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Pour Trump, des “juges gauchistes” sapent son offensive douanière

 Le président Donald Trump a conspué jeudi la décision d’un tribunal qui a suspendu en première instance une grande part des droits de douane qu’il a imposés ces derniers mois, et espéré pouvoir continuer à agir sans dépendre des parlementaires. Mercredi, le tribunal de commerce international des Etats-Unis (ITC) avait estimé que M. Trump avait outrepassé ses pouvoirs en imposant des surtaxes non ciblées, alors qu’il s’agit d’une prérogative du Congrès.Saisis par des petites entreprises et une coalition d’Etats américains, les magistrats donnaient dix jours à son gouvernement pour revenir en arrière. Cette décision concernait tant les droits de douane imposés au Canada, au Mexique et à la Chine, que la surtaxe de 10% imposée à quasiment tous les produits importés, quelle que soit leur origine, début avril.Mais moins de 24 heures plus tard, une Cour d’appel a suspendu la décision de première instance, le temps de se prononcer sur le fond.Concernant la Chine, le secrétaire américain au Trésor Scott Bessent a estimé jeudi que les négociations commerciales bilatérales étaient “un peu dans l’impasse” et a suggéré que le président américain et son homologue chinois pourraient y prendre part.”Je dirais qu’elles sont un peu dans l’impasse”, a déclaré M. Bessent à la chaîne Fox News, qui l’a interrogé sur les négociations commerciales en cours avec la Chine.”Je pense que nous aurons d’autres discussions avec eux dans les prochaines semaines, et je pense qu’il pourrait, à un moment donné, y avoir un appel entre le président (Donald Trump, ndlr) et le président (…) Xi” Jinping, a-t-il ajouté.Interrogé vendredi sur ces propos lors d’un point de presse habituel, Lin Jian, un porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, a indiqué que la Chine “a déjà clairement exprimé sa position sur les droits de douane à de nombreuses reprises”. “Pour toute question spécifique, je vous suggère de vous adresser aux autorités chinoises compétentes”, a-t-il souligné.Les deux puissances mondiales sont convenues en mai de suspendre pendant 90 jours les droits de douane qu’elles s’imposaient mutuellement, une désescalade surprise en pleine guerre commerciale obtenue au terme de pourparlers à Genève.A Washington, un autre tribunal a estimé que les surtaxes visant le Canada, le Mexique et la Chine étaient “illégales” et ne pouvaient être collectées, assortissant sa décision d’un sursis le temps d’un éventuel appel.Conscient que son répit n’est que temporaire, le président américain a lancé un réquisitoire jeudi soir sur sa plateforme Truth Social.Il a dénoncé une décision de justice “horrible” et “tellement politique” à l’initiative selon lui de “juges gauchistes”.Il a aussi dit espérer que la Cour suprême revienne “rapidement et clairement” sur cette décision.- “Pouvoir présidentiel” -Selon ce jugement, s’est-il ému, “je devrais obtenir l’aval du Congrès pour ces droits de douane. En d’autres termes, des centaines de politiciens devraient siéger à Washington pendant des semaines, voire des mois pour décider ce que nous devons faire payer aux pays qui nous traitent injustement”.”Si elle était maintenue, cette décision détruirait complètement le pouvoir présidentiel – la présidence ne serait plus jamais la même!”, a-t-il encore déploré. Donald Trump s’est aussi agacé de voir la décision de première instance accueillie avec soulagement en dehors des Etats-Unis.Après la décision de l’ITC, la Chine avait pressé Washington d'”annuler totalement les droits de douane unilatéraux injustifiés”, par la voix d’une porte-parole du ministère du Commerce.Le Premier ministre canadien Mark Carney avait lui salué la suspension de ce qu’il considère être des droits de douane “illégaux et injustifiés”.Mais, avait-il ajouté, “nous estimons que notre relation commerciale avec les Etats-Unis est toujours profondément menacée” par les droits de douane non couverts par les récentes décisions de justice – sur l’acier et l’aluminium ainsi que le secteur automobile. – “Inconstitutionnelle” -Dans le détail, les juges de première instance considéraient que le président ne pouvait invoquer la loi d’urgence économique de 1977 (IEEPA) pour instituer par décret “une surtaxe illimitée sur les produits provenant de quasiment tous les pays”, selon la décision que les journalistes de l’AFP ont pu consulter.Pour ces magistrats, les décrets adoptés “outrepassent les pouvoirs accordés au président”, ce texte lui permettant seulement “de prendre les sanctions économiques nécessaires en cas d’urgence pour combattre une menace +extraordinaire et inhabituelle+”.Toute interprétation qui lui délègue “une autorité illimitée sur les droits de douane est inconstitutionnelle”, avaient souligné les juges.Dans une opinion écrite accompagnant la décision, l’un des juges avait estimé que cela “constituerait un renoncement du pouvoir législatif au bénéfice d’une autre branche du gouvernement”, ce qui est contraire à la Constitution américaine.Le tribunal se prononçait à la suite de deux plaintes, déposées l’une par une alliance de 12 Etats américains dont l’Arizona, l’Oregon, New York et le Minnesota, l’autre par un groupe d’entreprises américaines, qui reprochaient à Donald Trump de s’arroger des pouvoirs appartenant au Congrès.

