une Japonaise de 35 ans en mal d’amour, pour séduire l’interlocuteur en ligne. “Je sens que nous sommes faits l’un pour l’autre”, peut dire Abby à son correspondant.C’est une industrie entourée d’une grande opacité, que les relations complexes de la Chine et de la Thaïlande avec le régime militaire birman et divers groupes, rebelles ou non, n’aident pas à dissiper. Beaucoup de ces groupes se livrent à l’exploitation minière et forestière et à la production de drogue.Les gangs emploient dans ces centres une main-d’œuvre quasiment réduite à l’esclavage aussi bien que des programmeurs qualifiés grassement payés, décrit David Scott Mathieson, grand connaisseur de la Birmanie, un ancien de Human Rights Watch.Les autorités chinoises traitent les personnes comme Sun comme des “suspects”. L’AFP a confirmé les principaux aspects de son récit en consultant plusieurs experts. Mais d’autres éléments ont été plus difficiles à corroborer. Les autorités thaïlandaises n’ont pas fourni d’informations.En Chine, les journalistes de l’AFP ont été suivis par plusieurs voitures banalisées alors qu’ils allaient voir Sun dans son village, à trois heures de la ville la plus proche, Lincang. Quelques minutes après le début de l’entretien, un groupe de fonctionnaires est arrivé pour, ont-ils expliqué, l’emmener “vérifier” qu’il allait bien. À son retour une demi-heure plus tard, il a refusé de s’exprimer davantage.Les semaines précédant son extraction du centre, Sun se demandait s’il arriverait à échapper un jour aux violences, aux menaces et aux corvées. “Je pensais à la possibilité (de mourir…) presque tous les jours”, confie-t-il.L’AFP a obtenu la copie d’un “contrat de travail” interdisant au personnel d’un centre de chatter ou de quitter son poste, et autorisant l’encadrement à “former” ceux qui enfreignent les règles.- Le désespoir des proches -La Chine met en garde ses citoyens depuis des années contre la cyberfraude, qu’il s’agisse des arnaques en ligne ou des offres d’emploi crapuleuses. Mais un flux constant de Chinois disparaît encore. Leurs proches se lancent désespérément à leur recherche, s’exposant eux-mêmes à de sombres agissements.Fang, originaire du Gansu, dans le nord-ouest de la Chine, raconte que son frère de 22 ans, en décrochage scolaire, s’est volatilisé en février dans le Yunnan, à la frontière birmane. Son frère avait probablement des soucis financiers et s’est rendu à Xishuangbanna, près de la frontière du Triangle d’Or, pour s’adonner au trafic d’or et de montres, pense-t-elle.Elle est à présent convaincue qu’il a été attiré là-bas et forcé de passer en Birmanie. Les relevés téléphoniques le localisent pour la dernière fois dans la région de Wa, bastion du groupe ethnique le plus important et le mieux armé de Birmanie.Comme d’autres membres de sa famille, elle se sent impuissante malgré ses appels à l’aide aux autorités chinoises. “C’est le petit dernier de la famille”, explique-t-elle. “Ma grand-mère, atteinte d’un cancer en phase terminale, pleure tous les jours à la maison.”Fang dit avoir rejoint sur la messagerie chinoise WeChat plusieurs groupes de personnes à la recherche de proches disparus près de la frontière avec la Birmanie. Elle a été approchée par des “sauveteurs” auto-proclamés lui proposant leurs services.L’AFP a contacté plus d’une douzaine de ces personnages faisant la promotion de leurs activités sur les plateformes Xiaohongshu et Kuaishou. Beaucoup semblaient avoir eux-mêmes travaillé dans les centres de cyberfraude et se prévalaient de leurs liens avec des trafiquants.Ils ont assuré pouvoir actionner des relais dans les centres ou parmi les “têtes de serpent”, des passeurs de mèche avec les centres. La plupart ont évoqué le paiement de rançons équivalant à des dizaines de milliers de dollars, en fonction du centre où se trouverait la personne disparue et d’éventuelles dettes qu’elle aurait auprès du gang.- Soudain sauvetage -Certains de ces “sauveteurs” ont affirmé ne pas prendre d’argent pour eux-mêmes. D’autres au contraire ont exposé clairement la part leur revenant et celle revenant à des intermédiaires.L’un d’eux, se présentant sous le nom de Li Chao, dit gagner des milliers de yuans par mois (1 yuan = 0,12 euro) en organisant des sauvetages au Cambodge – autre plaque tournante pour la fraude et le blanchiment – en repérant les camps et en escamotant les fugitifs en voiture de location. C’est un travail rémunérateur, mais “il y a aussi des risques pour moi”, déclare-t-il.Ling Li, chercheuse sur l’esclavage moderne aux commandes d’une ONG de lutte contre la traite des êtres humains, s’émeut que des gens comme Li Chao lui “compliquent” la tâche.Son organisation aide les familles à rechercher des travailleurs en Birmanie et au Cambodge en contactant la police et en négociant des rançons.De nombreux “sauveteurs” sont eux-mêmes