AFP World

Au Soudan, des images satellite pour témoigner des massacres d’El-Facher

Au Soudan, les images satellite jouent un rôle sans précédent dans la mise en évidence des atrocités commises à El-Facher, dernier bastion de l’armée au Darfour pris fin octobre par les paramilitaires, explique dans un entretien avec l’AFP Nathaniel Raymond, du Humanitarian Research Lab (HRL).Ces images prises du ciel étaient le seul moyen de suivre la situation sur le terrain, dans une zone géographique inaccessible, avec un réseau de communication défaillant, comme l’explique le directeur de ce laboratoire qui s’est imposé comme source essentielle d’information sur le conflit en cours.Sur les images zoomées en gros plan de la maternité d’El-Facher, que le HRL a publiées dans son rapport du 28 octobre, on aperçoit des “tas d’objets blancs”. Ils n’étaient pas là auparavant, mesurent “approximativement 1,1 à 1,9 mètre”, soit la taille d’humains allongés ou aux bras ou jambes repliés.A proximité, au sol, ce que le laboratoire décrit comme des “décolorations rougeâtres” pouvant correspondre à du sang.Le lendemain, l’Organisation mondiale de la Santé a annoncé le “meurtre tragique de plus de 460 patients et soignants” dans la maternité.Ces images satellite analysées par le laboratoire de l’université américaine de Yale, qui documentait la situation à El-Facher depuis le début du siège il y a 18 mois, ont déclenché l'”indignation générale”, souligne Nathaniel Raymond auprès de l’AFP.- “Volume record” -Le laboratoire a alerté les Nations unies et le gouvernement américain depuis le début du siège de la ville et ses rapports sont devenus une référence pour suivre les avancées géographiques des deux camps, alors que tous les accès à El-Facher restent bloqués malgré les appels à ouvrir des couloirs humanitaires. L’imagerie satellitaire s’est imposée comme un outil indispensable aux ONG et médias dans plusieurs régions du monde où l’accès est compliqué, voire impossible – à Gaza, en Ukraine, au Soudan. Plusieurs entreprises scannent le globe quotidiennement, avec comme unique entrave les conditions météorologiques. En fonction des capteurs embarqués sur les satellites, il est possible de distinguer clairement des bâtiments, des véhicules et même des foules. Les chercheurs du HRL recoupent ensuite ce que les images aériennes montrent avec d’autres informations, notamment issues des médias et réseaux sociaux, comme l’indique le laboratoire de Yale dans sa méthodologie.Au moment de la chute d’El-Facher et d’une “manière horrible”, les paramilitaires ont “facilité” le travail du laboratoire en publiant un flot de vidéos de leurs exactions sur les réseaux sociaux, explique Nathaniel Raymond.”Ils ont commencé à publier des vidéos d’eux-mêmes en train de tuer des gens à un volume record”, souligne ce spécialiste des crimes de guerre.L’équipe de Yale a croisé ces images avec les rares informations disponibles pour pouvoir identifier, dater et géolocaliser les exactions, à partir des images satellite. Le but est d’alerter sur les atrocités commises et d’accumuler des preuves pour que les auteurs de crimes ne restent pas impunis.Selon Nathaniel Raymond, les images de surveillance aériennes collectées après le massacre de Srebrenica en 1995 ont ainsi été cruciales pour poursuivre l’ancien chef militaire des Serbes de Bosnie, Ratko Mladic, condamné à la perpétuité par la justice internationale pour crimes de guerre et génocide.- “Documenter l’élimination” -L’indignation soulevée par les rapports du laboratoire sur les massacres perpétrés à El-Facher a eu pour effet de diminuer le volume de publication des vidéos par les paramilitaires et de pousser leurs chefs à promettre de punir les auteurs d’exactions, selon le chef du HRL.Depuis, les vidéos sont rares et “très peu, voire aucune, contiennent des métadonnées”, ce qui complique le travail d’analyse.Et les paramilitaires “déposent tellement de corps dans les rues que nous ne pouvons plus les compter individuellement”, explique Nathaniel Raymond. “Nous nous concentrons non pas sur le comptage de points individuels, mais sur l’emplacement des tas de corps, pour les mesurer volumétriquement au fur et à mesure qu’ils grossissent”.Leur prochaine mission macabre: “documenter la phase d’élimination” des dépouilles, dit-il. “Nous devons arriver à saisir l’instant où ils commencent à ramasser les corps” et voir grâce aux images satellite “comment ils s’en débarrassent”.Lundi, le bureau du procureur de la Cour pénale internationale (CPI) a averti que les atrocités commises à El-Facher pourraient “constituer des crimes de guerre et contre l’humanité” s’ils étaient avérés.