Eboulement en Suisse: le pire écarté mais les autorités ne baissent pas la garde

“Il ne faut surtout pas baisser la garde”, exhortent les autorités suisses vendredi, même si pour l’heure le scénario du pire est écarté pour la vallée du Lôtschental menacée par un lac artificiel, formé après qu’un gigantesque éboulement a détruit tout un village en quelques instants.”Il ne faut surtout pas baisser la garde, ce serait la pire des choses alors que l’on n’est pas certain que le danger soit écarté”, a déclaré Raphaël Mayoraz, le géologue du canton du Valais, où s’est produit la catastrophe mercredi, sur la télévision publique vendredi matin.Jeudi matin, les autorités envisageaient encore une catastrophe, à savoir une rupture brutale du barrage naturel de gravats. Les eaux du lac artificiel, qui continuent de grossir, auraient alors inondé la vallée. Mais au fil de la journée ce scénario est devenu moins probable en raison de la configuration et de la composition du barrage naturel de roche et de glace et les autorités ont renoncé à évacuer les habitants de la vallée qui vivent en aval, à l’exception de 16 d’entre eux.”La situation actuelle est dans un scénario assez favorable. En clair, l’eau commence à faire son chemin sur le dépôt (les gravats de roche et de glace Ndlr) long de 2,5 km. Au fur et à mesure des heures qui avancent, on peut réduire le risque d’un scénario catastrophique. On sait toutefois que l’on doit garder en tête un tel risque”, souligne M. Mayoraz.Les autorités restent en alerte et les communes situées en aval de l’éboulement, y compris dans la vallée du Rhône, se préparent à une éventuelle évacuation. Des digues ont aussi été installées.”Ce scénario d’une possible évacuation va durer des semaines”, indique Raphaël Mayoraz. “Il perdurera tant que la (rivière NDLR) Lonza ne sera pas parvenue à créer un chenal relativement stable à travers tout ce dépôt. Le risque de voir des poches d’eau se créer reste également d’actualité”.Pour l’heure, cet événement exceptionnel n’a fait qu’un disparu, un homme de 64 ans de la région. Les recherches ont toutefois été suspendues jeudi. La vallée du Lötschental s’étend sur un peu moins de 30 kilomètres et compte au total quelque 1.500 habitants. C’est un endroit réputé pour ses paysages très pittoresques, ses petits villages traditionnels et ses chemins de randonnées spectaculaires. Mais le paysage est changé pour toujours.La quantité de roche et de gravats qui a dévalé la montagne mercredi vers 15H30 (13H30 GMT) est tellement importante que les sismographes du pays l’ont enregistré. A la place du glacier du Birch, entraîné par la chute des roches qui le surplombaient, on voit un trou béant sur le flanc de la montagne.