des escrocs ou facturent des sommes faramineuses pour des extractions qui, souvent, ne se concrétisent jamais, déclare-t-elle. “Les familles peuvent facilement se faire rouler par des opportunistes.”Certains proches ont versé des milliers de yuans pour rien, abonde Fang. Les sauveteurs “prétendent avoir des relations, en réalité il ne s’agit que d’une arnaque de plus”, tranche-t-elle.Sun a été extrait le 12 février. Il réparait des téléphones ce matin-là quand un groupe d’hommes armés est arrivé et les a entassés, lui et des dizaines d’autres, dans des pickups qui les ont les conduits vers un camp de miliciens. Quelques heures après, il était dans un bateau pour la Thaïlande.”Jamais je n’aurais imaginé être sauvé aussi soudainement”, dit-il. Dix jours plus tard, on l’a embarqué dans un avion à destination de Nanjing, en Chine, encadré par des policiers.- “État ennemi” -Sun fait partie des milliers de personnes arrêtées lors de l’opération conjointe de février entre la Chine, la Thaïlande et deux anciens groupes rebelles karens à présent alliés à l’armée birmane parmi les différentes milices opérant autour de Myawaddy.Les fraudeurs sévissent dans un “environnement très permissif, avec l’autorisation des milices birmanes affiliées à la junte”, commente un récent rapport du groupe de réflexion Australian Strategic Policy Institute, en partie financé par le ministère de la Défense australien.Si de violents combats opposent souvent des groupes rivaux près des centres, ces derniers n’auraient jamais été touchés, note le rapport. Personne ne veut mettre en péril les “profits bruts générés par l’industrie de l’escroquerie”, ajoute-t-il.Pékin assure que son action témoigne de son engagement “résolu” à enrayer cette calamité. Mais Nathan Ruser, auteur du rapport de l’Australian Strategic Policy Institute, et d’autres experts, affirment que des opérations comme celle de février ne font que perturber temporairement les réseaux criminels.”Tant que la junte militaire de Rangoun favorisera et alimentera cette industrie, je pense que cela restera un jeu du chat et de la souris”, estime Nathan Ruser. De nouveaux centres “surgiront ailleurs”, prédit-il.Sun insiste sur le fait qu’il a été forcé de travailler dans les centres et n’a jamais escroqué personne. Traumatisé, épuisé et toujours en liberté sous caution, il trouve le “fardeau mental” de son calvaire difficile à supporter.Pékin n’a pas précisé comment il comptait traiter ceux qui ont travaillé dans les centres. Des experts font valoir que nombre d’entre eux minimisent leur implication pour échapper à la sanction.La société chinoise éprouve peu de compassion pour eux, quoi qu’ils aient fait, selon la chercheuse Ling Li. “On vous jugera pour votre cupidité et votre stupidité”, résume-t-elle.Mais les gouvernements ont fait preuve d’une “négligence insensée” face à la gravité du problème, accuse l’experte Erin West. “On nous vole la valeur d’une génération de richesse”, dénonce-t-elle. “Je ne sais pas comment nous allons y mettre fin. C’est devenu bien trop grand, comme un État ennemi”.isk-mjw-sjc-fg/lal/dp/ib/tmt

La cyberfraude prospère plus que jamais en Birmanie, avec le concours du Starlink de Musk

Elles étaient censées disparaître sous la pression des gouvernements concernés. Mais les usines à arnaquer en ligne des victimes dans le monde entier prospèrent mieux que jamais en Birmanie près de la frontière avec la Thaïlande, révèle une enquête de l’AFP.La construction de ces complexes aux allures de mini-villes ceintes de barbelés et gardées par des hommes en armes continue sans relâche autour de Myawaddy, sur la frontière avec la Thaïlande, montrent des images satellite et des prises de vue réalisées par drones par l’AFP.Ces images mettent en lumière ce qui ressemble à l’utilisation à grande échelle par les fraudeurs du service internet Starlink d’Elon Musk.Ces espèces de centres d’appel d’un autre genre, qui ont proliféré dans les zones inhospitalières dites du Triangle d’Or, emploient de gré ou de force des petites mains. Assises derrière un écran ou un téléphone, elles soutirent chaque année des milliards de dollars à des Chinois, des Américains et autres pigeons à l’autre bout du monde, convaincus de réaliser un juteux investissement ou d’avoir trouvé l’amour.La plupart de ces centres sont sous la coupe de syndicats chinois du crime en cheville avec les milices birmanes qui abondent à la faveur de la guerre civile, disent les experts.La Chine, la Thaïlande et la Birmanie ont entrepris en février un effort commun pour éradiquer le fléau et mis sous pression les milices birmanes pour qu’elles ferment ces centres. Environ 7.000 personnes ont été, selon les points de vue, interpellées ou libérées d’un système brutal.Certaines d’entre elles, originaires d’Asie, d’Afrique ou du Moyen-Orient, ont montré aux journalistes de l’AFP les traces des blessures et des coups qu’ils disent avoir reçus de ceux qui les exploitaient.Sun, un Chinois revendu d’un site à un autre, a raconté son histoire. Elle donne un aperçu du fonctionnement de cette industrie.