Les Bourses européennes ouvrent sans entrain

Les Bourses européennes évoluent sans véritable moteur mardi, gagnées par le climat d’attente autour des relations commerciales entre les Etats-Unis et l’Union européenne.Dans les premiers échanges, la Bourse de Paris perdait 0,17%, quand Francfort gagnait 0,08% et Londres 0,84%, tandis que Milan était stable à +0,02%.

Le Népalais Kami Rita Sherpa atteint le sommet de l’Everest pour la 31e fois, battant son propre record

L’alpiniste népalais Kami Rita Sherpa a atteint le sommet de l’Everest pour la 31e fois mardi, battant son propre record d’ascensions de la plus haute montagne au monde, a annoncé l’organisateur de son expédition.”Félicitations au légendaire Kami Rita Sherpa pour sa 31e ascension réussie de l’Everest, le plus grand nombre d’ascensions de l’histoire”, a déclaré dans un communiqué Seven Summit Treks.Guide de montagne depuis plus de 20 ans, Kami Rita Sherpa, actuellement âgé de 55 ans, s’est hissé pour la première fois sur le “Toit du monde”, culminant à 8.849 mètres d’altitude, en 1994. C’était pour une expédition commerciale.Depuis, il a atteint le sommet de l’Everest presque chaque année, guidant des clients.”Kami Rita Sherpa n’a plus besoin d’être présenté”, a déclaré mardi l’organisateur de son expédition. “Il n’est pas seulement un héros national de l’escalade, mais un symbole mondial de l’Everest lui-même”.En 2024, l’alpiniste népalais est monté deux fois au sommet de l’Everest, battant à chaque fois un nouveau record.- “Atteindre de nouveaux sommets” -“Je suis heureux de ce record, mais les records finissent par être battus”, avait-il déclaré à l’AFP le 12 mai 2024, après avoir atteint la cime de l’Everest pour la 29e fois.Seven Summit Treks a indiqué mardi qu’il guidait une expédition de l’armée indienne pour sa 31e ascension, soulignant qu’il avait “non seulement atteint le sommet lui-même, mais qu’il (avait) également conduit et guidé les derniers membres de l’équipe jusqu’au sommet”.Himal Gautam, directeur de la section alpinisme et aventure au sein du ministère du Tourisme népalais, a souligné que le record établi par Kami Rita Sherpa “contribue à permettre à l’alpinisme népalais d’atteindre de nouveaux sommets”.Surnommé “Monsieur Everest”, Kami Rita Sherpa est né en 1970 à Thame, un village de l’Himalaya, vivier d’alpinistes chevronnés.Il a grandi dans la vallée himalayenne à regarder son père, puis son frère, partir en expédition en tant que guides de montagne, avant de marcher sur leurs traces.En 2019, il était monté au sommet de l’Everest à deux reprises en l’espace de six jours.Un autre alpiniste népalais, Tashi Gyalzen Sherpa, 29 ans, est rentré mardi à Katmandou, la capitale du Népal, avec un record en poche.Il a réalisé 4 expéditions jusqu’au sommet de l’Everest en 15 jours, dont la dernière le 23 mai, selon 8K Expeditions.”Je suis fier — c’était un objectif très difficile,  mais j’ai réussi”, s’est félicité auprès de l’AFP Gyalzen Sherpa, à son retour à Katmandou, où sa famille et des fans de l’alpinisme étaient là pour l’accueillir. “Jusqu’à présent, des pionniers l’ont escaladé plusieurs fois, mais pas quatre fois en une saison”, a-t-il expliqué.- Plus de 1.100 permis -Cette année, Katmandou a accordé plus de 1.100 permis d’ascension pour la saison de printemps (avril-juin), dont 458 pour l’Everest, ce qui représente une manne financière de plus de 5 millions de dollars (4,38 millions d’euros) pour le pays.Plus de 500 alpinistes et leurs guides ont déjà atteint le sommet de l’Everest depuis le début de la saison des ascensions dans l’Himalaya, selon le département du tourisme du Népal. Cette année, le nombre de personnes décédées lors de l’ascension de l’Everest est moins élevé que les années précédentes.Deux alpinistes, un Philippin et un Indien, sont morts dans les camps de haute altitude.Kami Rita Sherpa compte d’autres sommets de plus de 8.000 mètres à son palmarès, dont le K2 au Pakistan, deuxième plus haute montagne au monde.Mi-mai, l’alpiniste britannique Kenton Cool, 51 ans, a gravi l’Everest pour la 19e fois, battant son propre record, celui de grimpeur non Népalais ayant réussi le plus grand nombre d’ascensions du sommet le plus haut de la planète.L’Everest a été officiellement vaincu pour la première fois le 29 mai 1953 par le Néo-Zélandais Sir Edmund Hillary et le sherpa népalais Tensing Norkay.L’année dernière, plus de 800 alpinistes l’ont atteint, dont 74 du côté nord du Tibet.

