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Lecornu reconduit à Matignon au risque de la censure

Emmanuel Macron a choisi vendredi soir de reconduire le Premier ministre Sébastien Lecornu, démissionnaire depuis lundi, un scénario très critiqué jusque dans son propre camp, qui laisse entière la menace de censure d’une gauche indignée par la décision présidentielle.”Le président de la République a nommé M. Sébastien Lecornu Premier ministre, et l’a chargé de former un gouvernement”, a dit l’Elysée au terme du délai de 48 heures qu’il s’était donné pour une nomination.Le président “donne carte blanche au Premier ministre”, a-t-on ajouté dans l’entourage d’Emmanuel Macron.Le Premier ministre démissionnaire a dit accepter “par devoir” sa reconduction et promis que “tous les dossiers évoqués” pendant ses consultations avec les partis seraient “ouverts au débat parlementaire”. Sébastien Lecornu, 39 ans, un proche du chef de l’Etat, avait démissionné lundi matin, quatre semaines après sa nomination et 14 heures seulement après la formation de son gouvernement qui a conduit à l’implosion du “socle commun” entre le camp présidentiel et les Républicains (LR).En le reconduisant, Emmanuel Macron prend le risque d’un nouveau tir de barrage et d’une nouvelle dissolution de l’Assemblée nationale alors que la gauche et la droite réclamaient un Premier ministre qui ne soit pas un “macroniste”.C’est “un nouveau bras d’honneur aux Français”, a aussitôt dénoncé Manuel Bompard chez les Insoumis. Le Rassemblement national censurera “immédiatement cet attelage sans aucun avenir”, a assuré son président Jordan Bardella.Même dans le camp présidentiel, de plus en plus fracturé, le scénario Lecornu 2 ne faisait pas l’unanimité. “Je ne comprendrais pas qu’il y ait une renomination d’un Premier ministre macroniste”, avait prévenu Agnès Pannier-Runacher, macroniste de la première heure et membre du gouvernement démissionnaire.- “Ca va mal se terminer” -Lundi, peu après sa démission, le chef de l’Etat avait donné 48 heures à Sébastien Lecornu pour tenter de trouver un accord de la dernière chance avec les forces politiques et éviter la censure du futur gouvernement, en l’absence de majorité absolue à l’Assemblée.Après deux jours de tractations, Sébastien Lecornu avait estimé mercedi qu’un “chemin” était encore “possible”. Mais une ultime réunion de crise, convoquée en urgence vendredi à l’Elysée, entre le président et les chefs de partis n’a pas apporté plus de clarté.La gauche, qui réclamait un Premier ministre issu de ses rangs, en est sortie “sidérée”. M. Macron n’a apporté “aucune réponse claire” sur les retraites ou le pouvoir d’achat, a déploré le premier secrétaire du Parti socialiste Olivier Faure, refusant de donner une “garantie de non censure” au futur exécutif.”Tout ça va très mal se terminer” avec une possible “dissolution”, a renchéri la patronne des Ecologistes Marine Tondelier à la sortie de l’Elysée.La gauche a jugé décevantes les esquisses de concession sur la réforme des retraites, pourtant inédites dans la bouche du président qui en avait fait un totem de son second quinquennat.Emmanuel Macron a proposé “non pas de suspendre, mais décaler dans le temps” la mesure sur l’âge de départ à la retraite et non celle sur le nombre de trimestres cotisés, a expliqué la cheffe des députés écologistes, Cyrielle Châtelain.Le PS, dont la position sera décisive pour la survie du gouvernement, a dû démentir vendredi des spéculations sur un accord de non-censure.Le Parti socialiste n’a “absolument aucun deal” avec Sébastien Lecornu sur une non-censure, et n’a “aucune assurance ni garantie” sur ses demandes, a affirmé à l’AFP le secrétaire général du parti Pierre Jouvet.- “Pas parfait” -Sébastien Lecornu, dont la reconduction était évoquée avec insistance ces derniers jours, avait lui-même assuré ne pas courir “après le job” et avoir achevé sa “mission”. Il a réaffirmé vendredi que lui-même et sa future équipe devront être dépourvus de toute ambition présidentielle pour 2027.Confronté aux répliques sans fin du séisme de la dissolution en 2024, Emmanuel Macron a préféré se replier sur son dernier carré de fidèles après avoir tenté une semi-cohabitation avec l’opposant LR Michel Barnier puis avec le centriste Bayrou.Déjà en décembre dernier, il avait voulu nommer Sébastien Lecornu à Matignon, mais son allié historique François Bayrou avait fini par s’imposer à lui.En attendant, l’urgence est de déposer un projet de budget lundi. Le Parlement aura ensuite une fenêtre de 70 jours pour l’examiner, comme le prévoit la Constitution.Il “ne sera pas parfait”, avait reconnu le Premier ministre démissionnaire mercredi à l’issue de ses multiples rencontres avec les partis, et devra être débattu.Venu de la droite, discret au point d’être quasi inconnu du grand public, Sébastien Lecornu, qui se définit lui-même comme un “moine soldat”, est un compagnon de route du chef de l’Etat depuis 2017, devenu un rouage essentiel de la macronie. De tous les gouvernements depuis la première élection d’Emmanuel Macron, il officiait depuis 2022 au poste stratégique des Armées, après l’Ecologie, les Collectivités et l’Outre-mer.