“Personne ne pouvait les arrêter”: les paramilitaires accusés de viols systématiques au Soudan

Amira se réveille tous les jours en tremblant, hantée par les images de viols collectifs dont elle a été témoin alors qu’elle fuyait la ville d’El-Facher, dans l’ouest du Soudan, pour se réfugier à Tawila, où elle vit dans un abri de fortune.Après un siège de 18 mois marqué par la famine et les bombardements, …

“Personne ne pouvait les arrêter”: les paramilitaires accusés de viols systématiques au Soudan Read More »

Foot: le PSG sur un fil face à la perpétuelle menace des blessures

Le spectre des blessures n’en finit pas de planer sur le PSG qui a de nouveau perdu mardi deux éléments majeurs face au Bayern Munich (défaite 2-1), Ousmane Dembélé et Achraf Hakimi, le reste de l’équipe n’étant pas non plus épargné par la fatigue.Le club parisien, peu gêné l’année dernière par les pépins physiques, n’arrive décidément pas à vider son infirmerie cette saison.Quasiment au complet mardi soir – hormis Désiré Doué -, le PSG retient désormais son souffle à propos du Ballon d’Or et du latéral marocain.Après la blessure à une cuisse de Doué à Lorient mercredi dernier (1-1), Luis Enrique préférait mettre l’accent sur la “récupération” récente de la plupart de ses joueurs, mais mardi soir il n’a pu que constater les dégâts.Qu’il paraît loin le sourire d’Ousmane Dembélé au Théâtre du Châtelet lors de la cérémonie du Ballon d’Or, le 22 septembre. Contre le Bayern au Parc des Princes, la mine était sombre.La raison n’en était pas son but refusé par l’arbitrage vidéo, mais bien de mauvaises sensations.Luis Enrique a assuré que sa sortie n’avait “rien à voir” avec sa blessure contractée à l’ichio-jambier droit en septembre, qui avait éloigné le numéro 10 pendant un mois et demi et semblait avoir ressurgi contre Nice samedi.- Staff affolé -Jusque-là imperméable aux soucis physiques, Achraf Hakimi a lui été victime d’un coup du sort: non pas une blessure de fatigue due à une trop longue saison dernière, mais à cause du tacle mal maîtrisé de Luis Diaz, qui a pris en tenaille sa cheville gauche.La douleur et les pleurs de Hakimi, sorti avec le soutien d’un staff affolé, ont plané sur le reste du match.Les deux joueurs doivent passer des examens mercredi dans la matinée dont une IRM pour le Marocain, a indiqué mardi soir le club à l’AFP, sans préciser la nature des blessures.Le PSG devrait publier un communiqué médical mercredi. “C’est très difficile de les perdre, ils sont importants pour nous”, a déploré Marquinhos.L’inquiétude est grande en particulier pour Achraf Hakimi, aux performances aussi impressionnantes que régulières depuis deux ans. Si une journaliste de l’AFP l’a vu esquisser un sourire en coulisses après le match, la jambe droite enserrée dans une botte, le Maroc tremble pour son meilleur joueur à l’approche de la Coupe d’Afrique des Nations, le 21 décembre.Son indisponibilité pendant plusieurs semaines va forcément mettre en lumière l’absence d’un véritable spécialiste pour le remplacer au poste de latéral droit.Le PSG, qui a décidé sciemment de ne pas recruter cet été, va devoir une nouvelle fois composer.