En Espagne, la fin programmée du nucléaire met le gouvernement sous tension

A rebours d’une partie de l’UE, acquise au retour de l’atome, l’Espagne continue de miser sur une sortie définitive du nucléaire, prévue à l’horizon 2035. Mais la pression monte sur l’exécutif, sommé par de nombreux acteurs de revoir sa position.”Notre pari, c’est les renouvelables”: voilà, résumé par la ministre de l’Ecologie Sara Aagesen, le credo de l’Espagne, devenue en quelques années l’un des champions européens de la transition énergétique. Un choix assumé par le gouvernement de gauche, qui souhaite fermer toutes ses centrales nucléaires d’ici 10 ans.Pour le pays, c’est un “changement important” car cela implique de compenser “une énergie constante et prévisible” par des sources d’énergie “plus volatiles”, comme le solaire et l’éolien, explique à l’AFP Enric Bartlett, professeur spécialiste de l’énergie à l’Esade Law School.Au plus fort de l’engouement pour l’atome, dans les années 1980, l’Espagne disposait de huit centrales, qui fournissaient 38% de son électricité. Aujourd’hui, elle n’en a plus que cinq, comptant sept réacteurs et représentant 20% de son mix électrique.Et ce poids devrait à nouveau reculer en 2027-2028 avec la fermeture programmée des deux réacteurs d’Almaraz, dans la région d’Estrémadure (ouest). Cette centrale, la plus puissante du pays, produit 7% de l’électricité espagnole et 15% de l’électricité madrilène.Sa fermeture, actée en 2019 dans le Plan national pour l’énergie et le climat (PNIEC), a reçu l’aval des entreprises concernées. Mais à l’approche de la date butoir, qui implique de lancer très en amont la mise en veille, l’inquiétude monte dans la filière.- “Irréparable” -Pour les partisans de l’atome, la donne a en effet changé: “L’accord a été adopté dans un contexte industriel, géopolitique, social et économique complètement différent”, estime le Forum nucléaire, lobby représentant le secteur.Avec l’électrification du parc automobile et les besoins générés par l’essor des data centers, sur fond d’engouement pour l’intelligence artificielle (IA), la demande d’électricité risque en effet de bondir dans la péninsule au cours des prochaines années.Dans ce contexte, on ne peut pas “fermer les centrales” sans s’assurer qu’il y a “une alternative viable avec toutes les sources d’énergie non émettrices de CO2”, insiste le Forum, qui met en garde sur un possible impact pour le “tissu productif” espagnol.Un message relayé récemment par Ignacio Sánchez Galán, président du géant énergétique Iberdrola, qui exploite des parcs renouvelables mais aussi plusieurs centrales nucléaires: l’atome “est absolument nécessaire” pour que “les lumières restent allumées”, a-t-il insisté.Avec une trentaine d’autres entreprises, Iberdrola a publié fin février un manifeste pour une “prolongation de la vie des centrales”. “Le démantèlement prématuré de ces infrastructures serait un coup économique et social irréparable” pour l’Espagne, assure le texte.- “Souveraineté” -Le gouvernement du socialiste Pedro Sánchez fait également face à une offensive politique du Parti populaire (droite), principale formation d’opposition, qui vient de faire voter au Parlement une résolution demandant à l’exécutif de suivre l’exemple de ses voisins européens.Début février, la Belgique a en effet annoncé vouloir prolonger la vie de ses réacteurs. La Suède et les Pays-Bas ont lancé de nouveaux projets de centrales. Et l’Italie vient de rouvrir l’hypothèse d’un retour à l’atome, 25 ans après avoir fermé ses derniers réacteurs.Il faut “protéger l’emploi et la souveraineté énergétique du pays”, a martelé la présidente conservatrice de la région de Madrid Isabel Diaz Ayuso lors d’un déplacement fin février à la centrale d’Almaraz, où les syndicats de salariés sont également mobilisés.Aujourd’hui, l’Espagne “n’est pas prête pour remplacer le nucléaire”, a insisté l’élue, qui met en garde contre une hausse des tarifs de l’électricité – qui pourrait atteindre 23% pour les ménages et 35% pour les entreprises, selon une étude de PwC.Face à cette fronde, la ministre Sara Aagesen a joué ces dernières semaines la prudence, en rappelant que les entreprises avaient elles-mêmes “fixé le calendrier de fermeture” et en insistant sur la solidité du système électrique espagnol.Si en 2035 “nous avons la puissance installée et les réseaux de transport et de stockage adéquats (…) le plan de fermeture devrait pouvoir être mené à bien sans perturbations”, abonde Enric Bartlett. Mais pour y parvenir, selon lui, il faudra “augmenter sensiblement les investissements”.