Au Ghana, le changement climatique met en péril villages et vestiges de l’esclavage

De grandes vagues salées viennent se briser chaque jour contre les ruines du Fort Prinzenstein, sur la côte ghanéenne, là où autrefois des murs épais retenaient des milliers d’Africains réduits en esclavage, avant leur périple à travers l’Atlantique.  Depuis des siècles, ce littoral porte le poids du commerce des esclaves africains vers le continent américain. Mais aujourd’hui, il succombe à la nature et à l’abandon, ses 550 km rongés par la montée du niveau de la mer et les activités humaines incontrôlées.Des villages disparaissent, emportant avec eux un patrimoine vieux de plusieurs siècles, et des activités côtières essentielles à l’économie ghanéenne (ports, pêche, pétrole et gaz) sont menacées.À quelques mètres du fort, Ernestina Gavor nettoie un verre derrière un bar.”J’espère que cela survivra encore quelques années”, déclare-t-elle à l’AFP, dans ce restaurant dont les recettes repose essentiellement sur l’afflux de touristes.Le Fort Prinzenstein, un comptoir colonial fortifié construit par les Danois à la fin du 18e siècle et aujourd’hui inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO, fait partie des sites les plus menacés sur la côte ghanéenne.James Akorli, son gardien depuis 24 ans, a vu le golfe de Guinée ronger sa structure et ses souvenirs.Autrefois, la côte était à environ six kilomètres du fort, raconte-t-il. Le village dans lequel il est né, et que sa famille a dû quitter en 1984, a également été englouti.Aujourd’hui, seulement 10% du fort originel subsiste.Les cachots qui abritaient des femmes esclaves sont encore visibles, mais ceux des hommes ont disparu sous l’effet de l’érosion côtière.”Ce fort avait une grande importance”, raconte M. Akorli à l’AFP. “Maintenant, nous perdons tout, notre histoire, nos maisons et nos moyens de subsistance”.- Mur de défense -Les châteaux et forts du Ghana, en particulier ceux de Cape Coast et d’Elmina, attirent chaque année des milliers de visiteurs, principalement des Afro-américains cherchant à renouer avec leur héritage ancestral.Selon Chris Gordon, professeur et spécialiste de l’environnement à l’Université du Ghana, le prix des travaux nécessaires pour protéger les vestiges de l’esclavage et les habitations dépasse largement les moyens actuels du pays.”Il vous faudrait les types de protections côtières qu’ils ont aux Pays-Bas”, explique-t-il à l’AFP.Samuel Yevu, 45 ans, fait partie des déplacées récents, après que des vagues déferlantes ont dévasté son village de Fuvemeh en mars dernier.”Avant, nous avions des cocotiers, des filets de pêche, tout. Maintenant, tout est parti”, raconte Yevu, dont la famille dort depuis dans une salle de classe d’école.En 2000, le Ghana a lancé un projet de mur de défense contre la mer de 100 millions de dollars pour protéger des communautés comme Keta, où se trouve le Fort Prinzenstein. Si ce projet a sauvé la ville, il a déplacé l’érosion vers l’est, dévastant des villages comme Agavedzi et Aflao.Des interventions à court terme, comme l’édification de digues et de murs, peuvent aggraver l’érosion en redirigeant l’énergie de l’océan vers d’autres zones, avertissent les experts.Selon une étude de l’Université du Ghana, le pays pourrait perdre des monuments clés comme le château de Christiansborg et le mausolée de Kwame Nkrumah dans les décennies à venir si rien n’est fait.La disparition progressive du Fort Prinzenstein est particulièrement marquante en raison de son rôle unique dans la région dans la traite transatlantique. Les esclaves en provenance de plusieurs zones d’Afrique de l’Ouest étaient marqués, triés et expédiés depuis ce comptoir, même après que la Grande-Bretagne a interdit la traite des esclaves en 1807.”C’est le seul fort de la région du Volta. Ni le Togo, ni le Bénin, ni le Nigeria n’en ont”, souligne son gardien James Akorli.