Dans la campagne irakienne, un mordu de voitures de collection

Rolls Royce, Peugeot, Dodge, Cadillac: dans la campagne du centre de l’Irak, Jaafar Salmane est mordu de vieilles voitures, qu’il collectionne depuis plus d’une décennie par amour du patrimoine et pour la plus grande joie des automobilistes et des piétons.Dans son magasin de pièces détachées pour voitures, près de la localité d’Alexandrie dans la province de Babel, il exhibe ses possessions: élégantes automobiles aux courbes classiques ou bolides de course aux couleurs vives.Au total, elles sont une dizaine: grosses cylindrées américaines ou voitures de luxe, certaines remontant aux années trente, d’autres aux années soixante.”J’adore les voitures de collection. J’aime le patrimoine irakien, j’aime le préserver”, confie à l’AFP le quinquagénaire aux cheveux poivre et sel, en polo blanc et rasé de près.Pour les pièces de rechange il faut parfois les commander aux Etats-Unis et elles mettent alors quatre ou cinq mois à arriver.Sa Rolls Royce de 1934, beige et rouge, “a encore sa plaque (d’immatriculation) de la Monarchie”, s’enorgueillit-il.Certains véhicules ont coûté 15.000 dollars. La voiture est alors “usée, il faut refaire la carrosserie et la peinture”. Une fois restaurée elle peut être revendue à 50.000 ou 60.000 dollars poursuit ce père de cinq enfants.Une de ses plus précieuses possessions: une DeSoto de 1948 (Chrysler), qui jure-t-il est un présent du roi Farouk “Roi d’Egypte et du Soudan” au monarque d’Arabie saoudite Abdel Aziz al-Saoud.- “Sourire et joie” -Sa première acquisition fut une Chevrolet de 1958, qui appartenait autrefois à la diva irakienne Afifa Iskandar, jouissant dans son pays d’une renommée similaire à celle de l’astre de l’Orient Oum Kalthoum.Pour les réparations, il fait appel à des mécaniciens ou artisans spécialisés, parfois à une heure de route à Bagdad, voire parfois à cinq heures de chez lui à Mossoul (nord).”Quelle que soit les difficultés, fixer la carrosserie, la peinture, les pièces de rechange: quand une voiture retrouve sa plus belle image, toute la fatigue disparaît”.Quand il prend la route, sa voiture attire tous les regards. Les passants s’arrêtent pour prendre un selfie.”C’est ça qui fait que nous nous intéressons à ces voitures: on voit le sourire et la joie, du plus jeune au plus âgé”, raconte M. Salmane.”Un vieux monsieur va t’accoster, ou une femme qui vont te dire +à mon mariage j’avais une voiture comme ça+”.Son ami d’enfance, le coiffeur Haidar Khalaf, assure que M. Salmane jouit d’une petite popularité.”Les gens le connaissent dans le coin. Chaque jour quand il sort avec une voiture, ils s’attroupent”, raconte-t-il.Car ces voitures “c’est l’identité irakienne. Tout le monde aime voir son histoire et notre patrimoine”.

Dans la campagne irakienne, un mordu de voitures de collection

Rolls Royce, Peugeot, Dodge, Cadillac: dans la campagne du centre de l’Irak, Jaafar Salmane est mordu de vieilles voitures, qu’il collectionne depuis plus d’une décennie par amour du patrimoine et pour la plus grande joie des automobilistes et des piétons.Dans son magasin de pièces détachées pour voitures, près de la localité d’Alexandrie dans la province de Babel, il exhibe ses possessions: élégantes automobiles aux courbes classiques ou bolides de course aux couleurs vives.Au total, elles sont une dizaine: grosses cylindrées américaines ou voitures de luxe, certaines remontant aux années trente, d’autres aux années soixante.”J’adore les voitures de collection. J’aime le patrimoine irakien, j’aime le préserver”, confie à l’AFP le quinquagénaire aux cheveux poivre et sel, en polo blanc et rasé de près.Pour les pièces de rechange il faut parfois les commander aux Etats-Unis et elles mettent alors quatre ou cinq mois à arriver.Sa Rolls Royce de 1934, beige et rouge, “a encore sa plaque (d’immatriculation) de la Monarchie”, s’enorgueillit-il.Certains véhicules ont coûté 15.000 dollars. La voiture est alors “usée, il faut refaire la carrosserie et la peinture”. Une fois restaurée elle peut être revendue à 50.000 ou 60.000 dollars poursuit ce père de cinq enfants.Une de ses plus précieuses possessions: une DeSoto de 1948 (Chrysler), qui jure-t-il est un présent du roi Farouk “Roi d’Egypte et du Soudan” au monarque d’Arabie saoudite Abdel Aziz al-Saoud.- “Sourire et joie” -Sa première acquisition fut une Chevrolet de 1958, qui appartenait autrefois à la diva irakienne Afifa Iskandar, jouissant dans son pays d’une renommée similaire à celle de l’astre de l’Orient Oum Kalthoum.Pour les réparations, il fait appel à des mécaniciens ou artisans spécialisés, parfois à une heure de route à Bagdad, voire parfois à cinq heures de chez lui à Mossoul (nord).”Quelle que soit les difficultés, fixer la carrosserie, la peinture, les pièces de rechange: quand une voiture retrouve sa plus belle image, toute la fatigue disparaît”.Quand il prend la route, sa voiture attire tous les regards. Les passants s’arrêtent pour prendre un selfie.”C’est ça qui fait que nous nous intéressons à ces voitures: on voit le sourire et la joie, du plus jeune au plus âgé”, raconte M. Salmane.”Un vieux monsieur va t’accoster, ou une femme qui vont te dire +à mon mariage j’avais une voiture comme ça+”.Son ami d’enfance, le coiffeur Haidar Khalaf, assure que M. Salmane jouit d’une petite popularité.”Les gens le connaissent dans le coin. Chaque jour quand il sort avec une voiture, ils s’attroupent”, raconte-t-il.Car ces voitures “c’est l’identité irakienne. Tout le monde aime voir son histoire et notre patrimoine”.