Au Mans, loin des tractations parisiennes, Le Pen seule en piste et en campagne

Des camions, des casques et des selfies à la pelle: pendant que les autres chefs de parti étaient réunis dans le huis clos brûlant de l’Elysée, Marine Le Pen s’est rendue vendredi au congrès des pompiers au Mans, plus que jamais “en campagne”.Deux scènes, deux ambiances. A Paris, dans le secret du Palais, la “réunion de marchands de tapis” pour “éviter des élections”. Au Mans, en plein soleil, la cheffe de file de l’extrême droite venue répéter que “la seule solution c’est de prononcer la dissolution”.Aucun doute, à deux pas du mythique circuit automobile, Marine Le Pen est lancée pied au plancher sur la route des prochains scrutins. “On est en campagne permanente”, dit-elle. Mais le rythme s’accélère.Lundi déjà, elle a convoqué ses troupes à l’Assemblée nationale, dans la foulée de la démission de Sébastien Lecornu. Désormais la consigne est simple: “Etre en circo, sur le terrain”, rapporte un élu.Pour donner l’exemple, elle parade mercredi au Sommet de l’élevage près de Clermont-Ferrand, tandis que le Premier ministre démissionnaire achève ses “ultimes négociations”. Sans elle. “La plaisanterie a assez duré”, tranche-t-elle, promettant de “censurer tous les gouvernements, jusqu’à la dissolution”.La revoici donc, s’offrant un véritable bain de foule au grand raout des soldats du feu. Comme dans son élément, la patronne du parti à la flamme dit oui à tout: selfies, peluches, bonbons…Entre les vêtements ignifugés et les véhicules sérigraphiés, elle marque quelques arrêts prolongés sur les stands de Mayotte et d’Airbus, se fait prendre en photo avec Pompy, la mascotte du salon… Toujours flanquée du député de l’Aude Julien Rancoule, 32 ans dont la moitié comme pompier volontaire.Au détour d’une allée, une exposante surgit, lui tend un sachet de nourriture pour animaux: “Pour vos chats, Mme Le Pen!”. Un autre en revanche, serre les dents à son passage: “Plus vite elle passe, mieux c’est”.- “Monter en puissance” -Mais Marine Le Pen prend son temps pour déambuler. Pas comme Bruno Retailleau, passé en coup de vent à la mi-journée, pour un discours en tant que ministre démissionnaire de l’Intérieur.Protocolaire et crépusculaire: “Je terminerai mes fonctions par ce congrès”, déclare-t-il avant de s’engouffrer dans la voiture qui le ramène prestement à l’Elysée avec les autres chefs de parti.”Je l’ai croisé sur la route, il avait un rendez-vous à ce qu’il paraît”, ironise la dirigeante du RN, qui en profite pour enfoncer son rival, “terriblement décevant” à Beauvau depuis un an. “Il sort du gouvernement, très bien, il va enfin être dans l’opposition”, ajoute-t-elle.Au passage, elle déplore de ne pas avoir été invitée à l’Elysée et s’en prend aussi à Emmanuel Macron, qui selon elle, “ne respecte pas les institutions” et se place “en rupture” avec sa fonction présidentielle.Le chef de l’Etat “ne peut pas faire comme si le RN n’existait pas” insiste-t-elle, l’accusant comme les autres participants de vouloir “contourner la démocratie”.Message martelé, pour mieux opposer “deux images”, d’un côté celle “qui est proche du peuple”, de l’autre “ceux qui sont dans l’entre-soi malsain”, souligne son conseiller Philippe Olivier. Ce ne serait même qu’un tour de chauffe: “On va pas s’essouffler, on va monter en puissance”La triple candidate présidentielle en a vu d’autres. Accompagnée de sa soeur Marie-Caroline, battue de peu l’an dernier dans la 4e circonscription de la Sarthe, elle observe les camions rouges alignés, toutes échelles déployées.Et se rappelle “la nacelle lors de l’attentat de la villa Poirier” qui avait visé leur père Jean-Marie en 1976. Traumatisme fondateur pour celle qui a repris le flambeau, et l’envie d’en découdre.