- Enquête sur Starlink -Un haut responsable policier thaïlandais estimait en mars qu’au moins 100.000 personnes travaillaient encore dans les complexes le long de la frontière birmane.Les images satellite montrent que l’expansion a repris quelques semaines seulement après les descentes de février. Des antennes paraboliques Starlink se sont rapidement multipliées sur les toits pour pallier la coupure d’internet par les autorités thaïlandaises. Près de 80 antennes sont visibles sur un seul toit du plus grand complexe, KK Park, sur les images de l’AFP.Starlink n’est pas agréé en Birmanie. Avant février, Starlink n’avait pas assez de trafic pour figurer sur la liste des fournisseurs d’accès à internet dans ce pays. Fin avril, il était au 56e rang; il est au premier depuis le 3 juillet quasiment tous les jours, indiquent les données du registre internet asiatique APNIC.Des procureurs californiens ont mis en garde Starlink en juillet 2024 contre le fait que des malfaiteurs utilisaient son système, mais n’ont reçu aucune réponse. Des responsables politiques thaïlandais et américains ont exprimé leur inquiétude. La puissante Commission économique conjointe du Congrès américain a dit à l’AFP avoir ouvert fin juillet une enquête sur le rôle joué par Starlink dans le fonctionnement de ces centres.SpaceX, propriétaire de Starlink, n’a pas répondu aux demandes de réaction de l’AFP.”Qu’une entreprise américaine permette une chose pareille est odieux”, dénonce Erin West, ancienne procureure américaine spécialisée dans la cybercriminalité qui a démissionné l’an dernier pour se consacrer pleinement à la lutte contre les réseaux.Les Américains sont parmi les principales victimes, selon le département du Trésor. Ils auraient perdu 10 milliards de dollars l’an dernier, 66% de plus que l’année précédente.Les bandits ont recommencé à construire les centres à un rythme “à couper le souffle”, observe Erin West.- Histoire de casting -La zone proche de Myawaddy paraît héberger 27 centres de cyber-arnaque disséminés le long des méandres de la rivière Moei, qui marque la frontière avec la Thaïlande. Les immeubles y poussent comme des champignons. KK Park s’est agrandi d’une nouvelle section. Le poste de contrôle à l’entrée principale s’est considérablement développé. Au moins cinq nouveaux points de passage sur la rivière ont apparu.L’un de ces passages dessert Shwe Kokko, que le Trésor américain qualifie de “plaque tournante notoire des escroqueries aux investissements en monnaie virtuelle, sous la protection de l’Armée nationale karen”, une milice alliée à la junte birmane.Les zones frontalières entre la Birmanie, la Thaïlande, la Chine et le Laos, connues sous le nom de Triangle d’Or, sont de longue date un foyer de production d’opium et d’amphétamines, de trafic de drogue, de contrebande, de jeux clandestins et de blanchiment.La corruption et le désordre causé par la guerre civile en Birmanie ont permis aux organisations criminelles d’étendre leurs activités.La fraude en Asie du Sud-Est a fait perdre à ses victimes 37 milliards de dollars en 2023, selon un rapport publié l’année dernière par l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime.Nombre des personnes extraites des centres en février disent y avoir été emmenées contre leur gré en transitant par la Thaïlande et y avoir été forcées à travailler et battues.D’autres ont déclaré avoir été attirées par la promesse d’emplois bien payés. D’autres encore sont venues de leur plein gré, disent des experts.Pékin a fait pression sur les autorités birmanes et thaïlandaises pour qu’elles sévissent après l’émoi public suscité par le sort de l’acteur Wang Xing. Celui-ci a raconté avoir été enlevé à l’aéroport de Bangkok où il s’était rendu en vue d’un prétendu casting et avoir été emmené dans un centre de cyber-arnaque birman.La justice chinoise a récemment prononcé 11 condamnations fermes à la peine de mort à l’encontre de membres présumés d’un gang se livrant à la cyberfraude de l’autre côté de la frontière avec la Birmanie et responsable de la mort d’au moins 14 personnes, dont une dizaine qui cherchaient à s’enfuir d’un complexe d’arnaque.