- Mea culpa de Luis Enrique -Sans latéral droit de métier, plusieurs possibilités se dégagent tout de même pour le suppléer: Warren Zaïre-Emery l’a déjà souvent remplacé mais le “titi” revient bien ces derniers matches à son poste naturel, dans l’entre-jeu. L’aligner dans le couloir pourrait lui faire perdre de nouveau ses repères. L’autre milieu Joao Neves peut aussi dépanner à ce poste, comme le défenseur central Marquinhos.Il y a aussi l’option “titi” avec David Boly, 16 ans et arrière droit.Il faudra voir dans les prochaines semaines comment le PSG va se comporter lors du mercato hivernal et s’il décide finalement de recruter un latéral ou un défenseur capable de jouer dans l’axe et dans le couloir droit, à l’image de Lucas Hernandez à gauche.Plus largement mardi, le PSG est apparu émoussé, dépassé physiquement et mentalement contre le Bayern, une machine parfaitement huilée qui vient de gagner son 16e match d’affilée, même réduit à 10 la moitié du match.”On a beaucoup de joueurs pas à 100%, moi y compris”, a confié Marquinhos, fautif sur le deuxième but. Il évoque ceux de retour de blessure comme Joao Neves et Fabian Ruiz, ou ceux qui ont eu des pépins à divers niveaux comme Khvicha Kvaratskhelia et Bradley Barcola. Cela “commence à tirer” au niveau de la fatigue, ont avoué mardi soir ces deux derniers.Luis Enrique a fait un mea culpa, lui qui avait souhaité aligner son équipe type: “Quand tu récupères des blessés, ils ne sont pas en forme, pas à 100%. C’est quelque chose qu’il faut que je gère mieux. Même avec mon expérience, il faut que je m’améliore beaucoup là-dessus”.

Mamdani élu maire de New York, soirée de revers pour Trump

Le socialiste Zohran Mamdani a remporté mardi la mairie de New York au terme d’une soirée d’élections locales dans lesquelles Donald Trump a essuyé plusieurs revers, un message de défiance à un an des élections de mi-mandat.L’élu local, 34 ans, opposant résolu au président américain, a largement devancé son principal adversaire, l’ancien gouverneur de l’Etat, le centriste Andrew Cuomo, selon les projections de plusieurs médias. Zohran Mamdani deviendra le 1er janvier le premier maire musulman de la plus grande ville des Etats-Unis. Il sera aussi le plus jeune à avoir jamais occupé ce poste. Sa victoire a été accueillie par des cris de joie et parfois les larmes de ses partisans réunis dans une grande salle rococo des années 1920 du centre de Brooklyn.”En cette période d’obscurité politique, New York sera la lumière”, leur a lancé le jeune élu, ajoutant que la ville pouvait “montrer à une nation trahie par Donald Trump comment le vaincre”.Dans le camp d’Andrew Cuomo, ses partisans ont dit avoir le “coeur brisé” et jugé “injuste” la victoire de Mamdani. “L’avenir s’annonce un peu meilleur”, a commenté l’ancien président Barack Obama, évoquant les différentes victoires démocrates de la soirée.- Participation record -Donald Trump, qui a fait de Zohran Mamdani l’une de ses nouvelles bêtes noires, a lui aussi rapidement réagi. Dans un message publié sur son réseau Truth Social, il a cité des “sondeurs” anonymes affirmant que les défaites républicaines étaient dues à la paralysie budgétaire — le  “shutdown” — et au fait que son propre nom ne figurait pas sur les bulletins de vote.Plus tôt dans la journée, il avait appelé les électeurs juifs à faire barrage au candidat, militant de la cause palestinienne. En réponse, Zohran Mamdani s’est de nouveau engagé, dans son discours de victoire, à “bâtir une mairie qui (…) ne faiblira pas dans la lutte contre le fléau de l’antisémitisme”. Vainqueur surprise de la primaire démocrate en juin, l’élu du Queens à l’Assemblée de l’Etat de New York n’a jamais, depuis lors, quitté la tête des sondages, même après le retrait de la course du maire sortant Eric Adams, qui a également appelé à le battre en ralliant Andrew Cuomo.Signe de l’engouement pour le scrutin, avant la fermeture des bureaux de vote à 21H00, plus de deux millions d’électeurs s’étaient rendus aux urnes, la plus importante participation depuis près de 60 ans.Né en Ouganda dans une famille d’intellectuels d’origine indienne, arrivé aux Etats-Unis à sept ans et naturalisé en 2018, Zohran Mamdani a fait de la lutte contre la vie chère le coeur de sa campagne.Si Donald Trump l’a qualifié de “communiste”, ses propositions — encadrement des loyers, bus et crèches gratuits — relèvent plutôt de la social-démocratie.