Pour remporter l’élection présidentielle américaine, Kamala Harris insiste sur sa défense du droit à l’avortement, Donald Trump sur son rejet de l’immigration. Un duel idéologique poussé à son paroxysme en Arizona, où chacun de ces sujets brûlants fait l’objet d’un référendum.Le moindre bulletin va compter dans cet Etat clé du sud-ouest, où le milliardaire républicain a perdu avec moins de 10.500 voix d’écart en 2020 face à Joe Biden.Des centaines de volontaires en t-shirt orange sillonnent donc les rues de Tucson pour convaincre les électeurs d’approuver une mesure qui inscrirait le droit à l’avortement dans la Constitution locale… et par la même occasion, de voter pour la vice-présidente démocrate.”Donald Trump et les républicains ont créé une crise de santé publique dans ce pays”, peste Grace Ireland, jeune militante de 26 ans. “Les démocrates et Kamala Harris essaient de nous faire avancer, de protéger la santé des femmes.”Depuis que la Cour suprême a annulé la garantie fédérale du droit à l’IVG en 2022, cette infirmière a travaillé dans plusieurs Etats où l’avortement est interdit ou restreint. Avec des conséquences dramatiques lors de grossesses non viables ou dangereuses, face auxquelles des médecins refusent d’intervenir.”Des femmes se retrouvent en état de septicémie et meurent parce qu’elles ne peuvent pas recevoir les soins dont elles ont besoin”, rappelle-t-elle à l’AFP.- “Meurtre” -Dans ses opérations de porte-à-porte, Grace Ireland cible particulièrement les jeunes, moins susceptibles de voter, en insistant sur la responsabilité de l’ex-président républicain, qui a nommé les juges conservateurs de la Cour suprême ayant permis ce bouleversement.Mais à Tucson, métropole de l’Etat du Grand Canyon, la jeunesse est loin d’être unanime.”Je pense vraiment que l’avortement est un meurtre”, lâche Pedro Lopez sur le campus de l’université. Pour cet étudiant latino-américain, “il y a des cas d’inceste et de viol” méritant des exceptions, “mais ils sont très rares”.A 20 ans, il s’inquiète surtout de l’afflux record de migrants enregistré sous l’administration Biden-Harris à la frontière avec le Mexique, à une heure de route. “Les personnes qui entrent illégalement (…) devraient être renvoyées d’où elles viennent”, estime-t-il. “Mes grands-parents ont émigré du Mexique vers les Etats-Unis et ils l’ont fait de la bonne manière.”Le jeune homme votera donc non seulement pour Donald Trump, mais aussi en faveur du référendum local qui propose d’autoriser la police d’Arizona à arrêter les migrants “illégaux”. Une compétence normalement réservée à la police aux frontières, dépendante du gouvernement fédéral.”Je connais des gens qui travaillent pour la police aux frontières et ils sont vraiment contrariés parce que l’administration actuelle leur a vraiment lié les mains”, juge-t-il. “Ils ne peuvent pas faire leur travail.”- Influence complexe -Les deux référendums représentent une opportunité pour chaque camp d’attirer plus d’électeurs aux urnes. Mais leur influence sur la course à la Maison Blanche reste bien plus complexe que ce que Grace Ireland et Pedro Lopez laissent entrevoir.Les sondages donnent toujours Donald Trump et Kamala Harris au coude-à-coude en Arizona, avec un léger avantage pour le républicain. En revanche, les deux référendums bénéficient d’un assez net soutien, qui semble garantir à chacun d’être approuvé.Cela montre que la défense de l’avortement “n’aide pas les démocrates autant qu’ils l’espéreraient”, explique à l’AFP Jenny Brian, professeure de bioéthique à l’université d’Etat d’Arizona (ASU).De nombreuses femmes républicaines vont voter pour garantir le droit à l’avortement localement, tout en restant fidèles à Donald Trump, selon elle. Car l’identité conservatrice est structurée par l’opposition à “l’ingérence gouvernementale”.Le débat autour de l’IVG “est souvent résumé à une opposition entre démocrates et républicains. Mais au sein du Parti républicain, il existe un large éventail d’opinions sur l’avortement”, rappelle-t-elle.De la même manière, le soutien au référendum sur l’immigration “transcende les républicains pro-Trump, pour s’étendre aux électeurs modérés et même à certains démocrates”, assure John Kavanagh, élu local conservateur.A 74 ans, ce républicain parie que cette demande de fermeté bénéficiera à Donald Trump. Et moque la quasi-fermeture de la frontière instaurée ces derniers mois par Joe Biden, que Kamala Harris a promis de poursuivre.La vice-présidente “fuit sa politique d’ouverture des frontières plus rapidement qu’un immigrant clandestin qui détale devant la police”, tacle-t-il.
Tue, 29 Oct 2024 06:22:11 GMT