Agnès Pannier-Runacher “pas candidate” pour rester ministre

La ministre de la Transition écologique du gouvernement démissionnaire, Agnès Pannier-Runacher, a affirmé vendredi qu’elle n’était “pas candidate” à sa propre succession.”Pour vous répondre très directement, non, je ne suis pas candidate au prochain gouvernement”, a-t-elle déclaré sur franceinfo.Interrogée pour savoir si elle redeviendrait députée du Pas-de-Calais, au cas où elle ne participerait pas à ce gouvernement, elle a répondu: “Tout à fait. Pour le coup, cela n’enlève rien au combat politique que je souhaite porter”.”Je suis très engagée sur la réindustrialisation, sur la souveraineté énergétique, sur l’écologie, très engagée sur mon territoire du Pas-de-Calais et je continuerai. Et a fortiori dans un moment où le Rassemblement national engrange les voix”, a-t-elle indiqué.Agnès Pannier-Runacher, 51 ans, qui était cadre dirigeante d’entreprises privées, est entrée pour la première fois au gouvernement en 2018 comme secrétaire d’État chargée de l’Industrie et de l’Artisanat auprès de Bruno Le Maire.Nommée ministre de la Transition écologique par Elisabeth Borne en mai 2022, elle l’est restée depuis, dans les gouvernements de Michel Barnier, de François Bayrou et de Sébastien Lecornu.Elle s’apprêtait à défendre la position de la France lors d’une réunion, à Brasilia lundi et mardi, pour préparer les négociations climatiques des Nations unies (COP30, 10-21 novembre) à Belém, au Brésil.Sa participation à cette réunion était a priori prévue, sans être certaine, indiquait son entourage à l’AFP en début de semaine.”Je pense que ceux qui nous écoutent se fichent de savoir quel est le destin d’Agnès Pannier-Runacher. Ce qu’attendent les Français, c’est un budget de la stabilité”, a lancé la ministre démissionnaire.”Ce que les Français attendent, c’est une rupture. Et donc il faut que ce (nouveau, NDLR) Premier ministre soit en rupture avec les gouvernements précédents, et qu’il porte cette capacité à négocier, et avec le Parti socialiste et les autres composantes républicaines du Nouveau Front populaire, et avec les Républicains”, a encore avancé Mme Pannier-Runacher.”Ça doit être une personnalité qui n’est pas du camp macroniste (…) Ça doit être une personnalité qui est au-dessus de la mêlée, qui est capable de parler à la droite et à la gauche”, selon elle.

Robert Badinter, artisan de l’abolition de la peine de mort, est entré au Panthéon