- Supplier à genoux -Des mois d’enquête dessinent un monde impitoyable peuplé d’individus insaisissables prêts à vendre des êtres ou à négocier leur libération, pour peu que le prix soit le bon, sous l’égide de milices aux intérêts communs ou concurrents.Sun, dont l’AFP préserve l’identité pour sa sécurité, fait partie des milliers de Chinois engloutis par ce gouffre. Ce jeune villageois à la voix douce venu des montagnes du Yunnan relate comment lui et d’autres étaient régulièrement battus à coups de matraque électrique et de fouet s’ils faiblissaient à la tâche ou désobéissaient aux ordres.”Presque tous ceux qui étaient dedans ont été battus à un moment ou à un autre, soit pour avoir refusé de travailler, soit pour avoir tenté de sortir”, rapporte-t-il. Mais, vu la hauteur des clôtures et la présence de miradors et de gardes armés, “il n’y avait aucun moyen de partir” avant l’épilogue de février, pour lui et 5.400 autres Chinois.Les journalistes de l’AFP lui ont parlé au moment de sa sortie du centre, puis au téléphone, puis encore à son retour dans son village isolé.Ses ennuis ont commencé en juin 2024 quand il a quitté son village pauvre situé à une centaine de kilomètres de la Birmanie, se rappelle-t-il. Il avait déjà un enfant et la famille en attendait un autre. Le jeune homme de 25 ans avait entendu dire qu’il était possible de gagner de l’argent en vendant des produits chinois en ligne via la Thaïlande. “On m’a dit que c’était très rentable.”Le voyage a viré au cauchemar à Mae Sot, ville frontalière thaïlandaise. Sun raconte y avoir été enlevé et transféré, par la rivière Moei, à Myawaddy vers ses centres d’escroquerie. Il se souvient avoir été “terrifié”. “Je n’arrêtais pas de les supplier à genoux de me laisser partir.”A Myawaddy, il a été emmené dans un camp de miliciens. Il y a été vendu pour 650.000 bahts thaïlandais (20.000 dollars) à un centre de cyberfraude, la première d’une série de transactions analogues. On lui a ordonné de faire des exercices de frappe pour accélérer sa vitesse d’écriture. Mais Sun est atteint d’une déformation du doigt qui le ralentissait et attirait les foudres de ses supérieurs.- Filatures -Son handicap lui a valu d’être confiné à des tâches subalternes et revendu de centre en centre, jusqu’au dernier, d’où il a réellement envoyé des messages à des gogos aux États-Unis, raconte-t-il. Une fois les victimes ferrées, il passait la main à des fraudeurs plus aguerris chargés de parachever l’ouvrage.Les centres fournissent à leurs petites mains des mémentos pour remplir leur tâche. Un texte de 26 pages suggère au fraudeur d’adopter le personnage d’Abby, une Japonaise de 35 ans en mal d’amour, pour séduire l’interlocuteur en ligne. “Je sens que nous sommes faits l’un pour l’autre”, peut dire Abby à son correspondant.C’est une industrie entourée d’une grande opacité, que les relations complexes de la Chine et de la Thaïlande avec le régime militaire birman et divers groupes, rebelles ou non, n’aident pas à dissiper. Beaucoup de ces groupes se livrent à l’exploitation minière et forestière et à la production de drogue.Les gangs emploient dans ces centres une main-d’œuvre quasiment réduite à l’esclavage aussi bien que des programmeurs qualifiés grassement payés, décrit David Scott Mathieson, grand connaisseur de la Birmanie, un ancien de Human Rights Watch.Les autorités chinoises traitent les personnes comme Sun comme des “suspects”. L’AFP a confirmé les principaux aspects de son récit en consultant plusieurs experts. Mais d’autres éléments ont été plus difficiles à corroborer. Les autorités thaïlandaises n’ont pas fourni d’informations.En Chine, les journalistes de l’AFP ont été suivis par plusieurs voitures banalisées alors qu’ils allaient voir Sun dans son village, à trois heures de la ville la plus proche, Lincang. Quelques minutes après le début de l’entretien, un groupe de fonctionnaires est arrivé pour, ont-ils expliqué, l’emmener “vérifier” qu’il allait bien. À son retour une demi-heure plus tard, il a refusé de s’exprimer davantage.Les semaines précédant son extraction du centre, Sun se demandait s’il arriverait à échapper un jour aux violences, aux menaces et aux corvées. “Je pensais à la possibilité (de mourir…) presque tous les jours”, confie-t-il.L’AFP a obtenu la copie d’un “contrat de travail” interdisant au personnel d’un centre de chatter ou de quitter son poste, et autorisant l’encadrement à “former” ceux qui enfreignent les règles.- Le désespoir des proches -La Chine met en garde ses citoyens depuis des années contre la cyberfraude, qu’il s’agisse des arnaques en ligne ou des offres d’emploi crapuleuses. Mais un flux constant de Chinois disparaît encore. Leurs proches se lancent désespérément à leur recherche, s’exposant eux-mêmes à de sombres agissements.Fang, originaire du Gansu, dans le nord-ouest de la Chine, raconte que son frère de 22 ans, en décrochage scolaire, s’est volatilisé en février dans le Yunnan, à la frontière birmane. Son frère avait probablement des soucis financiers et s’est rendu à Xishuangbanna, près de la frontière du Triangle d’Or, pour s’adonner au trafic d’or et de montres, pense-t-elle.Elle est à présent convaincue qu’il a été attiré là-bas et forcé de passer en Birmanie. Les relevés téléphoniques le localisent pour la