AFP World

Au Pakistan, les jeunes étalent leur anglais châtié… sur les plateaux de Scrabble

“Dram”, “turm” ou “taupie”: ces mots désuets feraient se gratter la tête des Anglophones les plus avertis mais Bilal Asher, champion du monde de Scrabble des moins de 14 ans, les aligne régulièrement sur son plateau de jeu… au Pakistan!Le pays, qui jongle entre l’ourdou et l’anglais, a découvert sous le pouvoir colonial britannique ce jeu de société inventé pendant la Grande dépression américaine, dans les années 1930, par un architecte au chômage.Avec l’indépendance et la partition de 1947, le Pakistan s’est libéré de l’occupation mais a gardé le jeu de lettres en anglais et s’y est même taillé une place de choix.Depuis que les compétitions mondiales pour jeunes ont été lancées en 2006, il détient le record de champions, jusqu’au tenant actuel du titre.”Il faut travailler dur et rester déterminé”, explique à l’AFP Bilal Asher, 13 ans, entouré d’une centaine de joueurs réunis dans un hôtel par la Fédération pakistanaise de Scrabble.Du haut de ses 13 ans, il vient de battre un adversaire à la barbe grisonnante avec des mots anglais comme “dram” – une mesure du whisky -, “turm” – une unité de cavalerie -, ou “taupie” – un adolescent turbulent.Karachi, la capitale économique dans le sud côtier, a longtemps fait la Une pour attentats et vendettas mafieuses. Aujourd’hui, la mégalopole de plus de 20 millions d’habitants est célébrée comme l’incubateur des champions de Scrabble – avec formations à l’école, bourses et parents qui poussent leurs poulains à apprendre toujours plus de combinaisons de lettres.”Ils insufflent le jeu en nous”, affirme Bilal Asher dans son anglais distingué.- “Lié à l’époque coloniale” -Si certains ont les jambes trop courtes pour toucher le sol, tous ont le bras assez long pour taper sur leur pendule d’échecs et prouver leur rapidité à aligner des mots comme “daunters”, intimider en anglais soutenu, “imarets”, des cellules pour pèlerins, ou “trienes”, des composants chimiques à trois doubles liaisons.”Ils sont aussi impliqués parce que leurs parents le sont (…) ils veulent que leurs enfants fassent des choses productives”, témoigne Affan Salman, 16 ans, sacré en 2024 champion du monde jeune au Sri Lanka.Si l’anglais est parfois suranné au Pakistan, c’est que son histoire remonte loin. En 1835, Londres le décrétait langue principale d’éducation aux Indes britanniques.”Ils voulaient créer une classe d’Indiens qui serait un maillon entre le peuple et le pouvoir” colonial, explique Kaleem Raza Khan, professeur d’anglais, époux et père de deux passionnées de Scrabble.Aujourd’hui encore au Pakistan, qui compte 70 langues locales, l’anglais est l’une des langues officielles et les programmes scolaires lui font la part belle – avec ses désuétudes et ses tournures littéraires.”L’adoption de l’anglais est clairement liée à l’époque coloniale”, affirme Tariq Pervez, patron de la section jeunesse de la Fédération pakistanaise de Scrabble.Un anachronisme qui transpire d’ailleurs dans les communiqués officiels en anglais: les autorités dénoncent régulièrement les “couards” jihadistes ou séparatistes et autres manifestants “scélérats” et l’armée ses “vils” ennemis.- Un atout pour l’avenir -La plupart des 240 millions de Pakistanais lisent toutefois plutôt les communiqués en ourdou, l’anglais étant souvent l’apanage des classes aisées dans un pays où plus d’un tiers des 5-16 ans sont déscolarisés – soit 26 millions d’enfants.Dans ce contexte, “les gens s’intéressent au Scrabble car il enrichit leur vocabulaire et leur offre des opportunités de décrocher une bourse universitaire ou un emploi”, affirme Manaal Asher, la grande soeur de Bilal.Mais à 14 ans, celle qui est championne féminine du Scrabble au Pakistan a déjà des leçons à donner à celles et ceux qui voudraient la détrôner: “si vous n’êtes pas persévérant, le Scrabble n’est pas fait pour vous”.Malgré tout, “il y a une demande énorme: plein d’enfants veulent jouer et nous n’avons pas assez de ressources pour tous les prendre en charge”, abonde M. Pervez. Waseem Khatri, coach professionnel de Scrabble, accompagne actuellement 6.000 élèves dans des écoles de Karachi pour environ 850 euros par mois – près de sept fois le salaire minimum pakistanais.Son travail, dit-il, consiste à traduire en points sur les 225 cases du Scrabble les circonvolutions langagières de l’anglais du Pakistan.En parlant la langue de Shakespeare au pays de Muhammad Ali Jinnah – père fondateur du Pakistan -, les gens “essayent d’exprimer les choses de façon plus belle, avec plus de mots pour dire leurs sentiments”, assure le coach de 36 ans. Mais quand arrive la victoire, Bilal Asher ne se préoccupe plus de mots. Tout à sa joie, il glisse à l’AFP vivre un moment… “indescriptible”!