-  “Comme perdre un cimetière” -Au fort de Cape Coast, un guide touristique redoute de voir ce site subir le même sort.”Si ce fort disparaît, ce sera comme perdre un cimetière de millions de personnes. Ce n’est pas juste l’histoire du Ghana, c’est l’histoire du monde”,  explique-t-il, en souhaitant garder l’anonymat. Pour Edmond Moukala, représentant de l’UNESCO au Ghana, le problème majeur n’est pas l’érosion, mais la négligence.”S’il y avait eu un entretien régulier, nous ne serions pas témoins de cette détérioration sévère. Ces bâtiments étaient censés durer des siècles. Mais la négligence, le développement urbain et le vandalisme ont détruit beaucoup d’entre eux”, estime M. Moukala.A Keta, James Akorli lance un appel pressant aux autorités: “Elles doivent intervenir de toute urgence, restaurer ce fort pour stimuler les visites, afin que nos frères de la diaspora ne perdent pas leurs racines”.strs/ks/emd

Le russe LockBit, ex-leader mondial de la cybercriminalité: anatomie d’une chute

Qui a voulu la peau de LockBit, prestataire majeur de la cybercriminalité mondiale? Son intenable fondateur russe est-il libre, détenu, mort? A quel jeu trouble se livre le Kremlin avec les cyber-escrocs, aux confins entre dark web et monde réel?Le 7 mai dernier, LockBit a été victime d’un craquage de son système et du vol d’une partie de ses données. Une humiliation pour l’ex-numéro un mondial du rançongiciel, ces logiciels malveillants qui pénètrent dans le système d’une entreprise, pillent ses contenus et permettent d’extorquer de l’argent à ses propriétaires.Sur son site est apparu un message moqueur: “Don’t do crime, crime is bad, xoxo from Prague” (Ne commettez pas de crime, le crime, c’est mal. Bisous de Prague). Depuis, dans le petit monde de la cyber threat intelligence (renseignement sur la menace cyber, CTI), l’anecdote fait ricaner et réfléchir.Car LockBit a été un grand prestataire de services, indispensable à ses “affiliés”, les rançonneurs eux-mêmes. Il fournissait notamment les logiciels d’attaque, le chiffrage pour approcher les victimes, l’hébergement des données volées, les méthodes de blanchiment.Comme un intermédiaire qui fournirait passeports, armes à feu et voiture à un groupe terroriste. Sauf que la transaction se règle en cryptomonnaies et qu’il n’y a ni patronyme, ni visage apparent, ni contact physique.Damien Bancal, expert en cybercriminalité depuis plus de 30 ans, pose le décor.Une crise comme celle-là secoue le milieu tout entier et provoque une multitude de commentaires et de dialogues, sur internet ou sur le dark, qui “permettent d’entrevoir les manipulations auxquelles ils (LockBit et les autres groupes, ndlr) se livrent ou dont ils font l’objet, qu’elles soient financières, techniques ou géopolitiques”, explique-t-il à l’AFP.- “Une marque” -En 2023, LockBit était à l’origine de 44% des attaques par rançongiciel dans le monde, selon l’expert. Pourchassé par les polices occidentales, il subit une première vague d’arrestations, coordonnée par Londres et Washington, dans une dizaine de pays en février 2024, qui écorne sa crédibilité.En France, la section de lutte contre la cybercriminalité du parquet de Paris a ouvert une enquête contre LockBit, ainsi que plusieurs dossiers distincts impliquant des affiliés et des membres d’autres groupes cybercriminels.Rien qu’en 2024, la section a été saisie de plaintes sur 450 attaques par rançongiciels, parmi lesquels LockBit était le groupe le plus actif. “LockBit, c’était vraiment une marque”, confirme à l’AFP le parquet de Paris.La toute récente intrusion sauvage – et étrangement non revendiquée – dans le système de la bête à moitié morte a fini de l’achever.”LockBit était le numéro un. Aujourd’hui, il était en mode survie et a encore subi un coup avec cette divulgation”, explique Vincent Hinderer, en charge de la CTI chez Orange Cyberdéfense (OCD).Son activité persiste tant bien que mal. Mais l’observation des discussions en ligne, négociations et portefeuilles de monnaie virtuelle montrent des “attaques avec des petites rançons, donc un retour sur investissement relativement faible”.