A rebours d’une partie de l’UE, acquise au retour de l’atome, l’Espagne continue de miser sur une sortie définitive du nucléaire, prévue à l’horizon 2035. Mais la pression monte sur l’exécutif, sommé par de nombreux acteurs de revoir sa position.”Notre pari, c’est les renouvelables”: voilà, résumé par la ministre de l’Ecologie Sara Aagesen, le credo de l’Espagne, devenue en quelques années l’un des champions européens de la transition énergétique. Un choix assumé par le gouvernement de gauche, qui souhaite fermer toutes ses centrales nucléaires d’ici 10 ans.Pour le pays, c’est un “changement important” car cela implique de compenser “une énergie constante et prévisible” par des sources d’énergie “plus volatiles”, comme le solaire et l’éolien, explique à l’AFP Enric Bartlett, professeur spécialiste de l’énergie à l’Esade Law School.Au plus fort de l’engouement pour l’atome, dans les années 1980, l’Espagne disposait de huit centrales, qui fournissaient 38% de son électricité. Aujourd’hui, elle n’en a plus que cinq, comptant sept réacteurs et représentant 20% de son mix électrique.Et ce poids devrait à nouveau reculer en 2027-2028 avec la fermeture programmée des deux réacteurs d’Almaraz, dans la région d’Estrémadure (ouest). Cette centrale, la plus puissante du pays, produit 7% de l’électricité espagnole et 15% de l’électricité madrilène.Sa fermeture, actée en 2019 dans le Plan national pour l’énergie et le climat (PNIEC), a reçu l’aval des entreprises concernées. Mais à l’approche de la date butoir, qui implique de lancer très en amont la mise en veille, l’inquiétude monte dans la filière.- “Irréparable” -Pour les partisans de l’atome, la donne a en effet changé: “L’accord a été adopté dans un contexte industriel, géopolitique, social et économique complètement différent”, estime le Forum nucléaire, lobby représentant le secteur.Avec l’électrification du parc automobile et les besoins générés par l’essor des data centers, sur fond d’engouement pour l’intelligence artificielle (IA), la demande d’électricité risque en effet de bondir dans la péninsule au cours des prochaines années.Dans ce contexte, on ne peut pas “fermer les centrales” sans s’assurer qu’il y a “une alternative viable avec toutes les sources d’énergie non émettrices de CO2”, insiste le Forum, qui met en garde sur un possible impact pour le “tissu productif” espagnol.Un message relayé récemment par Ignacio Sánchez Galán, président du géant énergétique Iberdrola, qui exploite des parcs renouvelables mais aussi plusieurs centrales nucléaires: l’atome “est absolument nécessaire” pour que “les lumières restent allumées”, a-t-il insisté.Avec une trentaine d’autres entreprises, Iberdrola a publié fin février un manifeste pour une “prolongation de la vie des centrales”. “Le démantèlement prématuré de ces infrastructures serait un coup économique et social irréparable” pour l’Espagne, assure le texte.- “Souveraineté” -Le gouvernement du socialiste Pedro Sánchez fait également face à une offensive politique du Parti populaire (droite), principale formation d’opposition, qui vient de faire voter au Parlement une résolution demandant à l’exécutif de suivre l’exemple de ses voisins européens.Début février, la Belgique a en effet annoncé vouloir prolonger la vie de ses réacteurs. La Suède et les Pays-Bas ont lancé de nouveaux projets de centrales. Et l’Italie vient de rouvrir l’hypothèse d’un retour à l’atome, 25 ans après avoir fermé ses derniers réacteurs.Il faut “protéger l’emploi et la souveraineté énergétique du pays”, a martelé la présidente conservatrice de la région de Madrid Isabel Diaz Ayuso lors d’un déplacement fin février à la centrale d’Almaraz, où les syndicats de salariés sont également mobilisés.Aujourd’hui, l’Espagne “n’est pas prête pour remplacer le nucléaire”, a insisté l’élue, qui met en garde contre une hausse des tarifs de l’électricité – qui pourrait atteindre 23% pour les ménages et 35% pour les entreprises, selon une étude de PwC.Face à cette fronde, la ministre Sara Aagesen a joué ces dernières semaines la prudence, en rappelant que les entreprises avaient elles-mêmes “fixé le calendrier de fermeture” et en insistant sur la solidité du système électrique espagnol.Si en 2035 “nous avons la puissance installée et les réseaux de transport et de stockage adéquats (…) le plan de fermeture devrait pouvoir être mené à bien sans perturbations”, abonde Enric Bartlett. Mais pour y parvenir, selon lui, il faudra “augmenter sensiblement les investissements”.