- Autres victoires démocrates -Très populaire auprès des jeunes, le futur maire a également ramené à lui de nombreuses personnes qui s’étaient éloignées de la politique, “des électeurs frustrés par le status quo, en quête de nouvelles personnalités”, selon le politologue Costas Panagopoulos.”Si Zohran Mamdani devient maire, Trump n’en fera qu’une bouchée”, a prédit Andrew Cuomo avant le verdict mardi, insistant, comme il l’a fait durant toute la campagne, sur l’inexpérience de son adversaire.Plusieurs fois, le président républicain a promis de mettre des bâtons dans les roues du jeune candidat démocrate s’il était élu, en s’opposant au besoin au versement de certaines subventions fédérales à la ville.C’est une “victoire locale” qui offre un moyen de “résister et repousser” l’élite politique de Washington, a dit à l’AFP un électeur de 40 ans, Ben Parisi.Voisin de New York, l’Etat du New Jersey  a choisi la démocrate Mikie Sherrill contre l’homme d’affaires républicain Jack Ciattarelli. L’Etat a longtemps été considéré comme un bastion démocrate. Mais à la dernière présidentielle, Donald Trump y avait considérablement réduit l’écart.Plus au sud sur la côte est, la Virginie a élu la première femme à sa tête, la démocrate Abigail Spanberger, battant la républicaine Winsome Earle-Sears.Enfin, les Californiens ont approuvé un texte visant à redécouper leur carte électorale en faveur des démocrates, qui cherchent à compenser ce qu’ont fait au Texas les républicains sous la pression de Donald Trump.

Recrutés par les réseaux, ces mercenaires irakiens morts pour la Russie

Le visage souriant, en uniforme militaire debout dans un champ labouré par les chenilles de véhicules lourds, de la fumée en arrière-plan. C’est le dernier post sur TikTok du jeune irakien Mohammed Imad, apparemment en Ukraine.”Priez pour moi”, dit la légende à côté d’un drapeau russe.C’était en mai. Depuis, les mois ont passé sans un mot, juste des rumeurs. Il a été pris en otage, blessé, il est tombé malade ou a été tué dans la frappe d’un drone ukrainien.Comme beaucoup de ces jeunes Irakiens combattant en Ukraine, Mohammed, 24 ans, est parti en Russie et s’est enrôlé dans les forces armées russes sans le dire à sa famille.Comme eux, il a été attiré par les promesses d’amasser de l’argent et de gagner un passeport russe. “Il n’est jamais revenu”, raconte à l’AFP sa mère Zeinab Jabbar, 54 ans, dans sa modeste maison de Musayab, au sud de Bagdad. “Nous, les Irakiens, avons traversé tant de guerres (…) On a eu notre lot”, dit-elle en pleurs. “Qu’avons-nous à voir avec la Russie” et l’Ukraine? “Deux pays qui se battent, qu’est-ce que l’on a à voir avec eux ?”Mohammed était bébé en 2003 lors de l’invasion de l’Irak par une coalition menée par les États-Unis, qui a déclenché des décennies de violences sectaires suivies par le brutal “califat” jihadiste.Beaucoup de jeunes gens ont dû rejoindre l’armée ou des milices chiites pour combattre le groupe État islamique, s’impliquer dans la longue guerre civile dans la Syrie voisine. Aujourd’hui, dans un pays miné par la corruption et la gabegie où un tiers de la population active est au chômage, un certain nombre a cédé aux sirènes d’influenceurs les poussant sur les réseaux