dernière fois dans la région de Wa, bastion du groupe ethnique le plus important et le mieux armé de Birmanie.Comme d’autres membres de sa famille, elle se sent impuissante malgré ses appels à l’aide aux autorités chinoises. “C’est le petit dernier de la famille”, explique-t-elle. “Ma grand-mère, atteinte d’un cancer en phase terminale, pleure tous les jours à la maison.”Fang dit avoir rejoint sur la messagerie chinoise WeChat plusieurs groupes de personnes à la recherche de proches disparus près de la frontière avec la Birmanie. Elle a été approchée par des “sauveteurs” auto-proclamés lui proposant leurs services.L’AFP a contacté plus d’une douzaine de ces personnages faisant la promotion de leurs activités sur les plateformes Xiaohongshu et Kuaishou. Beaucoup semblaient avoir eux-mêmes travaillé dans les centres de cyberfraude et se prévalaient de leurs liens avec des trafiquants.Ils ont assuré pouvoir actionner des relais dans les centres ou parmi les “têtes de serpent”, des passeurs de mèche avec les centres. La plupart ont évoqué le paiement de rançons équivalant à des dizaines de milliers de dollars, en fonction du centre où se trouverait la personne disparue et d’éventuelles dettes qu’elle aurait auprès du gang.- Soudain sauvetage -Certains de ces “sauveteurs” ont affirmé ne pas prendre d’argent pour eux-mêmes. D’autres au contraire ont exposé clairement la part leur revenant et celle revenant à des intermédiaires.L’un d’eux, se présentant sous le nom de Li Chao, dit gagner des milliers de yuans par mois (1 yuan = 0,12 euro) en organisant des sauvetages au Cambodge – autre plaque tournante pour la fraude et le blanchiment – en repérant les camps et en escamotant les fugitifs en voiture de location. C’est un travail rémunérateur, mais “il y a aussi des risques pour moi”, déclare-t-il.Ling Li, chercheuse sur l’esclavage moderne aux commandes d’une ONG de lutte contre la traite des êtres humains, s’émeut que des gens comme Li Chao lui “compliquent” la tâche.Son organisation aide les familles à rechercher des travailleurs en Birmanie et au Cambodge en contactant la police et en négociant des rançons.De nombreux “sauveteurs” sont eux-mêmes des escrocs ou facturent des sommes faramineuses pour des extractions qui, souvent, ne se concrétisent jamais, déclare-t-elle. “Les familles peuvent facilement se faire rouler par des opportunistes.”Certains proches ont versé des milliers de yuans pour rien, abonde Fang. Les sauveteurs “prétendent avoir des relations, en réalité il ne s’agit que d’une arnaque de plus”, tranche-t-elle.Sun a été extrait le 12 février. Il réparait des téléphones ce matin-là quand un groupe d’hommes armés est arrivé et les a entassés, lui et des dizaines d’autres, dans des pickups qui les ont les conduits vers un camp de miliciens. Quelques heures après, il était dans un bateau pour la Thaïlande.”Jamais je n’aurais imaginé être sauvé aussi soudainement”, dit-il. Dix jours plus tard, on l’a embarqué dans un avion à destination de Nanjing, en Chine, encadré par des policiers.- “État ennemi” -Sun fait partie des milliers de personnes arrêtées lors de l’opération conjointe de février entre la Chine, la Thaïlande et deux anciens groupes rebelles karens à présent alliés à l’armée birmane parmi les différentes milices opérant autour de Myawaddy.Les fraudeurs sévissent dans un “environnement très permissif, avec l’autorisation des milices birmanes affiliées à la junte”, commente un récent rapport du groupe de réflexion Australian Strategic Policy Institute, en partie financé par le ministère de la Défense australien.Si de violents combats opposent souvent des groupes rivaux près des centres, ces derniers n’auraient jamais été touchés, note le rapport. Personne ne veut mettre en péril les “profits bruts générés par l’industrie de l’escroquerie”, ajoute-t-il.Pékin assure que son action témoigne de son engagement “résolu” à enrayer cette calamité. Mais Nathan Ruser, auteur du rapport de l’Australian Strategic Policy Institute, et d’autres experts, affirment que des opérations comme celle de février ne font que perturber temporairement les réseaux criminels.”Tant que la junte militaire de Rangoun favorisera et alimentera cette industrie, je pense que cela restera un jeu du chat et de la souris”, estime Nathan Ruser. De nouveaux centres “surgiront ailleurs”, prédit-il.Sun insiste sur le fait qu’il a été forcé de travailler dans les centres et n’a jamais escroqué personne. Traumatisé, épuisé et toujours en liberté sous caution, il trouve le “fardeau mental” de son calvaire difficile à supporter.Pékin n’a pas précisé comment il comptait traiter ceux qui ont travaillé dans les centres. Des experts font valoir que nombre d’entre eux minimisent leur implication pour échapper à la sanction.La société chinoise éprouve peu de compassion pour eux, quoi qu’ils aient fait, selon la chercheuse Ling Li. “On vous jugera pour votre cupidité et votre stupidité”, résume-t-elle.Mais les gouvernements ont fait preuve d’une “négligence insensée” face à la gravité du problème, accuse l’experte Erin West. “On nous vole la valeur d’une génération de richesse”, dénonce-t-elle. “Je ne sais pas comment nous allons y mettre fin. C’est devenu bien trop grand, comme un État ennemi”.isk-mjw-sjc-fg/lal/dp/ib/tmt