Robert Badinter est entré jeudi au Panthéon, le temple de l’universalisme républicain, “avec les Lumières” et “les principes de l’Etat de droit”, lors d’une cérémonie solennelle en hommage à l’artisan de l’abolition de la peine de mort.Emmanuel Macron a promis dans son discours de continuer à “porter” son combat “jusqu’à l’abolition universelle”. “Pour Robert Badinter, chaque jour devant nous doit être un 9 octobre”, date de la loi de 1981 portant l’abolition de la peine de mort, a dit le chef de l’Etat sous la nef du Panthéon.Peu avant, le cénotaphe, cercueil au nom de l’ancien avocat et garde des Sceaux décédé en février 2024 à l’âge de 95 ans, était entré dans l’ancienne église du centre de Paris, devenue monument funéraire portant sur son fronton la devise “Aux grands hommes, la patrie reconnaissante”.Sous les applaudissements du public venu nombreux, les mots du discours du ministre de la Justice de François Mitterrand ont résonné, quand il demanda à la tribune de l’Assemblée nationale le 17 septembre 1981, et obtint “l’abolition de la peine de mort en France”, conformément à un engagement du président socialiste à rebours de l’opinion de l’époque.”Demain, grâce à vous, la justice française ne sera plus une justice qui tue”, lançait l’homme de droit devenu homme politique aux députés dans un débat passionné.Parmi les temps forts, Julien Clerc a interprété sa chanson “L’assassin assassiné” consacrée en 1980 à la lutte pour l’abolition du châtiment suprême.Le comédien Guillaume Gallienne a lu un texte de Victor Hugo, précurseur dans ce même combat. Ce texte, comme d’autres, a été choisi par la veuve de l’avocat qui sauva plusieurs hommes de la guillotine, la philosophe Élisabeth Badinter, également applaudie à son arrivée sur place.”Robert Badinter entre au Panthéon avec les Lumières et l’esprit de 1789″, “avec les principes de l’Etat de droit”, a déclaré Emmanuel Macron dans son discours.”Il entre au Panthéon et nous entendons sa voix qui plaide ses grands combats essentiels et inachevés: l’abolition universelle de la peine de mort, la lutte contre le poison antisémite et ses prêcheurs de haine, la lutte pour la défense de l’Etat de droit”, a ajouté le chef de l’Etat.Il a rappelé que Robert Badinter était “né dans les années vingt ravagées par la haine des Juifs” et “s’est éteint dans nos années vingt où à nouveau la haine des Juifs tue”. “N’éteignons jamais cette colère face à l’antisémitisme”, a martelé le président de la République.-“Universalisme républicain”-La journée a été ternie par une profanation de la tombe de Robert Badinter dans la matinée à Bagneux, où il est effectivement enterré. Les “tags qui insultent ses engagements contre la peine de mort et pour la dépénalisation de l’homosexualité”, dénoncés par le maire de la ville, ont été rapidement nettoyés.”Honte à ceux qui ont voulu souiller sa mémoire”, avait immédiatement réagi Emmanuel Macron.Prévue de longue date, cette cinquième panthéonisation sous ses mandats sera une parenthèse en pleine crise politique pour le chef de l’Etat, qui doit décider d’ici vendredi soir quoi faire pour sortir le pays de l’impasse.Celui qui fut aussi président du Conseil constitutionnel de 1986 à 1995 repose désormais symboliquement au Panthéon, à travers des objets déposés dans son cénotaphe: sa robe d’avocat, une copie de son discours sur l’abolition de la peine de mort et trois livres dont un de Victor Hugo.Dans le caveau “des révolutionnaires de 1789″, où reposent Condorcet, l’abbé Grégoire et Gaspard Monge depuis le bicentenaire de la Révolution.Emmanuel Macron a déjà fait entrer dans la nécropole républicaine Simone Veil, rescapée d’Auschwitz et auteure de la loi sur l’interruption volontaire de grossesse, l’écrivain chroniqueur de l’horreur des tranchées de la Première Guerre mondiale Maurice Genevoix, la star du music-hall, résistante et militante antiraciste franco-américaine Joséphine Baker, et le résistant communiste d’origine arménienne Missak Manouchian.L’historien et résistant Marc Bloch sera à son tour panthéonisé mi-juin, 82 ans après son exécution par la Gestapo en 1944.Pour l’historien Denis Peschanski, le fil conducteur de ces choix présidentiels est l'”universalisme républicain”. “C’est la France des Lumières, qu’incarnait Robert Badinter à travers son combat abolitionniste mais aussi sa défense acharnée des victimes et sa lutte pour les droits”.