à aller se battre en Ukraine aux côtés des forces russes en échange de conditions irrésistibles.S’ils en font le choix, ils sont assurés, leur promet-on, d’une prime d’engagement pouvant atteindre jusqu’à 20.000 dollars et d’un salaire mensuel de 2.800 dollars – quatre fois la solde d’un militaire en Irak. Un passeport russe et une pension font partie du package, ainsi qu’une assurance et une indemnisation en cas de blessure. – Recruteurs sur TikTok -Lors d’une enquête de plusieurs semaines, l’AFP a pu parler aux proches de plusieurs jeunes Irakiens de milieu modeste partis rejoindre l’armée russe – trois sont officiellement portés disparus, un autre est revenu dans un sac mortuaire. Un recruteur irakien, combattant dans l’armée russe, a également accepté de témoigner. “Donnez-moi un soldat irakien et une arme russe, et nous libérerons le monde du colonialisme occidental”, dit ce dernier dans un de ses posts.D’autres partagent des vidéos où l’on peut voir le président russe Vladimir Poutine qualifier ces combattants étrangers de “héros”.Les réseaux sociaux TikTok et Telegram regorgent de personnes proposant d’aider les Irakiens à rejoindre les rangs russes en Ukraine.Au début de cette guerre, déclenchée par l’invasion russe du territoire ukrainien en février 2022, alors que Moscou soutenait le régime de Bachar al-Assad alors toujours au pouvoir, Vladimir Poutine avait dit vouloir recruter 16.000 combattants au Moyen-Orient. Quelque 2000 soldats syriens auraient ainsi rejoint la Russie.Désormais, les chaînes Telegram visent en Irak un autre public, plus jeune.Des méthodes similaires ont été utilisées en Syrie, en Algérie et ailleurs dans la région et au-delà pour attirer des recrues d’Asie centrale, d’Inde, du Bangladesh du Népal, ont découvert les journalistes de l’AFP. Jusqu’à Cuba même, selon plusieurs médias.Tout est prévu: un de ces recruteurs a expliqué à l’AFP qu’il suffisait de fournir la copie d’un passeport, une adresse, un numéro de téléphone pour recevoir une invitation en Russie, nécessaire pour obtenir le visa, le coût du billet serait ensuite pris en charge.Un autre affirme aider les Irakiens une fois sur place à transférer de l’argent chez eux.Certains donnent même une série de termes militaires à apprendre en russe, comme : “les munitions sont épuisées”, “mission accomplie”, “nous avons des pertes”, “attaque de drone suicide”.- “Je veux mon fils” – Mais sur TikTok ou Telegram, au milieu des questions de jeunes prêts à s’enrôler en Russie, se sont glissées celles de familles dont les fils n’en sont pas revenus.Celle de Mohammed est persuadée que c’est la propagande des réseaux sociaux qui l’a embrigadé au début de l’année 2025.Longtemps, ses proches ont cru qu’il était parti travailler dans la province de Bassora, dans le sud de l’Irak. Jusqu’à ce qu’ils comprennent.Pendant des semaines, Mohammed a posté des vidéos sur TikTok où on le voit en Russie. Dans l’une d’elle, il se trouve dans la région d’Orel, près de la frontière avec l’Ukraine et de la région de Koursk où les Ukrainiens ont pénétré pendant quelques mois, selon une géolocalisation réalisée par l’AFP.Après son dernier post, le 12 mai, sa mère l’a appelé, supplié de rentrer à la maison. “Il m’a dit qu’il allait à la guerre (…) et m’a demandé de prier pour lui.” C’est la dernière fois qu’elle lui a parlé. “Je veux mon fils. Je veux savoir s’il est mort ou vivant”, se lamente depuis Mme Jabbar. La sœur de Mohammed, Faten, a passé des heures sur les réseaux, suivant les Irakiens qui prétendent avoir rejoint l’armée russe, à la recherche d’un indice sur son