Chute des ventes de tabac, dans le viseur du gouvernement

Les ventes de tabac ont chuté de plus de 11% l’an dernier en France, révèle vendredi l’Observatoire français des drogues et des tendances addictives (OFDT), dressant le constat d’une “diminution continue” du tabagisme, que le gouvernement veut évincer de beaucoup d’espaces publics.Au lendemain des annonces gouvernementales qui doivent prendre effet au 1er juillet, l’OFDT rappelle dans son bilan annuel que le tabagisme se situe à un “niveau historiquement bas” en France.”Les volumes de tabac vendus dans le réseau des buralistes ont diminué de 11,5% en 2024 par rapport à 2023″, écrit l’OFDT dans une note qui détaille une baisse de 12,3% des cigarettes et de 13,2% pour le tabac à rouler.Cette baisse continue depuis plusieurs années (-7% en moyenne entre 2017 et 2024) est aujourd’hui uniforme sur le territoire, soulignent les auteurs de la note, relevant en particulier une diminution dans les mêmes proportions dans les départements frontaliers avec la Belgique, là où la baisse est d’ordinaire plus marquée en raison des achats transfrontaliers. Mais la Belgique a appliqué à partir de janvier 2024 une hausse de 25% des prix du tabac.D’autres produits du tabac, comme les cigares, le tabac à priser ou le tabac à mâcher ont en revanche vu leurs ventes progresser de 2%.Malgré la diminution des ventes et du tabagisme, “le chiffre d’affaires global du tabac atteint 19,3 milliards d’euros, avec une croissance moyenne de 0,9% par an depuis 2017 portée par la hausse des prix”, note l’Observatoire. Au total, en 2024, 32.846 tonnes de tabac se sont vendus en France hexagonale.Ces chiffres ne tiennent pas compte du marché noir du tabac mais reflètent “la majeure partie du marché”, assurent les auteurs de la note.- le sevrage en augmentation -La baisse des ventes “s’accompagne d’une diminution continue du tabagisme”, qui se situe à un “niveau historiquement bas”, estime l’OFDT, qui se réfère sur ce point à des données de 2023.Moins d’un quart des adultes de 18 à 75 ans déclarait fumer quotidiennement, selon ces dernières données, soit “la prévalence la plus faible jamais enregistrée depuis 2000”.Cela s’explique notamment par les dispositifs d’aide au sevrage, une pratique qui a “considérablement augmenté” entre 2023 et 2024, à commencer par les traitements de substitution nicotinique (+10% de ventes), selon l’organe de référence. “Ces changements montrent un intérêt croissant pour sortir du tabagisme, soutenu par des politiques publiques”, écrivent encore les auteurs.Jeudi, la ministre du Travail, de la Santé, des Solidarités et des Familles, Catherine Vautrin, a annoncé que le gouvernement mettrait en Å“uvre au 1er juillet une interdiction de la cigarette dans de nombreux espaces publics: plages, parcs, jardins publics, abords d’établissements scolaires, abribus…Le non-respect de cette interdiction promise depuis fin 2023 pourra engendrer 135 euros d’amende: “Là où il y a des enfants, le tabac doit disparaitre”, a justifié Mme Vautrin. “L’idée n’est pas au début d’aller contrôler et sanctionner tout le monde”, a nuancé le ministère de la Santé vendredi auprès de la presse, évoquant une période de “pédagogie” et de “communication”. Mais ce tour de vis et la généralisation des espaces sans tabac, même s’ils ne concernent pas les terrasses de cafés ni les cigarettes électroniques, constitue un “ajout salutaire à (…) la réglementation anti-tabac”, s’est réjouie la Ligue contre le cancer.