Jean-Louis Borloo, excentrique centriste et éternel candidat à Matignon

Excentrique, volubile, bouillonnant, quitte à en faire trop pour certains, le centriste Jean-Louis Borloo, dont le nom circule pour Matignon, se targue de vastes réseaux dans la société civile, au-delà d’un monde politique auquel il est resté ultra-connecté.Qualifié d'”éternel revenant” par un cadre de la macronie, le fondateur de l’UDI n’incarne pas exactement le renouveau, à 74 ans. Soit le même âge que deux récents locataires de Matignon, Michel Barnier (LR) et François Bayrou (MoDem).Mais dans un moment de crise politique où les positions semblent irréconciliables, son profil séduit certains.”Il peut faire un espèce de grand écart centriste”, ce n’est “pas un fou de la dépense publique, mais social quand même”, juge-t-on dans l’entourage du patron des Républicains Bruno Retailleau, qui l’a lui-même qualifié de “disruptif”. “Chiche !”, a pour sa part répondu le patron des sénateurs PS Patrick Kanner, interrogé sur la rumeur d’une nomination de Jean-Louis Borloo. Avant de temporiser, parlant d’une “boutade”. Après une première carrière d’avocat d’affaires, le liant notamment à Bernard Tapie, Jean-Louis Borloo a été ministre de la Ville puis de l’Emploi sous Jacques Chirac, avant d’être ministre de l’Ecologie sous Nicolas Sarkozy. Son nom émerge déjà pour remplacer à Matignon François Fillon, en 2010, sans lendemain.En avril 2014, il avait annoncé son retrait de la vie politique, disant n’avoir plus “l’énergie nécessaire” après avoir été hospitalisé pour une pneumonie aiguë, suivie de complications. Il livre alors, selon un proche, “le combat de sa vie”. Mais l’homme est aujourd’hui de nouveau hyperactif. “Je ressors un peu de ma tanière parce que j’ai le sentiment qu’on ne prend pas la mesure de la situation”, a lancé la semaine dernière sur Sud Radio celui qui multiplie les contacts, notamment avec les responsables syndicaux, et dit vouloir “tout débloquer”. “Je suis le tiers de confiance pour fédérer les patrons -les petits, les moyens, les grands- tous les syndicats, réformistes, pas réformistes, les collectivités locales, quelle que soit la sensibilité des dirigeants”, a-t-il ajouté, vendant ouvertement son profil rassembleur. – “Deux mâles blancs” -Emmanuel Macron pourrait-il se laisser convaincre, alors même que leurs relations ont été ouvertement tendues ? Missionné par le président sur les banlieues en 2018, Jean-Louis Borloo s’investit à fond. Mais son rapport est enterré, avec une humiliante formule de la part du chef de l’Etat: “Deux mâles blancs ne vivant pas dans ces quartiers” et s’échangeant un rapport, “cela ne marche plus comme ça”, assène-t-il. Ancien maire de Valenciennes après avoir repris avec succès le club de football de la ville en 1987, Jean-Louis Borloo avait fait de la cité nordiste, sinistrée par la crise sidérurgique, le laboratoire de sa méthode de rénovation urbaine et de redressement économique et social.En tant que ministre, il donnera corps à l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru). Et lance plus tard une initiative en faveur de l’électrification du continent africain. Jean-Louis Borloo “fait partie des gens qui savent donner une vision, une espérance et raconter une histoire”, loue une proche de son camp. Mais son style décontracté et sans filtre, tout comme son côté bon vivant, lui ont parfois valu railleries, voire discrédit. “Incontrôlable”, soupire un responsable socialiste.”A mes yeux, c’est une blague”, lâche un autre centriste alors que le nom de Jean-Louis Borloo circule déjà il y a un an pour succéder à Gabriel Attal. – France fédérale -Son nouveau combat ? La décentralisation. En plaidant pour un Etat fédéral, et que soit redonné aux “provinces” la responsabilité du logement, de l’éducation, de la santé ou encore des politiques sociales. Selon lui, la France souffre d’être un pays “émietté” où “tout le monde fait tout”, entre les régions, les départements, les communes, les organismes publics et paritaires…  “On n’a pas un problème de gouvernement, on a un problème de gouvernance de la Nation”, affirme-t-il début septembre sur BFM TV, alors que François Bayrou est déjà en sursis à Matignon. Il s’était alors décrit comme un “brave retraité” et niait, comme aujourd’hui, être candidat au poste. Mais un proche promet: il est là pour “renverser la table. Il n’arrive pas pour les rustines sur le budget”.

La tombe de Robert Badinter, artisan de l’abolition de la peine de mort, profanée juste avant son entrée au Panthéon