- Mafia 3.0 -Dans l’univers de la cybercriminalité, les rapports de force peuvent basculer en l’espace d’un double-clic. “Certains groupes obtiennent une position dominante puis tombent en désuétude”, explique Vincent Hinderer. “Conti était leader, puis LockBit, puis RansomHub. Aujourd’hui, d’autres reprennent le leadership”.”On peut faire un parallèle avec l’antiterrorisme”, admet un fonctionnaire français de la cyberdéfense, sous couvert de l’anonymat. “On coupe une tête, d’autres repoussent”.Première certitude: le secteur est dominé par le monde russe. Dans le top 10 des prestataires du cybercrime, “il y a deux groupes chinois, tout les autres sont russophones, la plupart encore physiquement localisés en Russie ou ses satellites”, assure une pointure du domaine opérant dans le secteur privé, qui lui aussi requiert l’anonymat.Vendredi, Europol et Eurojust ont revendiqué un nouveau coup de filet. Vingt mandats d’arrêt visant “en grande majorité des ressortissants russes”, selon le parquet général de Francfort et la police fédérale allemande. 300 serveurs mis hors service, dont 50 se trouvaient en Allemagne. Saisie de 3,5 millions d’euros en cryptomonnaies.Deuxième certitude: l’Etat russe joue un jeu complexe avec ces gangs. Le fonctionnaire français décrit ainsi la “porosité avec les services de l’Etat” de cette “mafia 3.0″.”On ne peut pas dire que les groupes soient commandités par l’Etat russe, mais la complaisance et l’impunité dont ils bénéficient suffisent à le rendre complice”.- Wanted: 10 millions de dollars -La fuite des données de LockBit, abondamment commentée par la communauté des cyber-observateurs a permis d’apprendre qu’un de ses affiliés avait attaqué une ville russe de 50.000 habitants.Mauvaise pioche: son fondateur, un certain Dimitri Khorochev, vit en Russie. Or, “on n’attaque pas dans son propre pays si on ne veut pas avoir de soucis judiciaires”, résume Vincent Hinderer.LockBit a immédiatement proposé à la municipalité attaquée un logiciel de décryptage, comme un antidote au poison qui la rongeait. Mais ce dernier n’a pas fonctionné. “C’est remonté au FSB qui a réglé le problème” en catimini, assure le fonctionnaire français.La même source évoque aussi le cas de Maxime Yakubets, membre du groupe Evil Corp, recherché par Washington et qui affiche sans vergogne une somptueuse collection de voitures de luxe, avec des immatriculations dont certaines lettres sont réservées en principe aux fonctionnaires de haut rang.Quant à Khorochev, sa tête est mise à prix pour 10 millions de dollars par le département d’Etat américain. En avril 2024, le site du ministère affichait la photo de ce Russe fringant de 32 ans, visage fin et regard acéré. Mais son poids, sa taille, la couleur de ses cheveux et de ses yeux étaient décrits comme inconnus.”Depuis janvier 2020, LockBit a mené des attaques contre plus de 2.500 victimes à travers le monde, dont environ 1.800 aux États-Unis, (…) recevant au moins 150 millions de dollars en paiements de rançon effectués sous forme de monnaie numérique”, précisait le département d’Etat.Une somme qui, selon les experts, ne représente que sa seule part du butin, soit 20% des volumes dégagés par les intrusives opérations de ses affiliés. Le jeune trublion est, de fait, sous sanction du Trésor américain.On le sait grandiloquent, provocateur, égocentré, comme lorsqu’il offre de l’argent à qui tatouera son logo sur son corps, ou à qui trouvera une faille dans son serveur. – “Tu vas travailler pour nous” -Pour le reste, mystère absolu. “Tant qu’il ne sort pas de Russie, il ne sera pas arrêté”, tranche l’expert du secteur privé. Mais “on n’est pas sûr qu’il soit vivant”.Toutes les sources interrogées par l’AFP décrivent le comportement ambivalent des autorités russes, entre surveillance en bride courte, laxisme calculé et manipulation politique.”L’Etat russe laisse faire les groupes, il est très content de cette forme de harcèlement continu” auquel les cybercriminels se livrent, assure le même expert. Surtout lorsqu’ils ciblent l’Ukraine ou des pays occidentaux.Damien Bancal cite le cas de Sodinokibi, un groupe de pirates informatiques, aussi connu sous le nom de REvil, démantelé en janvier 2022.”Le FBI (police fédérale américaine) avait donné un coup de main au FSB pour arrêter le groupe. Lors des arrestations, ils avaient trouvé des