Accusés d’avoir escroqué la Fifa, Platini et Blatter comparaissent en appel

Près de trois ans après leur acquittement en première instance, Michel Platini et l’ex-président de la Fifa Sepp Blatter reviennent en appel à partir de lundi devant la justice suisse, dans l’affaire de paiement suspect qui a brisé leur carrière en 2015.Jusqu’à jeudi soir, la Cour d’appel extraordinaire du Tribunal pénal fédéral réunie à Muttenz (nord-ouest) juge le Français de 69 ans et le Suisse de 88 ans pour “escroquerie”, “gestion déloyale”, “abus de confiance” et “faux dans les titres”, pour lesquels ils encourent cinq ans d’emprisonnement, avant de rendre sa décision le 25 mars.Tout sourire, Michel Platini est arrivé au tribunal vers 08h30 locales (GMT+1), à quelques encâblures du stade Saint-Jacques de Bâle où il avait remporté en 1984 la Coupe d’Europe des vainqueurs de coupe avec la Juventus. Il a été rejoint quelques minutes plus tard par l’ancien patron de la Fifa. “Je suis un homme confiant”, a déclaré Sepp Blatter aux journalistes.Les magistrats devront naviguer entre les époques, depuis la naissance en 1998 de l’alliance Platini-Blatter jusqu’à leur rivalité croissante puis leur éjection conjointe du football mondial, mais aussi distinguer la dimension purement judiciaire du dossier de sa toile de fond politique.Le parquet accuse les deux anciens dirigeants d’avoir “obtenu illégalement, au détriment de la Fifa, un paiement de 2 millions de francs suisses” (1,8 million d’euros) “en faveur de Michel Platini”. Mais lors du premier procès en 2022, les juges avaient estimé que l’escroquerie n’était “pas établie avec une vraisemblance confinant à la certitude” et les avaient relaxés au bénéfice du doute.- Accord oral ? -En appel, les deux accusés s’expliqueront de nouveau dans l’affaire qui a fait d’eux des parias du football, au moment même où Michel Platini, alors patron de l’UEFA et toujours auréolé de sa gloire sportive, paraissait idéalement placé pour prendre la tête de la Fifa après les scandales qui avaient poussé Blatter à la démission.Défense et accusation s’accordent sur un point: le Français a bien conseillé Sepp Blatter entre 1998 et 2002, lors du premier mandat de ce dernier à la tête de la Fifa, et les deux hommes ont signé en 1999 un contrat convenant d’une rémunération annuelle de 300.000 francs suisses, intégralement payée par la Fifa.Mais en janvier 2011, “plus de huit ans après la fin de son activité de conseiller”, l’ex-capitaine des Bleus “a fait valoir une créance de 2 millions de francs suisses”, acquittée par l’instance du football “avec le concours” de Sepp Blatter, relève le parquet.Pour l’accusation, il s’agit d’un paiement “sans fondement”, obtenu en induisant “astucieusement en erreur” les contrôles internes de la Fifa par des affirmations mensongères des deux dirigeants, soit le critère clé de l’escroquerie.Les deux hommes martèlent de leur côté qu’ils avaient dès l’origine décidé d’un salaire annuel d’un million de francs suisses, oralement et sans témoins, sans que les finances de la Fifa n’en permettent le versement immédiat à M. Platini.- L’ombre d’Infantino -“Quand M. Blatter m’a demandé d’être son conseiller, il m’a demandé quel salaire je voulais. J’ai été surpris qu’il me pose cette question et je lui ai dit: +Je veux un million+”, avait raconté le triple Ballon d’Or en première instance. “Sepp m’a dit +un million de quoi ?+. Et moi, pour rigoler, j’ai dit +des pesetas, des lires, des roubles, des marks, c’est toi qui décides+. Il m’a dit: +OK, un million de francs suisses+”.Blatter avait de son côté assuré que Platini “valait son million”, confirmant un “accord de gentlemen” conclu oralement, sans témoins, et jamais provisionné dans les comptes de la Fifa.Les deux accusés avaient par ailleurs dénoncé le possible rôle de l’actuel patron du football mondial, Gianni Infantino, dans le déclenchement de l’enquête. Ancien bras droit du Français à l’UEFA et élu inattendu à la tête de la Fifa en 2016, l’Italo-Suisse a été visé en 2020 par une procédure portant sur trois rencontres secrètes avec l’ancien chef du parquet.Mais la justice suisse a classé cette enquête sans suite en 2023, et les enjeux de pouvoir se sont estompés autour du dossier: Michel Platini, même après son acquittement, a clairement exclu de tenter un retour à la Fifa. 

Le Japon déploie plus de 2.000 pompiers pour lutter contre d’importants feux de forêts

Plus de 2.000 pompiers sont mobilisés dans le nord du Japon, alors que des feux de forêts records ont entraîné l’évacuation de 4.600 habitants, selon les autorités lundi.Une personne est décédée la semaine dernière dans l’incendie qui frappe la région d’Iwate, où les précipitations ont particulièrement baissé et alors que le Japon a connu l’an dernier son été le plus chaud depuis le début des relevés.Des sapeurs-pompiers venus de 14 départements du Japon ont été mobilisés pour tenter de venir à bout de l’incendie qui a déjà brûlé quelque 2.100 hectares depuis jeudi, a indiqué l’agence de gestion des incendies et des désastres.”Même s’il est inévitable que le feu se propage dans une certaine mesure, nous prendrons toutes les dispositions nécessaires pour nous assurer qu’il n’y aura pas d’impact sur les habitations”, a déclaré lundi le Premier ministre Shigeru Ishiba devant le Parlement.Seize hélicoptères, y compris ceux des forces d’autodéfense, ont également fait la navette pour verser de l’eau sur les flammes.L’incendie a endommagé 84 bâtiments dimanche, mais les dégâts sont encore en cours d’évaluation, selon l’agence.Environ 2.000 personnes ont fui les zones autour de la ville d’Ofunato, dans la région boisée d’Iwate, selon les autorités. Une partie d’entre elles se sont réfugiées chez des amis ou des parents, et plus de 1.200 personnes ont été conduites vers des abris, ont-elles ajouté.Des images aériennes de la chaîne publique NHK diffusées lundi matin dans la ville d’Ofunato montraient des flammes orange près de bâtiments et d’épaisses volutes de fumée blanche.Le nombre d’incendies de forêt avait diminué au Japon depuis un pic dans les années 1970, selon les données du gouvernement, mais l’archipel en recensait encore environ 1.300 en 2023, concentrés sur la période de février à avril, lorsque l’air s’assèche et que les vents se lèvent.A Ofunato, les précipitations ont seulement atteint 2,5 millimètres en février, battant ainsi le précédent record de 4,4 millimètres en 1967 et se situant en dessous de la moyenne habituelle de 41 millimètres.L’année 2024 a aussi été la plus chaude jamais enregistrée au Japon, selon l’agence météorologique nationale (JMA), sur fond de phénomènes extrêmes se multipliant dans le monde en raison du changement climatique.

“Anora” triomphe aux Oscars, deux statuettes pour “Emilia Pérez”