La tombe de Robert Badinter, l’artisan de l’abolition de la peine de mort en France, a été profanée jeudi à quelques heures de son entrée au Panthéon lors d’une cérémonie solennelle qui rendra hommage à cette incarnation de l’universalisme républicain.La municipalité de Bagneux, où était enterré l’ancien ministre de la Justice, a évoqué la présence sur la sépulture de “tags qui insultent ses engagements contre la peine de mort et pour la dépénalisation de l’homosexualité”. La tombe a été rapidement nettoyée.”Honte à ceux qui ont voulu souiller sa mémoire”, a immédiatement réagi Emmanuel Macron, qui doit présider la cérémonie. “Ce soir, il entrera au Panthéon, demeure éternelle de la conscience et de la justice”, a écrit le président sur X, “La République est toujours plus forte que la haine”.Prévue de longue date, cette cinquième panthéonisation sous ses mandats sera une parenthèse en pleine crise politique pour le chef de l’Etat, qui doit décider d’ici vendredi soir quoi faire pour sortir le pays de l’impasse.L’hommage à l’ancien avocat et garde des Sceaux a débuté mercredi soir par une veillée funèbre au Conseil constitutionnel qu’il présida de 1986 à 1995, parmi les nombreux engagements de sa vie.Jeudi, le cercueil portant le nom de Robert Badinter, décédé en février 2024 à l’âge de 95 ans, doit être transporté vers l’ancienne église du centre de Paris, devenue monument funéraire portant sur son fronton la devise “Aux grands hommes, la patrie reconnaissante”.Même si ses cendres ne sont pas transférées, il reposera symboliquement au Panthéon au terme d’une cérémonie d’une heure, à travers des objets déposés dans son cénotaphe: sa robe d’avocat, une copie de son discours sur l’abolition de la peine de mort et trois livres dont un de Victor Hugo.En présence d’un public que l’Élysée espère nombreux grâce à une “scénographie adaptée”, la cérémonie suivra le “scénario traditionnel”: remontée de la rue Soufflot, accueil du cercueil sous la nef du Panthéon par le président de la République, qui prononcera un discours “court et percutant”, puis installation dans le caveau “des révolutionnaires de 1789”, où reposent Condorcet, l’abbé Grégoire et Gaspard Monge depuis le bicentenaire de la Révolution.- “L’assassin assassiné” -A l’honneur, le combat pour la justice de Robert Badinter, “qui incarne ce qu’est l’État de droit”, souligne la présidence. Et surtout l’abolition de la peine de mort, “un saut civilisationnel majeur dans l’histoire de la justice de notre pays”, a estimé un conseiller d’Emmanuel Macron.Parmi les temps forts, Julien Clerc viendra interpréter sa chanson “L’assassin assassiné” consacrée en 1980 à la lutte pour l’abolition du châtiment suprême.Des textes seront également lus, dont des plaidoiries de l’avocat qui sauva plusieurs condamnés de la guillotine. Mais aussi des discours de l’homme politique qui, nommé ministre de la Justice par François Mitterrand, demanda à la tribune de l’Assemblée nationale le 17 septembre 1981, et obtint “l’abolition de la peine de mort en France”, conformément à un engagement du président socialiste à rebours de l’opinion de l’époque.Le comédien Guillaume Gallienne lira un texte de Victor Hugo, précurseur dans ce même combat.Ce texte, comme d’autres, a été choisi par la veuve de l’homme de droit. La philosophe Élisabeth Badinter a été associée de très près aux préparatifs.Emmanuel Macron a déjà fait entrer dans la nécropole républicaine Simone Veil, rescapée d’Auschwitz et auteure de la loi sur l’interruption volontaire de grossesse, l’écrivain chroniqueur de l’horreur des tranchées de la Première Guerre mondiale Maurice Genevoix, la star du music-hall, résistante et militante antiraciste franco-américaine Joséphine Baker, et le résistant communiste d’origine arménienne Missak Manouchian.L’historien et résistant Marc Bloch sera à son tour panthéonisé mi-juin, 82 ans après son exécution par la Gestapo en 1944.Pour l’historien Denis Peschanski, le fil conducteur de ces choix présidentiels est l'”universalisme républicain”. “C’est la France des Lumières, qu’incarnait Robert Badinter à travers son combat abolitionniste mais aussi sa défense acharnée des victimes et sa lutte pour les droits”.