lingots d’or et leurs matelas étaient remplis de billets”, raconte-t-il.Depuis, l’invasion russe en Ukraine est passée par là, et “plus personne ne coopère avec qui que ce soit”.Interrogé par l’AFP lundi sur l’existence d’une demande officielle par Washington d’informations sur Dimitri Khorochev, le porte-parole du Kremlin Dmitri Peskov a déclaré ne disposer d'”aucune information”.Selon lui, “des contacts existent entre les services spéciaux (russe et américain, ndlr). Mais on ne peut pas parler pour l’heure d’une coopération d’ampleur”.De fait, Moscou tire largement profit de ces extorsions. “Arrêter aujourd’hui des rançonneurs, des professionnels de la prise d’otage d’entreprises, c’est mettre la main sur toutes les données qu’ils ont pu voler. C’est une manne providentielle”, explique Damien Bancal.Outre l’argent liquide et les cryptomonnaies, “ce sont des dizaines, si ce n’est des centaines de millions d’informations, qui ont été volées aux entreprises par des groupes de rançongiciels”, dit-il. En novembre 2024 est entrée en vigueur une loi russe permettant l’usage de cryptomonnaies comme moyen de contournement des sanctions occidentales, tout en encadrant strictement leur fabrication. Le texte prévoit que seules des entreprises inscrites dans un registre spécial ont le droit d’en produire massivement.Mais la répression est à géométrie variable. En août dernier, un cybercriminel russe a été rendu à son pays lors d’un échange de prisonniers avec plusieurs pays occidentaux.Et si la justice russe juge régulièrement des hackeurs à des peines de prison, Damien Bancal suppute un rapport de force loin du strict cadre légal: “Je t’arrête, je te fais quelques câlins à la mode russe et je te libère. Mais tu vas travailler pour nous”, résume-t-il. Les criminels jouent le jeu, contraints et forcés, parfois satisfaits de servir la patrie en étant passés “du bon côté de la force”.Le fondateur de LockBit, Dimitri Khorochev – ou quiconque se ferait passer pour lui – essaye pour sa part de rester debout. Il a d’abord minimisé l’importance des données piratées le 7 mai. Et offert une récompense à qui l’aiderait à retrouver son tourmenteur.”Donnez des infos sur lui, qui il est — je paierai si l’info est authentique”, a-t-il écrit sur son site. En attendant, bon baisers de Prague.burs-dla/dab/sva/cls 

Le russe LockBit, ex-leader mondial de la cybercriminalité: anatomie d’une chute

Qui a voulu la peau de LockBit, prestataire majeur de la cybercriminalité mondiale? Son intenable fondateur russe est-il libre, détenu, mort? A quel jeu trouble se livre le Kremlin avec les cyber-escrocs, aux confins entre dark web et monde réel?Le 7 mai dernier, LockBit a été victime d’un craquage de son système et du vol d’une partie de ses données. Une humiliation pour l’ex-numéro un mondial du rançongiciel, ces logiciels malveillants qui pénètrent dans le système d’une entreprise, pillent ses contenus et permettent d’extorquer de l’argent à ses propriétaires.Sur son site est apparu un message moqueur: “Don’t do crime, crime is bad, xoxo from Prague” (Ne commettez pas de crime, le crime, c’est mal. Bisous de Prague). Depuis, dans le petit monde de la cyber threat intelligence (renseignement sur la menace cyber, CTI), l’anecdote fait ricaner et réfléchir.Car LockBit a été un grand prestataire de services, indispensable à ses “affiliés”, les rançonneurs eux-mêmes. Il fournissait notamment les logiciels d’attaque, le chiffrage pour approcher les victimes, l’hébergement des données volées, les méthodes de blanchiment.Comme un intermédiaire qui fournirait passeports, armes à feu et voiture à un groupe terroriste. Sauf que la transaction se règle en cryptomonnaies et qu’il n’y a ni patronyme, ni visage apparent, ni contact physique.Damien Bancal, expert en cybercriminalité depuis plus de 30 ans, pose le décor.Une crise comme celle-là secoue le milieu tout entier et provoque une multitude de commentaires et de dialogues, sur internet ou sur le dark, qui “permettent d’entrevoir les manipulations auxquelles ils (LockBit et les autres groupes, ndlr) se livrent ou dont ils font l’objet, qu’elles soient financières, techniques ou géopolitiques”, explique-t-il à l’AFP.