La tragicomédie “Anora” a triomphé dimanche aux Oscars en remportant cinq statuettes, dont celle du meilleur film, lors d’une cérémonie où “Emilia Pérez” de Jacques Audiard, plombé par les polémiques, a récolté seulement deux récompenses.”Ce film a été réalisé grâce au sang, à la sueur et aux larmes d’artistes indépendants incroyables”, a lancé Sean Baker, le réalisateur d'”Anora”, en remerciant l’Académie d’honorer “un film véritablement indépendant”, produit avec seulement six millions de dollars.Après sa Palme d’or à Cannes, son Cendrillon moderne rafle non seulement la récompense suprême, mais aussi les prix de la meilleure actrice pour Mikey Madison, du meilleur scénario, du meilleur montage, et du meilleur réalisateur pour M. Baker, figure du cinéma d’auteur américain. Ce film où une strip-teaseuse new-yorkaise se marie au rejeton d’un oligarque russe, avant d’affronter le mépris de classe de sa belle-famille ultra-riche, ponctue sa filmographie largement dédiée aux marginaux de l’Amérique et aux travailleuses du sexe.Révélation du film, Mikey Madison a tenu à leur “rendre hommage” en acceptant son Oscar, à seulement 25 ans.                       Au contraire d'”Anora”, “Emilia Pérez” n’a pas pu reproduire l’enthousiasme généré à Cannes, où il avait notamment reçu le prix du jury. L’odyssée musicale de Jacques Audiard sur la transition de genre d’un narcotrafiquant mexicain été largement boudée, après le scandale suscité par les anciens tweets racistes et islamophobes de son actrice principale, Karla Sofía Gascón.Malgré 13 nominations, un record pour une production non anglophone, ce film tourné principalement en espagnol a reçu seulement deux Oscars : celui du meilleur second rôle féminin pour Zoe Saldana et de la meilleure chanson, pour “El Mal”, titre phare où son personnage d’avocate se révolte contre la corruption de la société mexicaine.  La statuette du meilleur film international lui a échappé au profit du drame brésilien “Je suis toujours là”, sur la résistance d’une mère courage contre l’ex-dictature brésilienne.”Je m’en fous franchement”, a lâché après la cérémonie Jacques Audiard, lassé par les polémiques – certaines voix au Mexique l’ont également accusé d’appropriation culturelle. “Moi ce que j’aime c’est parler de cinéma, pas parler de ces choses-là, ça m’intéresse pas trop.”- Deuxième sacre pour Adrien Brody -Adrien Brody a été l’autre sensation de la soirée: le comédien a remporté l’Oscar du meilleur acteur pour “The Brutalist”, où il incarne un architecte survivant de l’Holocauste qui émigre aux Etats-Unis.             Il rejoint ainsi Marlon Brando et Jack Nicholson dans le club prestigieux des doubles vainqueurs de cette statuette, 22 ans après avoir été récompensé pour “Le Pianiste”, où il jouait déjà un artiste confronté à la Shoah.L’acteur de 51 ans en a profité pour livrer un plaidoyer politique, dans une référence à peine voilée à la nouvelle présidence de Donald Trump.”Si le passé peut nous enseigner quelque chose, c’est de nous rappeler de ne pas laisser la haine s’exprimer sans contrôle”, a-t-il insisté, en appelant de ses vÅ“ux “un monde plus sain, plus heureux et plus inclusif”.De son côté, Zoe Saldana s’est dite “fière d’être l’enfant de parents immigrés qui ont des rêves, de la dignité et des mains qui travaillent dur”.Ces deux discours ont compté parmi les rares allusions politiques de la soirée, lors d’une cérémonie bien moins virulente qu’en 2017 après la première élection de Donald Trump. Contrairement à Jimmy Kimmel à l’époque, l’humoriste Conan O’Brien a largement évité le sujet, illustrant le malaise d’Hollywood face au milliardaire républicain, élu cette fois avec le vote populaire des Américains.La cérémonie est restée consensuelle, avec un spectacle assuré par les stars de la comédie musicale “Wicked”, Ariana Grande et Cynthia Erivo, et un hommage aux pompiers de Los Angeles, ravagée par des incendies meurtriers en janvier.Le conflit israélo-palestinien s’est toutefois invité au programme, lorsque le film coup de poing sur la colonisation israélienne en Cisjordanie, “No Other Land” a remporté l’Oscar du meilleur documentaire. Le reste du palmarès a couronné Kieran Culkin, meilleur second rôle masculin pour son personnage de trentenaire juif à fleur de peau, à la fois charismatique et insupportable, dans “A Real Pain”. La production lettone “Flow” a remporté l’Oscar du meilleur film d’animation, grâce aux aventures bouleversantes d’un chat à la dérive, confronté à l’engloutissement de sa planète par la montée des eaux.Grand concurrent d'”Anora”, le thriller papal “Conclave” et son intrigue sur l’élection les arcanes mouvementées de l’élection d’un nouveau pape au Vatican, n’est finalement reparti qu’avec un seul Oscar, celui du meilleur scénario adapté.”The Substance”, de la Française Coralie Fargeat, a remporté l’Oscar du meilleur maquillage et coiffure, pour la transformation physique impressionnante de Demi Moore en créature accro à un sérum de jouvence aux effets dévastateurs.

Course à l’IA et tensions commerciales au menu du salon du mobile de Barcelone

Frénésie autour de l’intelligence artificielle (IA) d’un côté, droits de douane américains de l’autre: le Salon mondial du mobile (MWC) ouvre lundi à Barcelone pour une édition marquée par les vives tensions commerciales générées par la politique de Donald Trump.La grand-messe de l’industrie des smartphones et des services connectés, où vont se presser quelque 100.000 professionnels, débute à la veille de l’entrée en vigueur des nouveaux droits de douane américains sur les produits chinois, présents comme chaque année dans les allées du Salon. Déjà relevées de 10% depuis l’entrée en fonction de Donald Trump, ces taxes à l’importation doivent être à nouveau augmentées de 10% mardi. Le président américain a par ailleurs incité le Mexique et le Canada à appliquer des droits de douane similaires sur les produits chinois. Ces mesures tarifaires – que Trump menace d’étendre à d’autres partenaires, dont l’Union européenne – pourraient avoir des conséquences sur l’ensemble du marché de la tech et des smartphones, certains composants tels que les semi-conducteurs étant en grande partie importés de Chine. “Personne ne sait vraiment ce qu’il va se passer”, a commenté le PDG de l’équipementier finlandais Nokia, Pekka Lundmark, lors d’un événement en amont du salon dimanche. “Évidemment, une guerre commerciale ne serait dans l’intérêt de personne”, a-t-il complété, ajoutant que son groupe travaillait à partir de “différents scénarios” pour s’adapter aux changements de politique commerciale américaine.Selon Ben Wood, directeur de la recherche de CCS Insight, “la situation géopolitique sera un sujet brûlant” de cette édition. “Il y a une incertitude persistante” qui inquiète aussi bien “l’Europe” que “les entreprises chinoises”, insiste-t-il auprès de l’AFP. – “L’IA sera omniprésente”  -Présentes en force au MWC aux côtés d’autres poids lourds mondiaux des télécoms, les marques chinoises ont concentré dimanche leurs présentations, organisées en amont du salon, sur les nouveautés de l’année et les annonces d’investissement. Le fabricant de smartphones Honor a ainsi annoncé entrer dans une nouvelle phase de son développement avec une stratégie axée sur l’IA, baptisée “Honor Alpha Plan”, en détaillant un partenariat avec deux géants américain, Google cloud et Qualcomm.La marque, qui travaille au développement d’un smartphone “intelligent”, a présenté devant la presse un nouvel outil d’IA destiné à être intégré à ses produits.Le géant Xiaomi, troisième fabricant mondial derrière Apple et Samsung, a lui dévoilé une nouvelle gamme de smartphones, Xiaomi 15, représentative du développement croissant sur le marché de modèles premium et de l’intégration massive d’outils d’IA. Depuis l’arrivée de ChatGPT et le développement de l’intelligence artificielle générative, cette technologie s’est largement invitée chez les fabricants et sera cette année à nouveau au cÅ“ur des innovations mises en avant pendant les quatre jours du MWC. “L’IA sera omniprésente” mais les observateurs “ressentent une fatigue croissante” sur ce sujet, juge toutefois Ben Wood, qui pointe la difficulté à repérer des innovations “révolutionnaires” en la matière.Si l’IA est devenue “la pierre angulaire de la plupart des annonces de produits”, “il est souvent difficile d’appréhender les avantages tangibles” pour les consommateurs, insiste-t-il. Un défi pour les entreprises de la tech et des télécommunications qui cherchent à présenter des usages concrets de l’IA, avec notamment des “agents” capables d’exécuter des tâches du quotidien, pour doper leurs ventes. Signe que cette politique porte ses fruits: le secteur des smartphones, dont les ventes avaient reculé pendant deux années consécutives, a renoué l’an dernier avec la croissance.Selon le cabinet spécialisé IDC, 1,24 milliard d’appareils ont été vendus dans le monde l’an dernier, soit 6,3% de plus qu’en 2023. Et les fabricants restent optimistes pour 2025.”La forte croissance de 2024 prouve la résilience du marché des smartphones car elle s’est produite malgré des défis macroéconomiques persistants”, souligne Nabila Popal, directrice de la recherche chez IDC, qui insiste sur le dynamisme du secteur dans les pays émergents.