frère. Elle a récupéré divers témoignages. Selon l’un d’eux, il avait la grippe. Le pire est celui d’Abbas Hamadullah, un utilisateur connu sous le pseudonyme de Abbas al-Munaser.Munaser, 27 ans, est un de ces Irakiens qui partagent leur expérience dans l’armée russe sur TikTok et Telegram, et offrent leur aide aux potentielles recrues.Au fil des posts, il est devenu une référence pour Mohammed. Munaser a raconté à l’AFP que le jeune homme avait cherché ses conseils, déterminé à suivre son exemple.C’est lui qui finalement a annoncé la nouvelle à Faten: Mohammed a été tué près de Bakhmout (est) dans la frappe d’un drone ukrainien contre lequel il a voulu tirer tandis que les autres se mettaient à l’abri. Son cadavre repose dans une morgue.”S’il est mort, nous voulons son corps”, dit Faten à l’AFP, furieuse de ne pas avoir de corps à enterrer ni d’avoir été officiellement informée de son sort. “Cela ne concerne pas seulement mon frère – mais beaucoup d’autres”, poursuit-elle. “C’est une honte que ces jeunes hommes aillent mourir en Russie.”Comme Alawi, parti s’enrôler en avril avec Mohammed et dont le père Abdul Hussein Motlak n’a plus de nouvelles non plus depuis le mois de mai.Avant de disparaître, le jeune homme de 30 ans appelait sa famille presque chaque jour. Il avait l’habitude d’envoyer des photos de lui et de Mohammed, assis en uniforme militaire dans un bunker ou s’entraînant près de Bakhmout.”Je lui ai dit de revenir”, confie son père à l’AFP, mais il était déterminé à rester jusqu’à la fin de son contrat.- “Il y a la mort ici” -C’est l’histoire aussi de Munaser qui s’en est mieux sorti.Au départ, raconte-t-il, il est allé en Russie dans l’idée de poursuivre à l’ouest en Europe comme des milliers d’autres migrants irakiens. Mais dans les rues de Moscou, des panneaux publicitaires lui ont offert une perspective plus séduisante à ses yeux: rejoindre l’armée.”Il n’y a pas d’avenir en Irak. J’ai fait de mon mieux là-bas mais je n’ai pas réussi”, explique-t-il. “Il ne s’agit pas de la Russie ou de l’Ukraine. Ma priorité, c’est ma famille.” Munaser a rejoint l’armée russe en 2024 et détient aujourd’hui un passeport russe. Il dit qu’il est heureux car il peut envoyer à sa famille “environ 2.500 dollars par mois”. Un montant inimaginable pour la plupart des Irakiens – et quatre fois la solde qui lui était versée lors de son bref passage au sein des Forces de mobilisation populaires (PMF), groupes armés entraînés par l’Iran lors de la guerre contre le groupe État islamique.Avec le temps, Munaser est devenu recruteur. Dans une vidéo, Alawi le remercie d’ailleurs de les avoir aidés, lui et Mohammed, à se rendre en Russie.Sur sa chaîne Telegram, il propose des invitations en Russie. Le visa, affirme-t-il, coûte jusqu’à 1.000 USD via une agence de voyage.Selon le site internet de l’ambassade de Russie en Irak, un visa à entrée unique coûte jusqu’à 140 dollars. Mais sur les réseaux, des “intermédiaires” exploitent les jeunes Irakiens et prennent un pourcentage sur leurs frais d’inscription à l’armée, met en garde Munaser qui affirme ne rien faire payer. L’AFP n’était pas en mesure de vérifier ces affirmations.Quand il partage son expérience, ce combattant irakien, ne tait pas les dangers.”Nous avons vécu de nombreuses guerres en Irak mais celle-ci est différente. C’est une guerre de technologie avancée, une guerre de drones”, explique-t-il.Se battre en Russie rapporte de l’argent mais “c’est la mort ici”, prévient encore le jeune homme qui dit se battre sous les ordres d’un commandant musulman tchétchène. Il a pourtant signé un nouveau contrat