- “Une marque” -En 2023, LockBit était à l’origine de 44% des attaques par rançongiciel dans le monde, selon l’expert. Pourchassé par les polices occidentales, il subit une première vague d’arrestations, coordonnée par Londres et Washington, dans une dizaine de pays en février 2024, qui écorne sa crédibilité.En France, la section de lutte contre la cybercriminalité du parquet de Paris a ouvert une enquête contre LockBit, ainsi que plusieurs dossiers distincts impliquant des affiliés et des membres d’autres groupes cybercriminels.Rien qu’en 2024, la section a été saisie de plaintes sur 450 attaques par rançongiciels, parmi lesquels LockBit était le groupe le plus actif. “LockBit, c’était vraiment une marque”, confirme à l’AFP le parquet de Paris.La toute récente intrusion sauvage – et étrangement non revendiquée – dans le système de la bête à moitié morte a fini de l’achever.”LockBit était le numéro un. Aujourd’hui, il était en mode survie et a encore subi un coup avec cette divulgation”, explique Vincent Hinderer, en charge de la CTI chez Orange Cyberdéfense (OCD).Son activité persiste tant bien que mal. Mais l’observation des discussions en ligne, négociations et portefeuilles de monnaie virtuelle montrent des “attaques avec des petites rançons, donc un retour sur investissement relativement faible”.- Mafia 3.0 -Dans l’univers de la cybercriminalité, les rapports de force peuvent basculer en l’espace d’un double-clic. “Certains groupes obtiennent une position dominante puis tombent en désuétude”, explique Vincent Hinderer. “Conti était leader, puis LockBit, puis RansomHub. Aujourd’hui, d’autres reprennent le leadership”.”On peut faire un parallèle avec l’antiterrorisme”, admet un fonctionnaire français de la cyberdéfense, sous couvert de l’anonymat. “On coupe une tête, d’autres repoussent”.Première certitude: le secteur est dominé par le monde russe. Dans le top 10 des prestataires du cybercrime, “il y a deux groupes chinois, tout les autres sont russophones, la plupart encore physiquement localisés en Russie ou ses satellites”, assure une pointure du domaine opérant dans le secteur privé, qui lui aussi requiert l’anonymat.Vendredi, Europol et Eurojust ont revendiqué un nouveau coup de filet. Vingt mandats d’arrêt visant “en grande majorité des ressortissants russes”, selon le parquet général de Francfort et la police fédérale allemande. 300 serveurs mis hors service, dont 50 se trouvaient en Allemagne. Saisie de 3,5 millions d’euros en cryptomonnaies.Deuxième certitude: l’Etat russe joue un jeu complexe avec ces gangs. Le fonctionnaire français décrit ainsi la “porosité avec les services de l’Etat” de cette “mafia 3.0″.”On ne peut pas dire que les groupes soient commandités par l’Etat russe, mais la complaisance et l’impunité dont ils bénéficient suffisent à le rendre complice”.- Wanted: 10 millions de dollars -La fuite des données de LockBit, abondamment commentée par la communauté des cyber-observateurs a permis d’apprendre qu’un de ses affiliés avait attaqué une ville russe de 50.000 habitants.Mauvaise pioche: son fondateur, un certain Dimitri Khorochev, vit en Russie. Or, “on n’attaque pas dans son propre pays si on ne veut pas avoir de soucis judiciaires”, résume Vincent Hinderer.LockBit a immédiatement proposé à la municipalité attaquée un logiciel de décryptage, comme un antidote au poison qui la rongeait. Mais ce dernier n’a pas fonctionné. “C’est remonté au FSB qui a réglé le problème” en catimini, assure le fonctionnaire français.La même source évoque aussi le cas de Maxime Yakubets, membre du groupe Evil Corp, recherché par Washington et qui affiche sans vergogne une somptueuse collection de voitures de luxe, avec des immatriculations dont certaines lettres sont réservées en principe aux fonctionnaires de haut rang.Quant à Khorochev, sa tête est mise à prix pour 10 millions de dollars par le département d’Etat américain. En avril 2024, le site du ministère affichait la photo de ce Russe fringant de 32 ans, visage fin et regard acéré. Mais son poids, sa