Les plages de carte postale, le poison qui tue la côte croate à petit feu

Sable blanc, eau cristalline, soleil ardent et vacances idylliques vantent les brochures, mais la promesse de carte postale se paie au prix d’un pacte faustien entre touristes et promoteurs qui détruit à petit feu le littoral croate. Certaines plages y résistent, et inventent les solutions de demain au surtourisme.Sur ses plus de 6.000 kilomètres de côtes – îles comprises – la Croatie ne possède que 6% de plage de sable ou de galets. Mais les millions de visiteurs qui déferlent chaque année pour plonger dans l’Adriatique s’attendent presque tous à pouvoir étaler leur serviette sur du doux sable blanc immaculé.   “Notre problème, c’est l’espace”, résume Dalibor Carevic, professeur à l’Université de Zagreb, spécialisé en génie côtier. “Où voulez-vous installer tant de touristes qui veulent tous s’allonger sur la plage ?”. Depuis quelques années, certaines stations balnéaires agrandissent artificiellement leur plage en procédant à un “rechargement”. Du gravier finement concassé pour ressembler à du sable, ou de petits galets prélevés ailleurs, dans les fonds marins ou des carrières, sont utilisés pour en étendre la surface. Comme à Primosten, entre Split et Zadar. Une rapide recherche d’images sur internet révèle une plage blonde et des eaux turquoise.Mi-mai, lorsque les rayons du soleil sont encore tempérés par le vent de printemps, ce n’est pas l’image de carte postale qui accueille les visiteurs, mais des camions chargés de gravats, qui arpentent la plage bordée de pins. Les touristes ont commencé à arriver à Primosten à la fin des années 1960. “Et à l’époque, il n’y avait pas de plage”, explique à l’AFP le maire, Stipe Petrina, dans son bureau dont le balcon donne sur l’adriatique. “Ici, tout était rocher”.- “Les sauvages” -Lorsque les premiers touristes sont arrivés, il y a une soixantaine d’années, les rochers ont été aménagés pour aplatir la côte et permettre aux vacanciers de rentrer dans l’eau plus aisément. Avec les vents du sud qui battent la plage pendant des semaines, l’érosion s’est accélérée, et la plage a rétréci. Elu sans discontinuer depuis 2005, le maire lance en 2010 un projet d’extension de la plage. “L’idée c’était de donner à tout le monde la possibilité d’accéder à ce bien public qu’est la mer”, décrit-il, entre deux descriptions imagées de ses démêlés avec la justice – qui a tenté d’empêcher ses projets d’artificialisation.”Ils nous ont décrit comme les sauvages de Primosten”, se rappelle-t-il. “Oui, on a pris (des roches) dans la carrière. Et tout ce qui était là, tout ce qui nous embêtait, on l’a aplati. Et oui, on nous a accusés de détruire les rochers. Ok. Mais aujourd’hui, ces plages, où 95% des gens nagent, sont là. Ceux qui le veulent peuvent marcher un peu et aller se baigner en sautant des rochers. Mais je ne vois pas beaucoup de gens le faire”.Sa ville – 2.800 habitants, 65 bars et restaurants – accueille jusqu’à 90.000 touristes par an. Cette année, le maire en attend plus : Primosten a été décrite par plusieurs agences de voyage britanniques comme le “joyau caché” de Croatie avec ses “plages de sable fin et des eaux cristallines”. C’est simple, résume l’édile, “vous ne pouvez pas avoir 15.000 touristes et une plage qui ne peut en accueillir que 2.000. Nous sommes Primosten. La station balnéaire. Et on vit du tourisme à 100%”. Un constat qui peut être élargi à tout le littoral. La Croatie n’est pas la seule à recharger ses plages : l’Espagne, la France, l’Italie … le font aussi, souligne Dalibor Carevic.Mais la mer croate dans laquelle très peu de rivières se jettent par rapport à ces pays est également moins habituée à l’ajout de sédiments venus d’un autre environnement – et son écosystème y réagit plus violemment.- Résistance -“Plus l’apport économique de la côte grandi, plus de l’espace est pris à la mer – pas seulement pour agrandir les plages, mais aussi pour construire des parkings, des ports, des routes … Nous sommes en train de rendre notre côte artificielle. A grande échelle”, regrette Dalibor Carevic.Toute ? Non. Une petite plage résiste depuis quelques années.A Sakarun, sur l’île de Dugi Otok, les camions passaient aussi chaque année pour retirer les posidonies, ces herbes de mer dont les feuilles mortes viennent s’échouer sur les plages en hiver et former de larges “banquettes” aux couleurs sombres sur les plages, qu’elles protègent ainsi de l’érosion.Ces “poumons des mers” servent aussi de puits de carbone et de nurserie pour poissons.Pendant des années, elles ont pourtant été consciencieusement enlevées.”Ce que les touristes cherchent sur cette plage c’est le sable”, constate Kristina Pikelj, professeure de géologie à l’Université de Zagreb et protectrice de la plage qui a fait de la défense des posidonies son combat.En 2021, elle a lancé un projet de recherche autour de la plage, couplé à des initiatives pour éduquer la population locale et les touristes à leurs bienfaits.  “Les posidonies protègent ce qu’il y a sous elles, elles protègent le sable. A chaque fois qu’on les enlève cela crée de l’érosion”, explique la professeure, car “on retire plus de sédiment que ce que la nature peut apporter”.Grâce à son travail et à la compréhension des habitants, depuis trois ans, les camions ont disparu. Les posidonies sont simplement déplacées, stockées jusqu’à la fin de la saison touristique, et repositionnées.”Il y a des solutions”, martèle la chercheuse qui vient chaque mois évaluer l’état de la plage. “Bien sûr, ça demande du travail – comme tout, et de l’argent, mais l’argent doit être investi”. En 2024, le tourisme a rapporté presque 15 milliards d’euros à la Croatie. Mais si elles attirent les visiteurs, ces plages ne sont pas éternelles.Avec le réchauffement climatique, “le niveau des mers augmente, la taille des vagues augmente, et si vous avez construit une plage artificielle – et probablement une rangée d’immeubles sur la côte, ces plages vont se retrouver coincées entre les immeubles et une mer qui monte, et irrémédiablement vont rétrécir”, au risque de disparaitre.La hausse du nombre de tempêtes et des conditions météorologiques extrêmes rendent aussi les plages artificielles plus précaires – chaque tempête emporte un peu plus de sédiment dans la mer. Mais rien n’est encore irréversible, veulent croire la professeure Pikelj et ses étudiantes venues prélever des échantillons à Sakarun pour imaginer les solutions de demain à la pollution des plages. “Les étudiants ont beaucoup d’énergie, on essaye de sensibiliser le public et de changer les choses avec nos travaux sur le terrain et en laboratoire”, s’enthousiasme Marija Meklav, 24 ans. “Notre génération peut y arriver”.