Milei chez Trump pour sceller l’aide financière américaine à l’Argentine

Le président ultralibéral argentin Javier Milei doit être reçu mardi à la Maison blanche par son allié idéologique Donald Trump pour sceller l’aide américaine annoncée il y a quelques jours, oxygène à la fois pour l’économie argentine et son président, malmenés à deux semaines d’une élection clef.Le Trésor américain a annoncé jeudi une aide financière, sous forme d’un échange bilatéral de devises, dit “swap”, pour 20 milliards de dollars, et d’une intervention américaine directe sur le marché des changes, pour acheter et soutenir un peso sous pression, soulageant les réserves de la Banque centrale argentine.L’annonce chiffrée, qu’avait précédé fin septembre une première promesse de soutien du Trésor de faire “tout le nécessaire”, a eu un effet dopant sur la monnaie argentine.Après une dégringolade la semaine dernière, il s’est raffermi juste après l’annonce de Scott Bessent, secrétaire américain au Trésor, et poursuit lundi sa remontée: à 1.370 pesos pour un dollar au taux officiel, contre 1.490 jeudi, soit un gain de plus de 8% en quatre jours.La présidence argentine n’a pas donné de détails sur la visite de M. Milei, qui voyageait lundi, autre qu’une réunion suivie d’un déjeuner de travail avec Donald Trump.Sans pour autant garantir d’annonces depuis Washington, Javier Milei a indiqué dans une interview radio lundi que “si certaines choses sont conclues, elles feront l’objet d’annonces. Sinon, ce sera pour plus tard”.Le soutien américain intervient à un moment critique pour Javier Milei. Dans quelques jours, le 26 octobre, il fait face à des législatives de mi-mandat indécises, qui vont déterminer sa marge de manœuvre parlementaire, sa capacité à gouverner pour ses deux ans restant de présidence. L’incertitude liée au scrutin -et au maintien ou non du cap d’austérité de Javier Milei- avait mis l’économie argentine, la 3e d’Amérique latine, à la merci de turbulences financières ces dernières semaines.- Encore une “passerelle” financière -“Les Etats-Unis ont perçu cette attaque contre l’Argentine, contre les idées de liberté, contre un allié stratégique, et c’est pourquoi ils nous ont apporté leur soutien”, a estimé M. Milei lundi.Pour l’économiste et ancien président de la Banque centrale Martin Redrado, il s’agit purement “d’une assistance financière, une nouvelle passerelle”, venant après l’aide du FMI en avril (prêt de 20 milliards), “qui apporte de la tranquillité financière d’ici à l’élection”.”Mais l’Argentine ne peut pas aller de passerelle en passerelle”, estime-t-il, d’où l’importance après l’élection “d’armer un programme législatif s’attaquant aux problèmes de production et d’emploi”, dans un pays à plus de 40% d’emploi informel, et où le formel ne croit plus depuis 2011.Au-delà de la probable empathie idéologique entre les deux présidents, la presse argentine se demandait ces derniers jours quelles pouvaient être les contreparties à l’aide américaine.Un accès privilégié d’investisseurs américains aux ressources minières argentines, tels le lithium, l’uranium ? Une prise de distance d’avec la Chine, l’imposant deuxième partenaire commercial de l’Argentine (après le Brésil) ? Un assouplissement du régime de changes ?Javier Milei, à plusieurs reprises, a nié que les Etats-Unis aient demandé la fin de l’accord d’échange de devises existant déjà entre l’Argentine et la Chine -et renouvelé en 2024- en contrepartie du swap avec les Etats-Unis.”C’est faux, ils ne l’ont pas demandé. La raison pour laquelle nous recevons ce soutien est géopolitique”, affirmait-il y a deux semaines.”Les Etats-Unis ont décidé d’être leader sur le continent américain”, a-t-il insisté lundi. Et dans ce cadre, ils “savent que nous sommes un véritable allié, pas de circonstance”.L’ambassade de Chine en Argentine a réagi ce week-end à des propos prêtés à Scott Bessent sur les relations entre l’Argentine et la Chine, estimant que les Etats-Unis “doivent comprendre que l’Amérique latine et les Caraïbes ne sont le jardin de personne”, et “ont le droit de choisir librement leurs partenaires”.Vendredi, la présidence argentine a annoncé que l’entreprise américaine OpenAI, créatrice de ChatGPT, a signé une lettre d’intention pour construire un mégacentre de données pour l’intelligence artificielle en Patagonie, un projet d’investissement de 25 milliards de dollars.