avec l’armée russe pour une année supplémentaire. – “Honte” -Des milliers de combattants étrangers ont ainsi rejoint les Russes en Ukraine. Le plus grand contingent connu vient de Corée du Nord, des volontaires chinois les auraient rejoints, selon des informations recueillies par l’AFP. L’Ukraine de son côté compte quelque 3.500 combattants étrangers, selon son ambassade en Irak.Les estimations varient sur le nombre d’Irakiens combattant pour la Russie : ils seraient plusieurs centaines au moins, selon des sources sécuritaires irakiennes, beaucoup plus selon des recruteurs et des sources ukrainiennes.Ils “ne se battent pas pour une idée. Ils cherchent un emploi”, commente l’ambassadeur d’Ukraine en Irak, Ivan Dovhanych. L’ambassade de Russie à Bagdad n’a pas répondu aux demandes de réaction de l’AFP. Les Irakiens ont longtemps combattu à l’étranger, beaucoup en rejoignant des factions locales pro-iraniennes aux côtés de la Russie en soutien à l’ancien président syrien alaouite.L’intervention avait alors une dimension religieuse, dans le but de protéger les sanctuaires chiites en Syrie.Bien que la Russie entretienne de bonnes relations avec l’Irak et ait longtemps fourni des armes et une formation militaire à l’armée du régime de l’ancien dictateur Saddam Hussein, elle a peu de liens religieux et historiques avec la majorité chiite du pays.Bagdad s’est efforcé de rester neutre dans la guerre actuelle et ne souhaite pas que sa jeunesse aille combattre pour la Russie en Ukraine. Au contraire.En septembre, un tribunal du sud du pays a condamné un homme à perpétuité pour trafic d’êtres humains, l’accusant d’envoyer des personnes combattre “dans des pays étrangers”. Une source de sécurité a déclaré à l’AFP qu’il “recrutait” pour la Russie. Le même mois, l’ambassade d’Irak à Moscou a mis en garde contre “des tentatives de séduire ou de contraindre certains Irakiens résidant en Russie ou à l’étranger à rejoindre la guerre sous divers prétextes.”En Irak, le mot “mercenaire” est particulièrement péjoratif.L’oncle d’un Irakien disparu en Russie depuis plus de deux mois a espéré auprès de l’AFP que le gouvernement sévisse contre ceux qui attirent les jeunes hommes dans le piège de la guerre russe en Ukraine. Le tabou est tel, que la famille d’un jeune homme a quitté son village natal dans le sud de l’Irak juste après son enrôlement, a confié l’un de ses membres à l’AFP.En septembre, il est rentré chez lui dans un sac mortuaire et a été enterré une nuit, sans proches pour le pleurer, tant le sentiment de “honte” était lourd. La famille – qui a reçu plus de 10.000 dollars avec le cadavre – fait face à la désapprobation de sa communauté, dont beaucoup pensent que leur fils les a déshonorés, poursuit cette source. “C’est déchirant. Un garçon est mort à l’étranger et a été enterré en secret.”rh-strs/ser/fg/dp/pz/lrb

Sous haute tension, Shein ouvre à Paris son premier magasin pérenne au monde

Malgré les sanctions administratives et l’enquête judiciaire ouverte pour la vente de poupées sexuelles d’apparence enfantine, le géant de l’e-commerce asiatique Shein ouvre mercredi son premier magasin physique et pérenne au monde à Paris.Signe de la portée hautement polémique de cette ouverture à 13H, au 6e étage du BHV dans le centre de la capitale française, des forces de police étaient présentes dès mardi soir autour du magasin, la préfecture de police suivant l’événement avec une “attention toute particulière”.L’arrivée de la plateforme, fondée en 2012 en Chine et désormais basée à Singapour, cristallise les tensions autour de la régulation du commerce