Les plages de carte postale, le poison qui tue la côte croate à petit feu

Sable blanc, eau cristalline, soleil ardent et vacances idylliques vantent les brochures, mais la promesse de carte postale se paie au prix d’un pacte faustien entre touristes et promoteurs qui détruit à petit feu le littoral croate. Certaines plages y résistent, et inventent les solutions de demain au surtourisme.Sur ses plus de 6.000 kilomètres de côtes – îles comprises – la Croatie ne possède que 6% de plage de sable ou de galets. Mais les millions de visiteurs qui déferlent chaque année pour plonger dans l’Adriatique s’attendent presque tous à pouvoir étaler leur serviette sur du doux sable blanc immaculé.   “Notre problème, c’est l’espace”, résume Dalibor Carevic, professeur à l’Université de Zagreb, spécialisé en génie côtier. “Où voulez-vous installer tant de touristes qui veulent tous s’allonger sur la plage ?”. Depuis quelques années, certaines stations balnéaires agrandissent artificiellement leur plage en procédant à un “rechargement”. Du gravier finement concassé pour ressembler à du sable, ou de petits galets prélevés ailleurs, dans les fonds marins ou des carrières, sont utilisés pour en étendre la surface. Comme à Primosten, entre Split et Zadar. Une rapide recherche d’images sur internet révèle une plage blonde et des eaux turquoise.Mi-mai, lorsque les rayons du soleil sont encore tempérés par le vent de printemps, ce n’est pas l’image de carte postale qui accueille les visiteurs, mais des camions chargés de gravats, qui arpentent la plage bordée de pins. Les touristes ont commencé à arriver à Primosten à la fin des années 1960. “Et à l’époque, il n’y avait pas de plage”, explique à l’AFP le maire, Stipe Petrina, dans son bureau dont le balcon donne sur l’adriatique. “Ici, tout était rocher”.- “Les sauvages” -Lorsque les premiers touristes sont arrivés, il y a une soixantaine d’années, les rochers ont été aménagés pour aplatir la côte et permettre aux vacanciers de rentrer dans l’eau plus aisément. Avec les vents du sud qui battent la plage pendant des semaines, l’érosion s’est accélérée, et la plage a rétréci. Elu sans discontinuer depuis 2005, le maire lance en 2010 un projet d’extension de la plage. “L’idée c’était de donner à tout le monde la possibilité d’accéder à ce bien public qu’est la mer”, décrit-il, entre deux descriptions imagées de ses démêlés avec la justice – qui a tenté d’empêcher ses projets d’artificialisation.”Ils nous ont décrit comme les sauvages de Primosten”, se rappelle-t-il. “Oui, on a pris (des roches) dans la carrière. Et tout ce qui était là, tout ce qui nous embêtait, on l’a aplati. Et oui, on nous a accusés de détruire les rochers. Ok. Mais aujourd’hui, ces plages, où 95% des gens nagent, sont là. Ceux qui le veulent peuvent marcher un peu et aller se baigner en sautant des rochers. Mais je ne vois pas beaucoup de gens le faire”.Sa ville – 2.800 habitants, 65 bars et restaurants – accueille jusqu’à 90.000 touristes par an. Cette année, le maire en attend plus : Primosten a été décrite par plusieurs agences de voyage britanniques comme le “joyau caché” de Croatie avec ses “plages de sable fin et des eaux cristallines”. C’est simple, résume l’édile, “vous ne pouvez pas avoir 15.000 touristes et une plage qui ne peut en accueillir que 2.000. Nous sommes Primosten. La station balnéaire. Et on vit du tourisme à 100%”. Un constat qui peut être élargi à tout le littoral. La Croatie n’est pas la seule à recharger ses plages : l’Espagne, la France, l’Italie … le font aussi, souligne Dalibor Carevic.Mais la mer croate dans laquelle très peu de rivières se jettent par rapport à ces pays est également moins habituée à l’ajout de sédiments venus d’un autre environnement – et son écosystème y réagit plus violemment.