A Paris, place au covoiturage sur une voie du périph’

Première étape de la transformation en “boulevard urbain” du périphérique parisien, espace le plus pollué de la capitale, une voie réservée aux mobilités partagées entre en vigueur lundi, héritage des Jeux olympiques porté par Anne Hidalgo, mais contesté à droite.A l’instar de Grenoble, Lille ou Nantes, le périphérique parisien, où la vitesse a déjà été abaissée de 70 km/h à 50 km/h, réserve désormais aux heures de pointe sa voie de circulation la plus à gauche aux véhicules qui transportent “au moins deux passagers”, hors poids-lourds, ainsi qu’aux transports collectifs, taxis, véhicules de secours et personnes à mobilité réduite.”Nous souhaitons diminuer le nombre de voitures en circulation en optimisant leur taux de remplissage afin de réduire le bruit et la pollution de l’air”, explique à l’AFP David Belliard, adjoint écologiste chargé des mobilités, rappelant que 80% des usagers du périph’ sont autosolistes.”Le périphérique est l’autoroute urbaine la plus fréquentée d’Europe et c’est un véritable scandale sanitaire. Le demi-million d’habitants qui vivent de part et d’autre de cette autoroute urbaine sont exposés à des niveaux de pollution encore bien trop importants avec 30% d’asthme en plus chez les enfants”, rappelle Dan Lert, adjoint écologiste chargé de la Transition écologique.La voie sera active dès lors que des panneaux au losange blanc sur fond bleu seront allumés, du lundi au vendredi de 07H00 à 10H30 et de 16H00 à 20H00. Par précaution, la préfecture de police pourra la désactiver en cas de bouchons importants.Certains tronçons de l’autoroute A1, au nord de Paris, et de l’A13 à l’ouest sont également concernés.Au sud, sept des 35 kilomètres qui séparent le quai d’Issy de la porte de Bercy y échappent, faute d’avoir été des “voies olympiques” desservant des sites pendant les JO, mais la Ville compte investir sept millions d’euros en signalétique dynamique et radars de formes pour les inclure.- Phase pédagogique -Dès lundi, une première phase “pédagogique” de contrôle permettra de détecter via “l’intelligence artificielle” les contrevenants. Ces derniers verront alors un message s’afficher sur les panneaux pour leur demander de changer de voie.Les premières contraventions, d’un montant de 135 euros, tomberont elles à partir du 1er mai, la police municipale étant chargée d’analyser chaque cliché de vidéo-verbalisation auparavant.Cette expérimentation organisée “sans date de fin”, selon la mairie, fera l’objet d’une publication hebdomadaire d’indicateurs de suivis (congestion, bruit, pollution, covoiturage), avec des bilans intermédiaires prévus en septembre, décembre et mars.Le ministre des Transports, Philippe Tabarot, a indiqué mercredi que l’expérimentation sur l’A1 et l’A13 serait aussi évaluée en septembre pour “maintenir ou suspendre la mesure”. Avec environ 1,5 million de déplacements quotidiens, le boulevard périphérique est “l’espace le plus pollué de la capitale”, qui concentre “2 à 2,5 fois plus de particules ultrafines que sur les sites urbains”, argumente la Ville.L’exécutif entend aussi amplifier les effets positifs observés depuis l’abaissement de la vitesse maximale à 50 km/h le 1er octobre.Selon l’Atelier parisien d’urbanisme, les embouteillages ont diminué de 15%, les accidents de 16%, le bruit de 2,6 db (soit une réduction de quasiment de moitié), la pollution liée au dioxyde d’azote de 16%, aux particules fines de 15%.Mais l’expérimentation suscite le scepticisme, voire la colère de l’opposition. Dans un courrier adressé jeudi à Anne Hidalgo, la présidente LR de la Région Ile-de-France, Valérie Pécresse, redit sa crainte d’embouteillages massifs en petite couronne.”On doit pouvoir stopper cette expérimentation si peu consensuelle si son bilan s’avère négatif”, plaide-t-elle en réclamant un bilan “exhaustif sous trois mois” sur “un périmètre élargi à l’ensemble des itinéraires de report”.”80% des personnes consultées étaient contre et nous dénonçons l’absence d’étude d’impact objective, exhaustive et précise”, critique également Geoffroy Boulard (LR), co-président d’Union Capitale, premier groupe d’opposition.De son côté, la Ville revendique “le pragmatisme” et souligne que la pollution de l’air a déjà été réduite “de 40% en dix ans grâce à une réduction équivalente du trafic routier”. “Il faut évidemment aller beaucoup plus loin”, martèle Dan Lert.