en ligne et de la mode jetable ultra-éphémère.Dernier épisode en date: la vente de poupées sexuelles d’apparence enfantine sur son site internet constatée par la Répression des fraudes, qui a déclenché un tollé politique et l’ouverture d’une enquête judiciaire. Shein a depuis assuré qu’elles avaient été retirées de la plateforme et avoir mis en place une interdiction totale des produits de type “poupées sexuelles”. Visée par une proposition de loi anti fast-fashion, l’entreprise a déjà écopé cette année en France de trois amendes pour un total de 191 millions d’euros, pour non-respect de la législation sur les cookies, fausses promotions, informations trompeuses et non-déclaration de microfibres plastiques.Depuis son annonce début octobre, le gouvernement, la mairie de Paris, des élus, des associations et des acteurs du secteur textile français ont fustigé son implantation en France.Jusqu’ici exclusivement disponible en ligne et dans des magasins éphémères, l’entreprise franchit mercredi une étape stratégique avec son implantation durable. Et pas n’importe où: dans un emblématique symbole du commerce parisien, le BHV, un joyau art déco situé face à l’hôtel de ville parisien.”Une erreur stratégique” et “un danger”, a déploré mercredi le ministre de la Ville, Vincent Jeanbrun, sur TF1.  Son collègue à l’Industrie, Sébastien Martin, a lui dénoncé chez Shein “une stratégie (…) d’agressivité qui est aussi une politique d’attaque de nos valeurs”, avant de pointer du doigt en creux le BHV: “certains acteurs économiques devraient remettre un petit peu de morale dans leur action, y compris les magasins qui décident d’accueillir ces rayons-là”, a-t-il dit sur Public Sénat.”Le BHV fait entrer le loup dans la bergerie”, s’est alarmé le co-président de l’organisation patronale Impact France, Pascal Demurger, sur Franceinfo, pour qui “le low-cost, c’est le chômage”.  Frédéric Merlin, le patron de la Société des grands magasins (SGM), propriétaire du  BHV depuis 2023, a rétorqué que “Shein, c’est 25 millions de clients en France”, mercredi sur RTL, opposant la popularité du géant asiatique aux griefs des responsables politiques. – Bientôt cinq autres magasins Shein -Si Shein est autant décrié, outre les accusations de recours à des sous-traitants sous-payés et des pratiques supposées néfastes pour l’environnement, c’est aussi parce qu’il est accusé de causer la ruine du secteur du textile et des petits commerces.Ces derniers sont particulièrement touchés par la déferlante de produits conçus en Asie, majoritairement en Chine. En 2024, 4,6 milliards de colis à moins de 150 euros ont été importés dans l’UE. Le nombre de ces colis, exemptés de droits de douane, double tous les deux ans au rythme actuel.Frédéric Merlin a déjà assuré que les produits vendus dans ce magasin ne sont pas ceux de la “marketplace” de Shein et qu’ils répondent aux normes européennes.Avant même l’arrivée de Shein au BHV, plusieurs marques françaises ont fui le grand magasin, dénonçant un partenariat en contradiction avec leurs valeurs et leurs intérêts. L’intersyndicale des salariés y est également opposée.Reste à voir si les consommateurs répondront présent. Selon une étude de l’application de shopping Joko, Shein était en 2024 l’enseigne de mode où les Français ont dépensé le plus. Cinq autres boutiques Shein ouvriront en province prochainement à Angers, Dijon, Grenoble, Limoges et Reims. Les grands magasins qui les hébergeront ne seront plus des Galeries Lafayette mais des “BHV”, le groupe Galeries Lafayette ayant rompu son contrat avec la SGM pour ne pas être associé à Shein.