- Résistance -“Plus l’apport économique de la côte grandi, plus de l’espace est pris à la mer – pas seulement pour agrandir les plages, mais aussi pour construire des parkings, des ports, des routes … Nous sommes en train de rendre notre côte artificielle. A grande échelle”, regrette Dalibor Carevic.Toute ? Non. Une petite plage résiste depuis quelques années.A Sakarun, sur l’île de Dugi Otok, les camions passaient aussi chaque année pour retirer les posidonies, ces herbes de mer dont les feuilles mortes viennent s’échouer sur les plages en hiver et former de larges “banquettes” aux couleurs sombres sur les plages, qu’elles protègent ainsi de l’érosion.Ces “poumons des mers” servent aussi de puits de carbone et de nurserie pour poissons.Pendant des années, elles ont pourtant été consciencieusement enlevées.”Ce que les touristes cherchent sur cette plage c’est le sable”, constate Kristina Pikelj, professeure de géologie à l’Université de Zagreb et protectrice de la plage qui a fait de la défense des posidonies son combat.En 2021, elle a lancé un projet de recherche autour de la plage, couplé à des initiatives pour éduquer la population locale et les touristes à leurs bienfaits.  “Les posidonies protègent ce qu’il y a sous elles, elles protègent le sable. A chaque fois qu’on les enlève cela crée de l’érosion”, explique la professeure, car “on retire plus de sédiment que ce que la nature peut apporter”.Grâce à son travail et à la compréhension des habitants, depuis trois ans, les camions ont disparu. Les posidonies sont simplement déplacées, stockées jusqu’à la fin de la saison touristique, et repositionnées.”Il y a des solutions”, martèle la chercheuse qui vient chaque mois évaluer l’état de la plage. “Bien sûr, ça demande du travail – comme tout, et de l’argent, mais l’argent doit être investi”. En 2024, le tourisme a rapporté presque 15 milliards d’euros à la Croatie. Mais si elles attirent les visiteurs, ces plages ne sont pas éternelles.Avec le réchauffement climatique, “le niveau des mers augmente, la taille des vagues augmente, et si vous avez construit une plage artificielle – et probablement une rangée d’immeubles sur la côte, ces plages vont se retrouver coincées entre les immeubles et une mer qui monte, et irrémédiablement vont rétrécir”, au risque de disparaitre.La hausse du nombre de tempêtes et des conditions météorologiques extrêmes rendent aussi les plages artificielles plus précaires – chaque tempête emporte un peu plus de sédiment dans la mer. Mais rien n’est encore irréversible, veulent croire la professeure Pikelj et ses étudiantes venues prélever des échantillons à Sakarun pour imaginer les solutions de demain à la pollution des plages. “Les étudiants ont beaucoup d’énergie, on essaye de sensibiliser le public et de changer les choses avec nos travaux sur le terrain et en laboratoire”, s’enthousiasme Marija Meklav, 24 ans. “Notre génération peut y arriver”.