“Où est l’or?” Comment la Quatrième division a pillé la Syrie

Depuis les hauteurs surplombant Damas, la toute puissante Quatrième division de Maher al-Assad pouvait tranquillement scruter la capitale de la Syrie, méthodiquement pillée au fil des années.Aujourd’hui, la plupart des bases de cette redoutable unité d’élite, dirigée par le très craint frère cadet du président syrien déchu Bachar al-Assad, sont dévastées.Mais les documents abandonnés dans les décombres montrent à quel point Maher al-Assad, 57 ans, et ses acolytes se sont vautrés dans l’opulence quand plus de 90% population survivait avec à peine plus de 2 dollars par jour selon l’ONU.Ces piles de papiers, que l’AFP a pu consulter lors d’une enquête menée en décembre et janvier, révèlent aussi comment Maher al-Assad et son réseau ont mis en place un vaste empire économique en s’appropriant les richesses d’un pays laminé par près de 14 ans de guerre civile.Les gouvernements occidentaux ont longtemps accusé Maher al-Assad et son entourage d’avoir transformé la Syrie en un narco-Etat, inondant le Moyen-Orient de captagon, cette amphétamine illégale prisée comme drogue festive dans les pays du Golfe après avoir été utilisée pour stimuler les combattants de l’Etat islamique.Au-delà de ce trafic, qui a rapporté 10 milliards de dollars selon une enquête de l’AFP en 2022, les documents retrouvés dans ses bases et locaux abandonnés montrent que la Quatrième division avait la haute main dans de nombreux domaines : + Expropriation des maisons et des fermes.+ Saisies de voitures et appareils électroniques.+ Pillage du cuivre et autres métaux dans les bâtiments bombardés.+ Collecte de “frais” aux barrages routiers et points de contrôle.+ Racket des entreprises notamment en faisant payer une “escorte” pour protéger les camions-citernes, certains venant de zones contrôlées par les djihadistes.+ Contrôle du commerce de tabac, de métal …- Creusé dans la roche – Le complexe de la Quatrième division s’étale sur le sommet de la colline avec ses QG, entrepôts, prisons. Mais le coeur vibrant du système, c’est le bureau privé de Maher al-Assad, camouflé au fond d’un labyrinthe souterrain de tunnels creusés dans la roche – certains assez grands pour y conduire un camion.”C’est le bureau principal de Maher al-Assad”, explique un garde masqué, “qui a deux étages au-dessus du sol mais aussi des tunnels donnant accès à des pièces verrouillées.”Le garde, qui a requis l’anonymat comme plusieurs sources rencontrées pour cette enquête, conduit l’équipe de l’AFP à travers les tunnels avec l’efficacité d’un guide touristique – sauna, chambre, cuisine, sorties “d’urgence”, cellules.Et, en bas d’un escalier raide de 160 marches, une série de coffres aux portes blindées. Le garde affirme en avoir compté neuf derrière une pièce scellée.Par endroits, gisent éparpillés coffres-forts et boîtes de montres Rolex et Cartier. Selon le garde, ils ont été “ouverts” par des pillards quelques heures à peine après la fuite hors de Syrie des Assad le 8 décembre dernier. Ce jour-là, Damas est tombée sous les coups d’une offensive éclair menée par le groupe islamiste radical Hayat Tahrir al-Sham (HTS), qui a mis fin à 50 ans de domination de la famille dirigeante.Maher al-Assad, qui ne connaissait pas les plans de son frère de fuir vers la Russie, s’est échappé de son côté en montant dans un hélicoptère, direction l’Irak, selon un haut dignitaire de la sécurité irakienne et deux autres responsables syrien et irakien. Avant, à son tour, de rejoindre la Russie, apparemment via l’Iran.- Fortune cachée – Plus bas sur la colline, le long de l’autoroute menant vers le Liban, les locaux du très puissant Bureau de la sécurité de la Quatrième division. Un document récupéré parmi les nombreux jonchant le sol révèle que 80 millions de dollars, huit millions d’euros et 41 milliards de livres syriennes étaient disponibles en juin. Une trésorerie classique, selon des documents remontant à 2021.”Ce n’est qu’un petit échantillon de la richesse que Maher et ses associés ont amassée grâce à leurs affaires douteuses”, affirme le chercheur Kheder Khaddour du Carnegie Middle East Centre.”La Quatrième division était une machine à faire de l’argent” et leur véritable fortune est probablement cachée “à l’étranger, sans doute dans des pays arabes et africains”, poursuit M. Khaddour.Les sanctions occidentales visant à étouffer la Syrie d’Assad n’ont guère entravé ces trafics.Ils ont constitué un “Etat indépendant” dans l’Etat, “qui avait tous les moyens (…) qui avait tout”, résume un ancien colonel de la Quatrième division, Omar Chaabane, qui a signé un accord avec les nouvelles autorités syriennes. De nombreux officiers de cette division se sont “enrichis et avaient des coffres bourrés d’argent”, poursuit Omar Chaabane. “En dollars exclusivement”, alors que le billet vert était officiellement interdit dans le pays.Et à l’instar de leur chef qu’ils surnommaient “Le Maître”, ils habitaient de somptueuses villas, se déplaçaient dans de luxueuses voitures de marque étrangère.Des semaines après la chute du régime, des Syriens désespérés fouillaient encore la villa de Maher al-Assad, sur une colline du quartier Yaafour de Damas, près des écuries où sa fille montait ses chevaux primés. “Je veux l’or. Où est l’or ?” demandait à l’AFP un homme en inspectant les pièces saccagées où seules restaient éparpillées au sol de vieilles photographies de Maher, de sa femme et de leurs trois enfants.- “Boucher” -Dans la Syrie d’Assad, Maher a toujours constitué une figure menaçante et obscure, qualifiée par l’opposition de “boucher” qui faisait “le sale boulot du régime”.Il est accusé par les organisations de défense des droits humains d’avoir ordonné le massacre de manifestants notamment lors du siège de Daraa (sud) en 2011 ou la bataille pour le contrôle de Daraya dans la banlieue de Damas en 2012. Et par les Nations Unies d’être lié à l’assassinat en 2005 de l’ex-Premier ministre libanais Rafik Hariri. Sa Quatrième division est notoirement liée à une longue liste d’atrocités. Si l’on pouvait voir son portrait dans chaque base de sa division, lui a rarement été aperçu en public.Maher al-Assad, c’était “l’homme invisible”, a déclaré à l’AFP une source proche de l’ex-famille dirigeante. “Peu de personnes pourront vous dire qu’ils le connaissent.”Selon sa belle-sÅ“ur Majd al-Jadaan, opposante de longue date aux Assad, il pouvait être généreux et de bonne compagnie. “Mais quand il se fâche, il perd complètement le contrôle… C’est ce qui rend sa personnalité terrifiante”, a-t-elle confié à la télévision Al-Arabiya. “Il sait comment détruire, il sait comment tuer et ensuite mentir pour paraître innocent”, avait-elle déjà déclaré à la télévision française au début de la guerre civile en 2011, comparant sa cruauté à celle de son père Hafez.Dans les rues de Damas, le nom d’un autre sinistre personnage revient régulièrement à son évocation : celui de Ghassan Belal du Bureau de la sécurité de la Quatrième division, lui aussi sanctionné en Occident pour violations des droits humains.Comme son patron, Ghassan Belal collectionnait les voitures de luxe et vivait dans une villa du quartier de Yaafour. Il a quitté la Syrie, selon des sources de sécurité. Parmi les documents abandonnés dans son spacieux bureau, l’AFP a pu reconstituer son somptueux style de vie, facture par facture, y compris pour l’entretien de sa Cadillac. L’été dernier, Ghassan Belal a expédié une Lexus et une Mercedes à Dubaï et 29.000 dollars de droits de douane et autres frais ont été payés avec une carte de crédit sous un autre nom.D’autres factures révèlent que 55.000 dollars ont été dépensés en seulement 10 jours en août par sa famille pour des dépenses domestiques liées à la villa – qui a depuis été pillée – et ses autres maisons.Ce même mois, un soldat de la Quatrième division a écrit à Belal pour lui demander de l’aide parce qu’il était dans “une situation financière terrible”. Belal lui a donné 500.000 livres syriennes (33 dollars).