Milei chez Trump pour sceller l’aide financière américaine à l’Argentine

Le président ultralibéral argentin Javier Milei doit être reçu mardi à la Maison blanche par son allié idéologique Donald Trump pour sceller l’aide américaine annoncée il y a quelques jours, oxygène à la fois pour l’économie argentine et son président, malmenés à deux semaines d’une élection clef.Le Trésor américain a annoncé jeudi une aide financière, sous forme d’un échange bilatéral de devises, dit “swap”, pour 20 milliards de dollars, et d’une intervention américaine directe sur le marché des changes, pour acheter et soutenir un peso sous pression, soulageant les réserves de la Banque centrale argentine.L’annonce chiffrée, qu’avait précédé fin septembre une première promesse de soutien du Trésor de faire “tout le nécessaire”, a eu un effet dopant sur la monnaie argentine.Après une dégringolade la semaine dernière, il s’est raffermi juste après l’annonce de Scott Bessent, secrétaire américain au Trésor, et poursuit lundi sa remontée: à 1.370 pesos pour un dollar au taux officiel, contre 1.490 jeudi, soit un gain de plus de 8% en quatre jours.La présidence argentine n’a pas donné de détails sur la visite de M. Milei, qui voyageait lundi, autre qu’une réunion suivie d’un déjeuner de travail avec Donald Trump.Sans pour autant garantir d’annonces depuis Washington, Javier Milei a indiqué dans une interview radio lundi que “si certaines choses sont conclues, elles feront l’objet d’annonces. Sinon, ce sera pour plus tard”.Le soutien américain intervient à un moment critique pour Javier Milei. Dans quelques jours, le 26 octobre, il fait face à des législatives de mi-mandat indécises, qui vont déterminer sa marge de manœuvre parlementaire, sa capacité à gouverner pour ses deux ans restant de présidence. L’incertitude liée au scrutin -et au maintien ou non du cap d’austérité de Javier Milei- avait mis l’économie argentine, la 3e d’Amérique latine, à la merci de turbulences financières ces dernières semaines.- Encore une “passerelle” financière -“Les Etats-Unis ont perçu cette attaque contre l’Argentine, contre les idées de liberté, contre un allié stratégique, et c’est pourquoi ils nous ont apporté leur soutien”, a estimé M. Milei lundi.Pour l’économiste et ancien président de la Banque centrale Martin Redrado, il s’agit purement “d’une assistance financière, une nouvelle passerelle”, venant après l’aide du FMI en avril (prêt de 20 milliards), “qui apporte de la tranquillité financière d’ici à l’élection”.”Mais l’Argentine ne peut pas aller de passerelle en passerelle”, estime-t-il, d’où l’importance après l’élection “d’armer un programme législatif s’attaquant aux problèmes de production et d’emploi”, dans un pays à plus de 40% d’emploi informel, et où le formel ne croit plus depuis 2011.Au-delà de la probable empathie idéologique entre les deux présidents, la presse argentine se demandait ces derniers jours quelles pouvaient être les contreparties à l’aide américaine.Un accès privilégié d’investisseurs américains aux ressources minières argentines, tels le lithium, l’uranium ? Une prise de distance d’avec la Chine, l’imposant deuxième partenaire commercial de l’Argentine (après le Brésil) ? Un assouplissement du régime de changes ?Javier Milei, à plusieurs reprises, a nié que les Etats-Unis aient demandé la fin de l’accord d’échange de devises existant déjà entre l’Argentine et la Chine -et renouvelé en 2024- en contrepartie du swap avec les Etats-Unis.”C’est faux, ils ne l’ont pas demandé. La raison pour laquelle nous recevons ce soutien est géopolitique”, affirmait-il y a deux semaines.”Les Etats-Unis ont décidé d’être leader sur le continent américain”, a-t-il insisté lundi. Et dans ce cadre, ils “savent que nous sommes un véritable allié, pas de circonstance”.L’ambassade de Chine en Argentine a réagi ce week-end à des propos prêtés à Scott Bessent sur les relations entre l’Argentine et la Chine, estimant que les Etats-Unis “doivent comprendre que l’Amérique latine et les Caraïbes ne sont le jardin de personne”, et “ont le droit de choisir librement leurs partenaires”.Vendredi, la présidence argentine a annoncé que l’entreprise américaine OpenAI, créatrice de ChatGPT, a signé une lettre d’intention pour construire un mégacentre de données pour l’intelligence artificielle en Patagonie, un projet d’investissement de 25 milliards de dollars.