En visant les étudiants étrangers, les Etats-Unis pourraient se tirer une balle dans le pied

Lors de la campagne électorale, le candidat Donald Trump avait proposé de délivrer automatiquement des cartes de résident américain aux étudiants étrangers après leur diplôme, déplorant qu’ils quittent le pays pour créer des entreprises prospères en Chine et en Inde. De retour à la Maison Blanche, le président républicain a fait un virage à 180 degrés et expose les Etats-Unis au risque d’une dramatique fuite des cerveaux. En pleine offensive contre l’Université Harvard, qu’il considère comme son ennemi, Donald Trump a lancé une offensive inédite contre les étudiants étrangers, qui, selon les experts, risque de faire chuter les inscriptions et pourrait entraîner une fuite des meilleurs talents.Ces derniers jours, l’administration Trump a cherché à interdire à tous les étudiants étrangers d’étudier à Harvard, l’une des institutions les plus prestigieuses des États-Unis – une mesure suspendue jeudi par une juge – et le Secrétaire d’État Marco Rubio a promis de révoquer “avec fermeté” les visas des étudiants en provenance de Chine.Ceux-ci sont depuis longtemps le principal contingent d’étudiants étrangers aux États-Unis, même s’ils ont récemment été dépassés en nombre par l’Inde. M. Rubio a déjà fait révoquer des milliers de visas, principalement en raison de l’implication d’étudiants dans des manifestations contre l’offensive militaire d’Israël à Gaza, mais aussi en raison d’infractions comme des violations du code de la route. “Historiquement, les États-Unis ont la réputation dans le monde entier d’offrir un climat très ouvert pour la recherche scientifique et technique, ce qui attire beaucoup de gens, en particulier de pays qui n’ont pas nécessairement ce genre d’ouverture”, déclare Phoebe Sengers, professeur en sciences de l’information et en sciences et technologies à l’Université Cornell. Pour elle, il est certain que le nombre d’étudiants étrangers “va s’effondrer dans les années à venir”.- Universités vues comme “ennemies” – “Le problème est que les étudiants qui auraient pu venir (aux Etats-Unis) resteront dans leur pays ou iront dans d’autres pays où ils pourront obtenir une formation technique, et ils vont y créer des entreprises et entrer en concurrence directe avec nos entreprises”, a ajouté Mme Sengers.Les universités américaines sont depuis longtemps réputées être parmi les meilleures du monde, et parmi les plus coûteuses à fréquenter. Les étudiants internationaux qui paient la totalité des frais de scolarité sont des sources vitales de revenus, tout comme les subventions de recherche fédérales, que l’administration Trump a réduit également. Le Département d’État a justifié sa nouvelle politique en invoquant le “vol” de technologie américaine par la Chine, tandis que M. Trump a évoqué la nécessité de créer plus de places pour les étudiants américains. Mais le cercle rapproché de Donald Trump ne fait pas mystère de son antipathie pour les universités : elles seraient de gauche et favoriseraient les élites et les étrangers avec leurs coûts d’inscription élevés et leurs procédures d’admission très sélectives.Dans un discours de 2021 intitulé “Les universités sont l’ennemi”, le vice-président JD Vance avait annoncé la couleur.Pourtant, il est lui-même passé de la pauvreté aux plus hautes marches du pouvoir après avoir fréquenté les bancs de la prestigieuse faculté de droit de Yale, l’une des institutions les plus élitistes du pays.Les universités ont un poids économique majeur : les étudiants étrangers ont contribué directement à hauteur de 50 milliards de dollars dans l’économie américaine en 2023, selon le ministère du Commerce. De nombreux entrepreneurs américains de premier plan sont des immigrants venus en tant qu’étudiants, à commencer par l’allié de Trump, Elon Musk. Environ la moitié des entreprises du classement Fortune 500 ont été fondées par des immigrants ou leurs enfants. – “Irrationnel” – Krishna Bista, professeur à l’Université d’État Morgan qui étudie la mobilité des étudiants étrangers, estime que l’offensive actuelle de l’administration Trump “pourrait dissuader même les candidats les plus qualifiés” de venir étudier aux États-Unis.”Ce n’est pas juste un problème de visa, cela affecte le sentiment de sécurité, d’appartenance et de liberté académique des étudiants”, a-t-il expliqué. “D’autres pays élaborent des politiques pour recruter de jeunes talents, il est irrationnel pour les États-Unis de les repousser”, dit-elle. L’Université de Science et Technologie de Hong Kong a ainsi récemment offert des admissions accélérées aux étudiants de Harvard.Après avoir diminué après les attentats du 11 septembre 2001 en raison de restrictions accrues sur tous les visas, le nombre d’étudiants étrangers a atteint un record mondial de 1,1 million au cours de l’année académique 2023-24, selon un rapport de l’Institut d’éducation internationale. Mais les étudiants étrangers représentent un peu moins de 6% de la population universitaire américaine – bien en deçà de la Grande-Bretagne, la deuxième destination la plus prisée des étudiants internationaux, où le chiffre est de 25%. En France, il est de 14%. Mais le mal est peut-être déjà fait. “Même si (toutes ces mesures) étaient annulées demain, notre réputation de société ouverte et accueillante a déjà subi des dégâts importants”, estime Mme Sengers.Â