Le président sud-coréen Yoon Suk Yeol paraît proche de la chute vendredi après avoir été lâché par son propre parti, qui a jugé qu’il constituait un “danger” pour le pays à la veille d’un vote au Parlement sur sa destitution après sa tentative ratée d’imposer la loi martiale.Craignant un nouveau coup de force du président, qui a disparu de l’espace public depuis mercredi à l’aube, les députés d’opposition ont décidé de camper dans l’hémicycle jusqu’à l’examen de la motion de destitution samedi soir.”Avec le vote sur la destitution prévu demain, les heures qui viennent sont extrêmement dangereuses”, a déclaré dans une interview à l’AFP vendredi le chef de l’opposition, Lee Jae-myung, estimant que le pays reste vulnérable à une “nouvelle tentative de loi martiale”.”Cette nuit sera le moment le plus critique”, a-t-il ajouté au Parlement où des autobus et d’autres véhicules ont été garés aux abors pour empêcher les éventuels hélicoptères des forces spéciales d’y atterrir, comme ils l’avaient fait dans la nuit de mardi à mercredi.Des manifestations pour réclamer le départ de l’impopulaire président conservateur devraient, selon la police, rassembler “des dizaines de milliers de participants” samedi devant le Parlement et dans le centre-ville de Séoul. Les organisateurs prévoient pour leur part 200.000 manifestants.Yoon Suk Yeol, 63 ans, est conspué de toutes parts après avoir, à la surprise générale, décrété la loi martiale mardi soir, avant de faire marche-arrière à peine six heures plus tard sous la pression des députés et de la rue.Il a été lâché vendredi par sa formation, le Parti du pouvoir au peuple (PPP) qui faisait auparavant bloc avec lui.”Ces derniers jours, comme beaucoup de Coréens, j’ai été choquée”, a confié lors d’un point presse à Stockholm la prix Nobel de littérature 2024, la Sud-Coréenne Han Kang, venue recevoir son prix à Stockholm en Suède. “Et j’ai gardé les yeux rivés sur les nouvelles pour voir les changements qui se produisent dans mon pays”, a-t-elle ajouté.- “Actions extrêmes” -Si M. Yoon ne démissionne pas avant, le Parlement monocaméral se réunira samedi à 5h00 locales (08H00 GMT) pour se prononcer sur sa destitution. Une majorité de 200 députés sur 300 est nécessaire pour le démettre.Le chef du PPP Han Dong-hoon avait initialement annoncé qu’il voterait contre la destitution avant de faire volte-face vendredi. Si M. Yoon reste à son poste, “il existe un risque important que des actions extrêmes similaires à la déclaration de la loi martiale se reproduisent, ce qui pourrait mettre la République de Corée et ses citoyens en grand danger”, a-t-il déclaré à la télévision.Il a également dit détenir des “preuves” que M. Yoon avait ordonné l’arrestation de dirigeants politiques dans la nuit de mardi à mercredi, alors que 280 soldats tentaient de prendre le contrôle du Parlement.”Au vu de nouveaux éléments, je crois qu’une suspension rapide du président Yoon Suk Yeol est nécessaire”, a estimé M. Han.Ce revirement de Han Dong-hoon “tient beaucoup à la gravité de la situation, en particulier la mobilisation des services de renseignements pour arrêter des élus”, a analysé auprès de l’AFP Shin Yul, professeur de sciences politiques à l’université de Myongji.Le PPP dispose de 108 sièges, contre 192 pour l’opposition qui doit donc rallier à sa cause au moins huit députés du parti du président. Une tâche qui ne devrait pas poser de difficulté après les déclarations du chef du PPP.Si la motion est approuvée, M. Yoon sera suspendu en attendant la validation de sa destitution par la Cour constitutionnelle. Si cette confirmation intervient, une élection présidentielle aura lieu sous 60 jours.L’intérim sera alors assuré par le Premier ministre Han Duck-soo.- “Assez chaotique” -Vendredi soir, au moins 15.000 opposants à Yoon ont bravé le froid pour se rassembler dans le quartier du parlement à Séoul, tenant des bougies et des pancartes à la main appelant à la démission du président et réclamant son arrestation, alors que des rumeurs de seconde loi martiale ont couru.”Quoi qu’il arrive au président Yoon demain, la vie politique va être assez chaotique en Corée dans les prochains temps”, s’inquiétait un habitant de Séoul, Kim Hye-ryeong, 47 ans, interrogé par l’AFP dans un autre quartier de la capitale. Yoon Suk Yeol, qui a enchaîné les crises depuis son arrivée au pouvoir en 2022, est désormais visé par une enquête pour “rebellion” et sa cote de popularité a plongé à 13%, selon un sondage Gallup publié vendredi.Dans son allocution télévisée annonçant la loi martiale mardi soir, il avait justifié cette mesure par la nécessité de protéger “la Corée du Sud libérale des menaces des forces communistes nord-coréennes et pour éliminer les éléments hostiles à l’Etat”.Il avait accusé le Parlement contrôlé par l’opposition de bloquer “tous les budgets essentiels aux fonctions premières de la nation”.Malgré le bouclage de l’Assemblée par l’armée et la police, 190 députés avaient réussi à se faufiler à l’intérieur. Ils avaient voté à l’unanimité une motion contre la loi martiale, pendant que leurs assistants empêchaient les soldats de pénétrer dans l’hémicycle en barricadant les portes avec des meubles.Dans le même temps, des milliers de manifestants s’étaient massés devant le Parlement pour demander le départ du président. Ce dernier a finalement abrogé la loi martiale mercredi à l’aube et renvoyé l’armée dans ses casernes.Principal allié de Séoul, Washington n’a pas demandé publiquement le départ de Yoon. Le secrétaire d’Etat américain Antony Blinken a dit vendredi à son homologue coréen Cho Tae-yul qu’il s'”attendait à ce que le processus démocratique l’emporte”.
Fri, 06 Dec 2024 15:00:03 GMT