Coût du dérèglement climatique, inégalités de revenus: l’Insee a diffusé mardi de nouvelles données permettant d’analyser la croissance économique “au-delà” du PIB et lui ajouter une dimension environnementale et sociale.”Les comptes nationaux et leur indicateur phare, le produit intérieur brut (PIB), sont une référence installée et reconnue qui gardent tout leur intérêt, mais qui demandent à être complétés et mieux prendre en compte les dimensions environnementale et sociale”, a indiqué l’Institut national de la statistique et des études économiques dans un communiqué. Pour accompagner les publications macroéconomiques traditionnelles, il a dévoilé des comptes nationaux dits “augmentés” qui se focalisent sur les émissions de gaz à effet de serre (GES) et les inégalités de revenus entre les ménages. Ils ont vocation à être actualisés annuellement. C’est “une démarche un peu novatrice et l’aboutissement d’un assez long chantier (…), celui de pousser un peu les frontières de la comptabilité nationale”, a commenté son directeur général, Jean-Luc Tavernier, lors d’une conférence de presse. – “Découplage” -Une première étude pointe “une tendance au découplage” entre croissance économique et émissions de GES. Les émissions françaises se sont repliées de 5,6% en 2023 par rapport à 2022, à 403 millions de tonnes équivalent CO2, alors que le PIB a progressé de 1,1%. En conséquence, l’empreinte carbone (qui tient aussi compte des émissions lors de la production à l’étranger de biens importés pour satisfaire la demande française) s’est repliée de 4,1% à 644 millions de tonnes ou 9,4 tonnes par personne. “Quand on dépense 50 euros, on émet l’équivalent, en moyenne, de 10 kilos de CO2”, a souligné Nicolas Carnot, directeur des études et synthèses économiques. Les données signalent également qu’à l’exception du transport aérien, toutes les branches d’activité ont contribué à la baisse des émissions l’an dernier (agriculture, industrie, hôtellerie-restauration, etc.). Entre 2010 et 2023, les émissions générées par l’activité économique en France (hors celles des ménages) ont diminué de 25% et l’empreinte totale de 18%, selon l’Insee, quand le PIB et la demande finale ont augmenté de 15% et 16% respectivement (en euros constants).Outre des éléments conjoncturels comme la météo ou la disponibilité d’infrastructures de production d’électricité d’origine nucléaire, l’Insee l’explique notamment par la consommation d’intrants moins carbonés ou des technologies moins émissives. – Disparités “fortes” -Concernant les revenus, une autre étude montre que le revenu national net des 10% des personnes les plus aisées était en 2022 presque 24 fois plus élevé que celui des 10% les plus modestes, avant mécanismes de redistribution. Après impôts, prestations sociales et prise en compte des services publics, ce ratio tombe à 3,8. En tout, 57% de la population française bénéficie des mécanismes de redistribution (99% parmi les plus modestes, 17% parmi chez les plus aisés). En revanche, les disparités de consommation selon les catégories de ménages sont “fortes”. Les 20% des personnes les plus aisées dépensaient pour leur consommation privée en moyenne 2,3 fois plus que les 20% les plus modestes en 2022. Le taux d’épargne augmente fortement avec le niveau de vie, le niveau de diplôme ou de catégorie socioprofessionnelle – jusqu’à 27% du revenu disponible net pour les plus aisés, et rien pour les plus modestes.Le logement représente 34% des dépenses de ces derniers, mais 20% des plus aisés, lesquels consomment presque deux fois plus de loisirs et de culture (9% contre 5%). A ces publications s’ajoutent des indicateurs synthétiques complémentaires au PIB, à un stade “expérimental” selon Nicolas Carnot, pour prendre en compte le climat dans les comptes nationaux, tels les coûts des dommages futurs. Ainsi, le produit intérieur net ajusté des GES (PINA) apparaît moins élevé de 4,1% que l’indicateur usuel et l’épargne nette ajustée (ENA) ressort négative à -133 milliards d’euros en 2023, alors qu’elle est aujourd’hui positive, “c’est-à-dire qu’on laisse moins, une fois tenu compte des coûts climatiques, aux générations suivantes”, a souligné M. Carnot. Le coût total restant pour décarboner l’économie est évalué à 929 milliards d’euros.Est également élaboré un indicateur de croissance dite “équilibrée”, donnant une même importance à chaque individu dans le calcul des évolutions de revenus, alors qu’ils sont davantage pondérés dans le PIB.
Tue, 05 Nov 2024 16:13:48 GMT