- “C’était une mafia” – Des milliers de papiers officiels ont brûlé à la chute de Damas mais de nombreux documents classifiés ont survécu aux flammes et ils racontent des histoires. Notamment celles de personnages éminents qui ont participé au financement de la Quatrième division.Parmi eux figurent les hommes d’affaires sanctionnés Khaled Qaddour, Raif Qouatli et les frères Katerji, accusés d’avoir généré des centaines de millions de dollars pour les Gardiens de la révolution islamique d’Iran et les Houthis yéménites par la vente de pétrole iranien à la Syrie et à la Chine.M. Qouatli gérait des checkpoints et des postes frontaliers où les marchandises étaient souvent confisquées ou “taxées”, selon de nombreux responsables syriens.M. Qaddour, sanctionné par les Etats-Unis pour avoir financé Maher al-Assad grâce à la contrebande de captagon, de cigarettes et de téléphones mobiles, a nié tout lien avec lui lorsqu’il a tenté de faire lever les sanctions de l’Union européenne à son encontre en 2018.Mais la liste des revenus du Bureau de la sécurité en 2020 montre qu’il a versé 6,5 millions de dollars dans ses caisses. Selon le chercheur Kheder Khaddour, le Bureau de la sécurité gérait la plupart des transactions financières de la division et délivrait des cartes de sécurité aux personnes avec lesquelles il faisait affaires pour faciliter leurs déplacements.Un baron de la drogue a ainsi expliqué aux enquêteurs libanais en 2021 qu’il détenait une carte de sécurité de la Quatrième division et que le Bureau de la sécurité avait accepté de protéger un convoi de drogue pour 2 millions de dollars, selon une déclaration que l’AFP a pu voir.Le Trésor américain, des magistrats libanais et responsables syriens ont également cité Belal et le Bureau de la Sécurité comme acteurs clés dans le trafic de captagon.Lors de la visite en décembre d’un laboratoire de fabrication de captagon lié à la Quatrième division dans une villa de la région de Damas, près de la frontière libanaise, l’AFP a pu voir des salles pleines de boîtes et barils de caféine, éthanol et paracétamol nécessaires pour concocter cette drogue.Les habitants du coin ont expliqué qu’ils n’avaient pas le droit de s’approcher de la villa ni les bergers de parcourir les collines environnantes. Le Bureau de la sécurité bénéficiait “d’une telle immunité, que personne ne pouvait toucher un de ses membres sans l’approbation de Maher”, a déclaré, sous couvert de l’anonymat, un ancien officier de la Quatrième division qui a travaillé pour Belal. “C’était une mafia et je savais que je travaillais pour une mafia”, a-t-il ajouté.- “Ligne rouge” -La cupidité sans limite de la Quatrième division a hanté des familles pendant des décennies, comme le montre une lettre écrite par un certain Adnan Deeb, gardien de cimetière de la région de Homs, voisine du Liban.Sa missive pour tenter de récupérer la propriété familiale saisie par les hommes de Maher al-Assad a été trouvée parmi des centaines de documents abandonnés près d’un check-point de Damas.Quand l’AFP l’a retrouvé, Adnan Deeb a raconté comment la Quatrième division avait confisqué sa maison et celles de plusieurs voisins du village de Kafraya il y a dix ans. Avec interdiction de se trouver dans les parages de leurs demeures transformées en bureaux, entrepôts et vraisemblablement prisons.”Le Bureau de la sécurité de la Quatrième division ici était une ligne rouge que personne n’osait approcher”, a déclaré à l’AFP le fils de l’un des propriétaires expropriés. Ils n’en ont pas moins pendant ce temps dû continuer à payer les impôts fonciers.Après le départ des Assad, ils ont découvert sur les lieux des centaines de voitures, de motos et des centaines de litres d’huile de cuisson. “Ils ont laissé les gens avoir faim tandis que eux, ils avaient tout.”Le cas de Adnan Deeb est un exemple parmi tant d’autres. Un document trouvé dans les décombres d’une autre maison montre comment une femme a demandé, en vain à plusieurs reprises, de pouvoir rentrer chez elle avec les 25 membres de sa famille dont certains ont dû vivre en attendant dans une tente.- Bashar a pris sa part -Le plus rentable pour la Quatrième division a été la mainmise sur le marché des métaux.Selon l’ancien colonel Chaabane, “personne n’était autorisé à déplacer du fer” sans son approbation. Elle avait aussi le “contrôle exclusif” du cuivre. Lorsque les forces d’Assad se sont emparées d’une banlieue de Damas après une bataille acharnée avec les rebelles, la Quatrième division a rapidement envoyé ses hommes pour extraire le cuivre et le fer des maisons détruites, se souvient l’ancien officier qui était sous les ordres de Belal.Une usine de métallurgie gérée par un des partenaires de Maher al-Assad avait le monopole total sur le marché, selon Fares Shehabi, ancien chef de la Chambre syrienne de l’industrie. De nombreuses usines “ne pouvaient plus fonctionner” sous une telle pression.Dans l’une des maisons confisquées du village de Kafraya, l’AFP a trouvé des rapports rédigés par des subalternes de la Quatrième division mentionnant l’interception de véhicules faisant passer en contrebande du cuivre et du fer, et la saisie de leurs marchandises. Maher al-Assad et ses “amis” contrôlaient une grande part de l’économie syrienne mais l’ultime bénéficiaire était son frère Bachar, affirme M. Shebabi. “C’était une entreprise. Le palais (présidentiel) était toujours la référence.”Une affirmation confirmée par l’ancien officier aux ordres de Belal, selon qui une partie des bénéfices et des biens confisqués allaient systématiquement au président.- Héritage toxique -Aujourd’hui, à part ses dépôts et son quartier général saccagés, il ne reste plus grand chose de la Quatrième division. Mais son héritage peut rester toxique, avertit l’expert de la Syrie Lars Hauch du Conflict Mediation Solution.”La Quatrième division était un acteur militaire, un appareil sécuritaire, une entité de renseignement, une force économique, un pouvoir politique et une entreprise criminelle transnationale”, insiste M. Hauch. “Une institution vieille de plusieurs décennies, dotée d’une énorme capacité financière et en liens étroits avec les élites ne disparaît pas juste comme ça.””Si les hauts dirigeants ont fui le pays, le noyau du régime, principalement alaouite, s’est replié vers les régions côtières” où des armes ont dû être cachées, poursuit l’expert. Ajoutez à cela “les milliards de dollars” qui constituent le trésor de guerre de la Quatrième division et “vous avez ce qu’il faut pour une insurrection soutenue” si les nouveaux dirigeants de la Syrie échouent à mettre en place un système de transition juste et inclusif.Depuis leur arrivée au pouvoir, ces derniers ont cherché à rassurer les minorités mais à travers le pays, les violences contre les Alaouites – associés aux Assad – n’ont fait qu’augmenter.Enquête menée par Rouba El-Husseini avec la contribution de Bakr Alkasem et Maher al-Mounes.