Mondial-2026: l’Italie reçoit Israël pour un duel crucial sous haute-surveillance

Quelques 10.000 manifestants propalestiniens sont attendus à Udine mardi pour un match de qualifications pour le Mondial-2026 entre l’Italie et Israël, crucial sur le plan sportif et sous haute-surveillance policière.Quatre jours après un Norvège-Israël (5-0) ayant donné lieu à des manifestations propalestiniennes à Oslo, les autorités italiennes se préparent à “une journée à risques”, a reconnu le ministre de l’Intérieur, Matteo Piantedosi.”Tous les matches sont à risques, mais risques ne signifient pas alarmisme, mais plutôt attention maximale”, a-t-il insisté.Quelques 1.000 policiers, appuyés par des hélicoptères et des drones, vont être déployés dont les rues d’Udine (nord-est), choisie pour son éloignement des grands centres urbains italiens où des centaines de milliers de personnes ont défilé début octobre en scandant “Stop au génocide”, et dont le maire a espéré jusqu’à la semaine dernière que le match soit délocalisé.Avant le coup d’envoi, même si la première phase du plan de paix à Gaza a été menée à bien avec la libération d’otages israéliens lundi, 10.000 manifestants sont attendus pour un défilé sous haute-surveillance à partir de 17h30 (15h30 GMT).Cette rencontre se disputera dans une ambiance particulière loin d’un match habituel des Azzurri: “un peu plus de 8.000 billets sur les 16.000 mis en vente” ont trouvé preneur, a précisé la Fédération italienne de football qui attend une centaine de supporters israéliens.- “Heureux de cette trêve” -Difficile pour le sélectionneur Gennaro Gattuso et ses joueurs de faire abstraction de ce contexte: “Nous sommes heureux qu’il y ait eu cette trêve, voir que des gens ont pu rentrer chez eux et retrouver leurs terres est quelque chose d’émouvant. Il y aura des gens qui vont manifester hors du stade, mais il y aura aussi des gens qui vont nos encourager dans le stade”, a-t-il expliqué.Son homologue israélien Ran Ben Shimon a simplement déclaré que son équipe et lui “était avec notre peuple”: “Tout ce qu’on peut faire c’est être concentré à 100% sur notre match pour donner de la joie aux nôtres”.Sur le plan sportif, ce match est capital pour l’Italie qui n’a pas participé aux deux dernières phases finales de la Coupe du monde (2018, 2022).A moins d’un improbable concours de circonstances, la Nazionale devra passer par les barrages pour participer à la Coupe du monde 2026.L’Italie a enchaîné trois victoires de suite, la dernière (3-1) en Estonie samedi, en marquant pas moins de treize buts, et s’est emparée de la deuxième place du groupe I, avec trois points d’avance sur Israël.Mais l’Amérique reste loin: les Azzurri, absents des deux dernières Coupes du monde, comptent six points de retard sur le leader norvégien (18 pts) qui a certes disputé un match en plus mais qui dispose d’une différence de buts nettement favorable (+26, contre +7 à l’Italie).- Forfait de Kean -Même si les quadruples champions du monde devaient réaliser un sans-faute, en remportant leurs trois derniers matches, dont la “finale” du groupe contre la Norvège le 16 novembre à San Siro, ils ne devraient pas décrocher la première place et la qualification directe pour la prochaine Coupe du monde.Gattuso, qui a succédé en juin à Luciano Spalletti remercié après la déroute d’Oslo (3-0), ne se fait plus guère d’illusions et vise désormais ouvertement la deuxième place.”On joue gros ce mardi, car si on gagne, on peut mettre Israël hors de l’équation pour les barrages et bien préparer ces barrages”, a estimé l’ancien milieu de terrain de l’AC Milan.Face à Israël, battue 5 à 4 au terme d’un match au scénario fou en septembre à Debrecen (Hongrie), “Rino” va être privé de Moise Kean, touché à la cheville droite contre l’Estonie dont le forfait a été officialisé lundi à la mi-journée.L’attaquant de la Fiorentina a marqué six buts lors de de ses quatre dernières apparitions en Azzurro. Mais le secteur offensif de la Nazionale, qui affichait ces dernières années un rendement famélique, est en plein renouveau, avec Mateo Retegui (quatre buts sous Gattuso), Giacomo Raspadori (deux buts en trois matches) ou encore le grand espoir Francesco Pio Esposito.