taille, la couleur de ses cheveux et de ses yeux étaient décrits comme inconnus.”Depuis janvier 2020, LockBit a mené des attaques contre plus de 2.500 victimes à travers le monde, dont environ 1.800 aux États-Unis, (…) recevant au moins 150 millions de dollars en paiements de rançon effectués sous forme de monnaie numérique”, précisait le département d’Etat.Une somme qui, selon les experts, ne représente que sa seule part du butin, soit 20% des volumes dégagés par les intrusives opérations de ses affiliés. Le jeune trublion est, de fait, sous sanction du Trésor américain.On le sait grandiloquent, provocateur, égocentré, comme lorsqu’il offre de l’argent à qui tatouera son logo sur son corps, ou à qui trouvera une faille dans son serveur. – “Tu vas travailler pour nous” -Pour le reste, mystère absolu. “Tant qu’il ne sort pas de Russie, il ne sera pas arrêté”, tranche l’expert du secteur privé. Mais “on n’est pas sûr qu’il soit vivant”.Toutes les sources interrogées par l’AFP décrivent le comportement ambivalent des autorités russes, entre surveillance en bride courte, laxisme calculé et manipulation politique.”L’Etat russe laisse faire les groupes, il est très content de cette forme de harcèlement continu” auquel les cybercriminels se livrent, assure le même expert. Surtout lorsqu’ils ciblent l’Ukraine ou des pays occidentaux.Damien Bancal cite le cas de Sodinokibi, un groupe de pirates informatiques, aussi connu sous le nom de REvil, démantelé en janvier 2022.”Le FBI (police fédérale américaine) avait donné un coup de main au FSB pour arrêter le groupe. Lors des arrestations, ils avaient trouvé des lingots d’or et leurs matelas étaient remplis de billets”, raconte-t-il.Depuis, l’invasion russe en Ukraine est passée par là, et “plus personne ne coopère avec qui que ce soit”.Interrogé par l’AFP lundi sur l’existence d’une demande officielle par Washington d’informations sur Dimitri Khorochev, le porte-parole du Kremlin Dmitri Peskov a déclaré ne disposer d'”aucune information”.Selon lui, “des contacts existent entre les services spéciaux (russe et américain, ndlr). Mais on ne peut pas parler pour l’heure d’une coopération d’ampleur”.De fait, Moscou tire largement profit de ces extorsions. “Arrêter aujourd’hui des rançonneurs, des professionnels de la prise d’otage d’entreprises, c’est mettre la main sur toutes les données qu’ils ont pu voler. C’est une manne providentielle”, explique Damien Bancal.Outre l’argent liquide et les cryptomonnaies, “ce sont des dizaines, si ce n’est des centaines de millions d’informations, qui ont été volées aux entreprises par des groupes de rançongiciels”, dit-il. En novembre 2024 est entrée en vigueur une loi russe permettant l’usage de cryptomonnaies comme moyen de contournement des sanctions occidentales, tout en encadrant strictement leur fabrication. Le texte prévoit que seules des entreprises inscrites dans un registre spécial ont le droit d’en produire massivement.Mais la répression est à géométrie variable. En août dernier, un cybercriminel russe a été rendu à son pays lors d’un échange de prisonniers avec plusieurs pays occidentaux.Et si la justice russe juge régulièrement des hackeurs à des peines de prison, Damien Bancal suppute un rapport de force loin du strict cadre légal: “Je t’arrête, je te fais quelques câlins à la mode russe et je te libère. Mais tu vas travailler pour nous”, résume-t-il. Les criminels jouent le jeu, contraints et forcés, parfois satisfaits de servir la patrie en étant passés “du bon côté de la force”.Le fondateur de LockBit, Dimitri Khorochev – ou quiconque se ferait passer pour lui – essaye pour sa part de rester debout. Il a d’abord minimisé l’importance des données piratées le 7 mai. Et offert une récompense à qui l’aiderait à retrouver son tourmenteur.”Donnez des infos sur lui, qui il est — je paierai si l’info est authentique”, a-t-il écrit sur son site. En attendant, bon baisers de Prague.burs-dla/dab/sva/cls 

Près de Bordeaux, ils construisent une “cathédrale” gothique avec les techniques médiévales