“Où est l’or?” Comment la Quatrième division a pillé la Syrie

Depuis les hauteurs surplombant Damas, la toute puissante Quatrième division de Maher al-Assad pouvait tranquillement scruter la capitale de la Syrie, méthodiquement pillée au fil des années.Aujourd’hui, la plupart des bases de cette redoutable unité d’élite, dirigée par le très craint frère cadet du président syrien déchu Bachar al-Assad, sont dévastées.Mais les documents abandonnés dans les décombres montrent à quel point Maher al-Assad, 57 ans, et ses acolytes se sont vautrés dans l’opulence quand plus de 90% population survivait avec à peine plus de 2 dollars par jour selon l’ONU.Ces piles de papiers, que l’AFP a pu consulter lors d’une enquête menée en décembre et janvier, révèlent aussi comment Maher al-Assad et son réseau ont mis en place un vaste empire économique en s’appropriant les richesses d’un pays laminé par près de 14 ans de guerre civile.Les gouvernements occidentaux ont longtemps accusé Maher al-Assad et son entourage d’avoir transformé la Syrie en un narco-Etat, inondant le Moyen-Orient de captagon, cette amphétamine illégale prisée comme drogue festive dans les pays du Golfe après avoir été utilisée pour stimuler les combattants de l’Etat islamique.Au-delà de ce trafic, qui a rapporté 10 milliards de dollars selon une enquête de l’AFP en 2022, les documents retrouvés dans ses bases et locaux abandonnés montrent que la Quatrième division avait la haute main dans de nombreux domaines : + Expropriation des maisons et des fermes.+ Saisies de voitures et appareils électroniques.+ Pillage du cuivre et autres métaux dans les bâtiments bombardés.+ Collecte de “frais” aux barrages routiers et points de contrôle.+ Racket des entreprises notamment en faisant payer une “escorte” pour protéger les camions-citernes, certains venant de zones contrôlées par les djihadistes.+ Contrôle du commerce de tabac, de métal …- Creusé dans la roche – Le complexe de la Quatrième division s’étale sur le sommet de la colline avec ses QG, entrepôts, prisons. Mais le coeur vibrant du système, c’est le bureau privé de Maher al-Assad, camouflé au fond d’un labyrinthe souterrain de tunnels creusés dans la roche – certains assez grands pour y conduire un camion.”C’est le bureau principal de Maher al-Assad”, explique un garde masqué, “qui a deux étages au-dessus du sol mais aussi des tunnels donnant accès à des pièces verrouillées.”Le garde, qui a requis l’anonymat comme plusieurs sources rencontrées pour cette enquête, conduit l’équipe de l’AFP à travers les tunnels avec l’efficacité d’un guide touristique – sauna, chambre, cuisine, sorties “d’urgence”, cellules.Et, en bas d’un escalier raide de 160 marches, une série de coffres aux portes blindées. Le garde affirme en avoir compté neuf derrière une pièce scellée.Par endroits, gisent éparpillés coffres-forts et boîtes de montres Rolex et Cartier. Selon le garde, ils ont été “ouverts” par des pillards quelques heures à peine après la fuite hors de Syrie des Assad le 8 décembre dernier. Ce jour-là, Damas est tombée sous les coups d’une offensive éclair menée par le groupe islamiste radical Hayat Tahrir al-Sham (HTS), qui a mis fin à 50 ans de domination de la famille dirigeante.Maher al-Assad, qui ne connaissait pas les plans de son frère de fuir vers la Russie, s’est échappé de son côté en montant dans un hélicoptère, direction l’Irak, selon un haut dignitaire de la sécurité irakienne et deux autres responsables syrien et irakien. Avant, à son tour, de rejoindre la Russie, apparemment via l’Iran.- Fortune cachée – Plus bas sur la colline, le long de l’autoroute menant vers le Liban, les locaux du très puissant Bureau de la sécurité de la Quatrième division. Un document récupéré parmi les nombreux jonchant le sol révèle que 80 millions de dollars, huit millions d’euros et 41 milliards de livres syriennes étaient disponibles en juin. Une trésorerie classique, selon des documents remontant à 2021.”Ce n’est qu’un petit échantillon de la richesse que Maher et ses associés ont amassée grâce à leurs affaires douteuses”, affirme le chercheur Kheder Khaddour du Carnegie Middle East Centre.”La Quatrième division était une machine à faire de l’argent” et leur véritable fortune est probablement cachée “à l’étranger, sans doute dans des pays arabes et africains”, poursuit M. Khaddour.Les sanctions occidentales visant à étouffer la Syrie d’Assad n’ont guère entravé ces trafics.Ils ont constitué un “Etat indépendant” dans l’Etat, “qui avait tous les moyens (…) qui avait tout”, résume un ancien colonel de la Quatrième division, Omar Chaabane, qui a signé un accord avec les nouvelles autorités syriennes. De nombreux officiers de cette division se sont “enrichis et avaient des coffres bourrés d’argent”, poursuit Omar Chaabane. “En dollars exclusivement”, alors que le billet vert était officiellement interdit dans le pays.Et à l’instar de leur chef qu’ils surnommaient “Le Maître”, ils habitaient de somptueuses villas, se déplaçaient dans de luxueuses voitures de marque étrangère.Des semaines après la chute du régime, des Syriens désespérés fouillaient encore la villa de Maher al-Assad, sur une colline du quartier Yaafour de Damas, près des écuries où sa fille montait ses chevaux primés. “Je veux l’or. Où est l’or ?” demandait à l’AFP un homme en inspectant les pièces saccagées où seules restaient éparpillées au sol de vieilles photographies de Maher, de sa femme et de leurs trois enfants.- “Boucher” -Dans la Syrie d’Assad, Maher a toujours constitué une figure menaçante et obscure, qualifiée par l’opposition de “boucher” qui faisait “le sale boulot du régime”.Il est accusé par les organisations de défense des droits humains d’avoir ordonné le massacre de manifestants notamment lors du siège de Daraa (sud) en 2011 ou la bataille pour le contrôle de Daraya dans la banlieue de Damas en 2012. Et par les Nations Unies d’être lié à l’assassinat en 2005 de l’ex-Premier ministre libanais Rafik Hariri. Sa Quatrième division est notoirement liée à une longue liste d’atrocités. Si l’on pouvait voir son portrait dans chaque base de sa division, lui a rarement été aperçu en public.Maher al-Assad, c’était “l’homme invisible”, a déclaré à l’AFP une source proche de l’ex-famille dirigeante. “Peu de personnes pourront vous dire qu’ils le connaissent.”Selon sa belle-sÅ“ur Majd al-Jadaan, opposante de longue date aux Assad, il pouvait être généreux et de bonne compagnie. “Mais quand il se fâche, il perd complètement le contrôle… C’est ce qui rend sa personnalité terrifiante”, a-t-elle confié à la télévision Al-Arabiya. “Il sait comment détruire, il sait comment tuer et ensuite mentir pour paraître innocent”, avait-elle déjà déclaré à la télévision française au début de la guerre civile en 2011, comparant sa cruauté à celle de son père Hafez.Dans les rues de Damas, le nom d’un autre sinistre personnage revient régulièrement à son évocation : celui de Ghassan Belal du Bureau de la sécurité de la Quatrième division, lui aussi sanctionné en Occident pour violations des droits humains.Comme son patron, Ghassan Belal collectionnait les voitures de luxe et vivait dans une villa du quartier de Yaafour. Il a quitté la Syrie, selon des sources de sécurité. Parmi les documents abandonnés dans son spacieux bureau, l’AFP a pu reconstituer son somptueux style de vie, facture par facture, y compris pour l’entretien de sa Cadillac. L’été dernier, Ghassan Belal a expédié une Lexus et une Mercedes à Dubaï et 29.000 dollars de droits de douane et autres frais ont été payés avec une carte de crédit sous un autre nom.D’autres factures révèlent que 55.000 dollars ont été dépensés en seulement 10 jours en août par sa famille pour des dépenses domestiques liées à la villa – qui a depuis été pillée – et ses autres maisons.Ce même mois, un soldat de la Quatrième division a écrit à Belal pour lui demander de l’aide parce qu’il était dans “une situation financière terrible”. Belal lui a donné 500.000 livres syriennes (33 dollars).