Gouvernement: l’issue de la crise entre les mains de Macron

La balle est dans le camp du président : Emmanuel Macron doit tirer les leçons des consultations de la dernière chance menées par Sébastien Lecornu afin de nommer un Premier ministre d’ici vendredi soir, les spéculations s’intensifiant sur la personnalité choisie. Reconduire Sébastien Lecornu ? Appeler la gauche à Matignon ? Choisir une autre personnalité ? Lancer de nouvelles consultations ? Accepter de remettre en débat la réforme des retraites ?Le président de la République, resté dans l’ombre depuis la démission surprise de son Premier ministre lundi, se retrouve en première ligne désormais, avec le défi d’éloigner une nouvelle dissolution, refusée selon Sébastien Lecornu par “une majorité absolue à l’Assemblée nationale”. Parmi les options qu’il a entre les mains, la reconduction de l’ancien ministre des Armées, à Matignon depuis un mois mais dont le gouvernement a duré à peine quelques heures. Si ce dernier assure ne pas “courir après le job” et avoir “terminé” sa “mission”, plusieurs responsables politiques prêtaient à Emmanuel Macron la tentation de le reconduire, au risque d’ulcérer les oppositions qui ne cessent de fustiger “l’entêtement” du chef de l’Etat.Mais un autre nom circulait jeudi dans les coulisses: celui de Jean-Louis Borloo, ancien ministre sous Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy avec qui il avait notamment organisé le Grenelle de l’Environnement. Aujourd’hui âgé de 74 ans, le fondateur de l’Union des démocrates et indépendants (UDI), qui a longtemps été maire de Valenciennes, doit intervenir jeudi après-midi au congrès des Intercommunalités à Toulouse. “Borloo est une hypothèse, c’est le seul qui n’a rien à perdre”, souligne une source proche d’Emmanuel Macron. Mais, interrogé par l’AFP, le principal intéressé a démenti la rumeur. “J’ignore absolument tout”, a-t-il déclaré, assurant n’avoir “aucun” contact avec l’entourage du président. Pour Bruno Retailleau, qui l’a eu au téléphone jeudi, il a l’avantage d’être “disruptif” et “ni de gauche ni macroniste”. Il remplit donc certaines des conditions que le patron de LR a fixées pour retourner au gouvernement. Le ministre de l’Intérieur démissionnaire a toutefois refusé de dire s’il soutenait l’hypothèse Borloo.Cette forte personnalité n’a cependant pas les meilleures relations avec le chef de l’État qui avait sèchement retoqué en 2018 son rapport sur le devenir de la politique de la Ville. Le choix de Jean-Louis Borloo ne serait pas non plus pour déplaire au chef des sénateurs socialistes Patrick Kanner, qui a vanté “un sacré pari”, “quelqu’un qui renverserait la table”, avant d’évoquer une “boutade”.- Parenthèse mémorielle -Mais la crise politique heurte de plein fouet un autre événement politique incontournable pour le chef de l’État: la cérémonie d’entrée au Panthéon de Robert Badinter.Emmanuel Macron doit présider cette parenthèse mémorielle prévue de longue date à 19H00, ce qui l’empêche de parler aux Français lors d’une éventuelle allocution le soir. Reportant vraisemblablement toute décision à vendredi, qui pourrait même être assortie – sans certitude – d’une composition de gouvernement, dixit un proche du chef de l’État.Au cours d’un entretien d’un peu plus d’une heure à l’Élysée mercredi soir, Sébastien Lecornu a en tout cas donné quelques clés de lecture supplémentaires au président. D’abord, la future équipe gouvernementale devra être “complètement déconnectée des ambitions présidentielles pour 2027”, a-t-il expliqué au JT de France 2, pointant sans doute sans le nommer Bruno Retailleau, que beaucoup estiment partiellement responsable de la quasi implosion en début de semaine du socle commun de la droite et du centre. Et Sébastien Lecornu de prendre le soin de préciser que lui n’était “pas” candidat à l’Élysée.Ensuite, outre le dépôt d’un projet de budget dès lundi dans lequel “il y aura beaucoup à débattre”, il faudra “trouver un chemin pour que le débat ait lieu sur la réforme des retraites”, a dit le Premier ministre démissionnaire, alors que la suspension de cette loi, exigée par les socialistes, fracture le camp présidentiel.Ce dossier s’annonce extrêmement épineux, notamment car le patron de la droite en a fait une ligne rouge. Bruno Retailleau a répété mercredi soir son refus de participer à un gouvernement qui suspendrait la réforme. La majorité des députés LR sont cependant favorables à rester dans le “socle commun” et certains d’entre eux avaient voté contre cette réforme en 2023. Le parti socialiste d’Olivier Faure continue lui de réclamer une cohabitation avec une personnalité de gauche à Matignon. La France insoumise, qui demande la démission d’Emmanuel Macron, promet de censurer “tout gouvernement de grande coalition”. Quant au Rassemblement national, il est catégorique : “Je censurerai tous les gouvernements jusqu’à obtenir la dissolution”, a prévenu Marine Le Pen.

Près de 7 millions de téléspectateurs pour l’interview de Lecornu sur France 2

Près de sept millions de téléspectateurs ont regardé l’interview du Premier ministre démissionnaire, Sébastien Lecornu, mercredi au JT de 20H00 de France 2, qui a largement distancé celui de TF1, selon les chiffres de Médiamétrie publiés jeudi.Très attendue en pleine crise politique, l’interview de près de 30 minutes a réuni 6,8 millions de téléspectateurs en moyenne (avec un pic à sept millions), ce qui représente 32,4% de part d’audience (PDA). Cela veut dire que près d’un tiers des personnes devant leur poste de télévision à ce moment-là la regardaient.En moyenne, le nombre de téléspectateurs du JT du 20H00 depuis que Léa Salamé en a pris les rênes début septembre s’établit à 3,9 millions (pour la première partie de journal), a indiqué la chaîne à l’AFP.En face, le 20H00 de TF1, qui distance traditionnellement celui de France 2, a rassemblé mercredi soir 4,7 millions de téléspectateurs en moyenne (22,7% de PDA).Selon France 2, qui a salué un record “historique”, il s’agit du plus grand nombre de téléspectateurs pour un de ses JT de 20H00 depuis trois ans. Début septembre, l’interview de François Bayrou, alors encore Premier ministre, au 20H00 de France 2 avait attiré 3,36 millions de téléspectateurs, soit 17,8% de PDA.