Construire près de Bordeaux une chapelle romane, un cloître puis un édifice gothique de type cathédrale, avec les techniques du Moyen-Age, le tout en quarante ans, c’est le pari “fou” d’une association qui mise sur la dimension sociale du projet.Sur un grand terrain verdoyant de la Lande-de-Fronsac (Gironde), des moutons broutent, imperturbables, non loin d’une poignée d’hommes et de femmes en tenue médiévale qui préparent du torchis à l’aide de grandes pelles.”Bienvenue au XIe siècle, dans le chantier médiéval de Guyenne (ancienne province du sud-ouest de la France, ndlr) où on va retracer l’épopée des bâtisseurs de cathédrales et raconter 300, 400 ans d’évolution de l’architecture en 40 ans”, s’enthousiasme Valéry Ossent, ingénieur en BTP de 43 ans à l’origine du projet.  “Aujourd’hui on fait beaucoup de restauration de patrimoine, parfois en un temps record, avec de la haute technicité. Moi, ce qui m’intéressait, c’était de construire du neuf avec les techniques anciennes”, explique ce passionné des métiers du patrimoine.Il invite à se projeter en l’an 1025, le premier âge roman, lorsqu’une communauté de moines vient construire une chapelle sur ce terrain.Un an et demi après le début du chantier, les murs de ce bâtiment en pierre et torchis atteignent déjà 1,5 m de hauteur.- “Reprendre le temps” -“Au XIe siècle, on fait en fonction des moyens et des cailloux disponibles. Comme un Lego géant”, sourit Frédéric Thibault, tailleur de pierre de 51 ans qui dirige le chantier et la centaine de bénévoles ponctuels ou réguliers.”On renoue avec des gestes très simples, et le manque de professionnalisme des bénévoles est passionnant, car il nous permet de retrouver cette naïveté des bâtisseurs de l’époque. Ce qu’il faut, c’est apprendre à désapprendre”, insiste ce compagnon, perpendicule (outil basé sur un fil à plomb pour donner la verticalité, ndlr) à la main.Après la chapelle, un cloître avec ses différentes galeries sera construit, puis un grand édifice gothique qui ressemblera aux cathédrales de cette époque, avec vitraux, voûtes en croisée d’ogives, rosaces et gargouilles.Comme il existe très peu de manuscrits datant du XIe siècle, l’association est soutenue par un comité scientifique, dont la plupart des membres ont travaillé sur le chantier de Notre-Dame.Au-delà de “l’immense défi technique”, “ça fait du bien de reprendre le temps, pour parler de beauté et capitaliser les savoirs pour les transmettre aux générations futures”, souligne M. Ossent.Une “dimension sociale” est aussi venue progressivement se greffer au projet. “Quand on s’implante dans un territoire sur des dizaines d’années, il faut faire profiter les habitants, notamment les publics fragiles”, explique le quadragénaire qui a décidé d’en faire un “chantier d’insertion”, en embauchant des chômeurs, formés sur place.- “Le chemin parcouru” -L’association accueille également sur le chantier des personnes handicapées, des repris de justice, des mineurs isolés, “et le lien social qui se crée ici est déjà une réussite en soi”, estime-t-il.Les bénévoles ont déjà construit une loge d’habitation en terre et paille, une forge, un tour à bois, un jardin médiéval avec plus de 70 espèces de plantes médicinales et aromatiques. Et préparent la loge des menuisiers, le four à pain ou encore un poulailler.”Quand on arrive ici, on plonge dans un autre monde, loin du XXIe siècle. C’est une grande parenthèse qui fait du bien, nous permet de nous couper momentanément des soucis d’un quotidien où tout va trop vite”, estime une bénévole, Corine Tanquerel.”C’est passionnant de pouvoir participer à un projet où je suis utile, laisser quelque chose derrière moi, même si je n’en verrai pas la fin”, ajoute la sexagénaire, qui a fabriqué elle-même sa tenue médiévale.”La +fin+ du chantier n’est pas le but. C’est le chemin parcouru pour y arriver qui nous intéresse”, abonde Valéry Ossent, pour qui l’un des plus importants défis sera d’assurer le financement.Aujourd’hui, les pouvoirs publics contribuent à hauteur de 10% du budget annuel actuel de 300.000 euros; le reste est financé par du mécénat d’entreprises ou de particuliers. L’objectif à terme est de réunir 1,5 million d’euros par an.