- “C’était une mafia” – Des milliers de papiers officiels ont brûlé à la chute de Damas mais de nombreux documents classifiés ont survécu aux flammes et ils racontent des histoires. Notamment celles de personnages éminents qui ont participé au financement de la Quatrième division.Parmi eux figurent les hommes d’affaires sanctionnés Khaled Qaddour, Raif Qouatli et les frères Katerji, accusés d’avoir généré des centaines de millions de dollars pour les Gardiens de la révolution islamique d’Iran et les Houthis yéménites par la vente de pétrole iranien à la Syrie et à la Chine.M. Qouatli gérait des checkpoints et des postes frontaliers où les marchandises étaient souvent confisquées ou “taxées”, selon de nombreux responsables syriens.M. Qaddour, sanctionné par les Etats-Unis pour avoir financé Maher al-Assad grâce à la contrebande de captagon, de cigarettes et de téléphones mobiles, a nié tout lien avec lui lorsqu’il a tenté de faire lever les sanctions de l’Union européenne à son encontre en 2018.Mais la liste des revenus du Bureau de la sécurité en 2020 montre qu’il a versé 6,5 millions de dollars dans ses caisses. Selon le chercheur Kheder Khaddour, le Bureau de la sécurité gérait la plupart des transactions financières de la division et délivrait des cartes de sécurité aux personnes avec lesquelles il faisait affaires pour faciliter leurs déplacements.Un baron de la drogue a ainsi expliqué aux enquêteurs libanais en 2021 qu’il détenait une carte de sécurité de la Quatrième division et que le Bureau de la sécurité avait accepté de protéger un convoi de drogue pour 2 millions de dollars, selon une déclaration que l’AFP a pu voir.Le Trésor américain, des magistrats libanais et responsables syriens ont également cité Belal et le Bureau de la Sécurité comme acteurs clés dans le trafic de captagon.Lors de la visite en décembre d’un laboratoire de fabrication de captagon lié à la Quatrième division dans une villa de la région de Damas, près de la frontière libanaise, l’AFP a pu voir des salles pleines de boîtes et barils de caféine, éthanol et paracétamol nécessaires pour concocter cette drogue.Les habitants du coin ont expliqué qu’ils n’avaient pas le droit de s’approcher de la villa ni les bergers de parcourir les collines environnantes. Le Bureau de la sécurité bénéficiait “d’une telle immunité, que personne ne pouvait toucher un de ses membres sans l’approbation de Maher”, a déclaré, sous couvert de l’anonymat, un ancien officier de la Quatrième division qui a travaillé pour Belal. “C’était une mafia et je savais que je travaillais pour une mafia”, a-t-il ajouté.- “Ligne rouge” -La cupidité sans limite de la Quatrième division a hanté des familles pendant des décennies, comme le montre une lettre écrite par un certain Adnan Deeb, gardien de cimetière de la région de Homs, voisine du Liban.Sa missive pour tenter de récupérer la propriété familiale saisie par les hommes de Maher al-Assad a été trouvée parmi des centaines de documents abandonnés près d’un check-point de Damas.Quand l’AFP l’a retrouvé, Adnan Deeb a raconté comment la Quatrième division avait confisqué sa maison et celles de plusieurs voisins du village de Kafraya il y a dix ans. Avec interdiction de se trouver dans les parages de leurs demeures transformées en bureaux, entrepôts et vraisemblablement prisons.”Le Bureau de la sécurité de la Quatrième division ici était une ligne rouge que personne n’osait approcher”, a déclaré à l’AFP le fils de l’un des propriétaires expropriés. Ils n’en ont pas moins pendant ce temps dû continuer à payer les impôts fonciers.Après le départ des Assad, ils ont découvert sur les lieux des centaines de voitures, de motos et des centaines de litres d’huile de cuisson. “Ils ont laissé les gens avoir faim tandis que eux, ils avaient tout.”Le cas de Adnan Deeb est un exemple parmi tant d’autres. Un document trouvé dans les décombres d’une autre maison montre comment une femme a demandé, en vain à plusieurs reprises, de pouvoir rentrer chez elle avec les 25 membres de sa famille dont certains ont dû vivre en attendant dans une tente.- Bashar a pris sa part -Le plus rentable pour la Quatrième division a été la mainmise sur le marché des métaux.Selon l’ancien colonel Chaabane, “personne n’était autorisé à déplacer du fer” sans son approbation. Elle avait aussi le “contrôle exclusif” du cuivre. Lorsque les forces d’Assad se sont emparées d’une banlieue de Damas après une bataille acharnée avec les rebelles, la Quatrième division a rapidement envoyé ses hommes pour extraire le cuivre et le fer des maisons détruites, se souvient l’ancien officier qui était sous les ordres de Belal.Une usine de métallurgie gérée par un des partenaires de Maher al-Assad avait le monopole total sur le marché, selon Fares Shehabi, ancien chef de la Chambre syrienne de l’industrie. De nombreuses usines “ne pouvaient plus fonctionner” sous une telle pression.Dans l’une des maisons confisquées du village de Kafraya, l’AFP a trouvé des rapports rédigés par des subalternes de la Quatrième division mentionnant l’interception de véhicules faisant passer en contrebande du cuivre et du fer, et la saisie de leurs marchandises. Maher al-Assad et ses “amis” contrôlaient une grande part de l’économie syrienne mais l’ultime bénéficiaire était son frère Bachar, affirme M. Shebabi. “C’était une entreprise. Le palais (présidentiel) était toujours la référence.”Une affirmation confirmée par l’ancien officier aux ordres de Belal, selon qui une partie des bénéfices et des biens confisqués allaient systématiquement au président.- Héritage toxique -Aujourd’hui, à part ses dépôts et son quartier général saccagés, il ne reste plus grand chose de la Quatrième division. Mais son héritage peut rester toxique, avertit l’expert de la Syrie Lars Hauch du Conflict Mediation Solution.”La Quatrième division était un acteur militaire, un appareil sécuritaire, une entité de renseignement, une force économique, un pouvoir politique et une entreprise criminelle transnationale”, insiste M. Hauch. “Une institution vieille de plusieurs décennies, dotée d’une énorme capacité financière et en liens étroits avec les élites ne disparaît pas juste comme ça.””Si les hauts dirigeants ont fui le pays, le noyau du régime, principalement alaouite, s’est replié vers les régions côtières” où des armes ont dû être cachées, poursuit l’expert. Ajoutez à cela “les milliards de dollars” qui constituent le trésor de guerre de la Quatrième division et “vous avez ce qu’il faut pour une insurrection soutenue” si les nouveaux dirigeants de la Syrie échouent à mettre en place un système de transition juste et inclusif.Depuis leur arrivée au pouvoir, ces derniers ont cherché à rassurer les minorités mais à travers le pays, les violences contre les Alaouites – associés aux Assad – n’ont fait qu’augmenter.Enquête menée par Rouba El-Husseini avec la contribution de Bakr Alkasem et Maher al-Mounes.