Gouvernement: Retailleau pose ses conditions à une participation “exigeante” de LR

Non à un Premier ministre de gauche ou macroniste, non à une suspension de la réforme des retraites: Bruno Retailleau a posé ses conditions à une participation “exigeante” lors d’une réunion en visio mercredi soir avec les parlementaires LR, ont indiqué à l’AFP des participants.  “Il ne faut pas s’embarquer dans une aventure qui pourrait nous nuire”, a prévenu mercredi soir le ministre de l’Intérieur démissionnaire, après l’annonce par l’Elysée qu’un nouveau chef du gouvernement serait nommé dans les 48 heures.Il a réitéré son refus de participer à un gouvernement dirigé par un Premier ministre de gauche et exigé que le prochain locataire de Matignon “s’éloigne de la Macronie pour donner une assurance aux Français (et) que le message envoyé par les Français lors des législatives et des partielles soit respecté”.Quant à une éventuelle suspension de la réforme des retraites, c’est aussi non: “Si on accepte ça, toutes les futures reformes de fond, les réformes structurelles, pourraient être contestées dans la rue”, a-t-il affirmé.”A titre personnel, je n’irai pas dans un gouvernement qui voudrait abroger ou suspendre la reforme des retraites ou même un Lecornu bis”, a insisté le Vendéen.Interrogé sur Public Sénat jeudi matin, le député Philippe Juvin, rapporteur général du Budget, a cependant affirmé qu’il n’avait “pas été acté” qu’une telle suspension entraînerait une censure du gouvernement, même s’il “y a eu un fort mouvement de parlementaires” pour dire que cela “poserait un problème parce que c’est aussi un de nos marqueurs politiques”.Lui-même pense que ce serait une “erreur” de suspendre la réforme, tout en soulignant que l’absence de budget serait plus coûteuse.Lors de cette réunion qui n’a pas abouti à une décision sur la participation de LR au prochain exécutif, Bruno Retailleau a demandé “un mandat de négociation”, avec le patron des députés LR Laurent Wauquiez et celui des sénateurs Mathieu Darnaud, pour discuter avec le prochain chef du gouvernement. Pour sa part, Laurent Wauquiez a indiqué qu’une “très large majorité” des 50 députés LR “sont favorables à la poursuite du socle commun”, tout en indiquant que lui-même ne l’était pas, mais qu’il respecterait la décision collective.  “Les députés sont les premiers concernés. Il faut qu’ils soient concertés et respectés”, a-t-il ajouté, rappelant qu’une dissolution de l’Assemblée mettrait en première ligne les élus LR, dont beaucoup ont sauvé leur peau de justesse l’an dernier face au RN dans des circonscriptions rurales.Récemment élu à l’Assemblée, l’ex-Premier ministre Michel Barnier a estimé que “la participation au gouvernement” était “la solution la moins mauvaise”, plaidant pour “une participation exigeante et lucide”.”Nous sommes prêts désormais à discuter avec le futur Premier ministre que le président de la République choisira à condition qu’il ne soit pas de gauche”, a résumé M. Juvin sur Public Sénat.

Borne plaide pour “des compromis” allant “de la droite républicaine au Parti socialiste”

La ministre démissionnaire de l’Education Elisabeth Borne a appelé jeudi sur BFMTV à “trouver des compromis de la droite républicaine au Parti socialiste” pour “sortir de la crise politique” actuelle.”Notre enjeu aujourd’hui, c’est de sortir d’une crise politique et de trouver un chemin”, donc d'”arriver à dialoguer avec les groupes parlementaires”, a affirmé Mme Borne. “Ca veut dire aussi arriver à trouver des compromis de la droite républicaine au Parti socialiste”, a-t-elle ajouté.”Quand on parle de dissolution, quand certains appellent à la démission du président de la République, quand il reste quelques jours pour avoir une chance que la France ait un budget début 2026, je pense que chacun doit mettre toute son énergie pour trouver une voie de passage. C’est ce à quoi s’emploie Sébastien Lecornu, ça suppose de trouver des compromis avec la gauche”, a développé l’ancienne Première ministre.Car “on ne peut pas se permettre de rester dans une impasse, de laisser les Français dans une situation d’instabilité pour les prochains mois”, a-t-elle estimé.Mme Borne, qui avait ouvert mardi la porte à une “suspension” de la réforme des retraites qu’elle avait fait adopter aux forceps en 2023 grâce au 49.3, a répété qu’il fallait “examiner les modalités et les conséquences concrètes d’une suspension de la réforme jusqu’au débat qui, de toute façon, interviendra dans le cadre de l’élection présidentielle”.”Je n’ai pas dit qu’il fallait la bazarder”, a-t-elle précisé.Alors que deux anciens Premiers ministres d’Emmanuel Macron, Gabriel Attal et Edouard Philippe, ont pris leurs distances avec lui ces derniers jours, Mme Borne a estimé que “personne ne devrait fragiliser la fonction du président de la République, a fortiori dans la situation internationale qu’on connaît aujourd’hui”.”On a assisté pendant plusieurs semaines à une surenchère où chacun donne l’impression de faire passer ses intérêts partisans et ses intérêts personnels avant l’intérêt du pays”, a-t-elle ajouté.