Jean-Marie Le Pen, bâtisseur de l’extrême droite française moderne, est mort

Jean-Marie Le Pen, figure de l’extrême droite française et finaliste de la présidentielle de 2002, est mort mardi à l’âge de 96 ans à Garches (Hauts-de-Seine), dans un établissement où il avait été admis il y a plusieurs semaines.”Jean-Marie Le Pen, entouré des siens, a été rappelé à Dieu ce mardi à 12H00″, a indiqué sa famille dans un communiqué transmis à l’AFP.”Engagé sous l’uniforme de l’armée française en Indochine et en Algérie, tribun du peuple à l’Assemblée nationale et au Parlement européen, il a toujours servi la France, défendu son identité et sa souveraineté”, a salué sur X le président du Rassemblement national (RN), Jordan Bardella. Marine Le Pen, qui se trouvait lors de l’annonce de la mort de son père dans un avion qui la ramenait en métropole de Mayotte où elle s’était rendue après le passage dévastateur du cyclone Chido, a atterri à Paris peu après 23H00. A l’aéroport Charles-de-Gaulle, l’un de ses conseillers a indiqué à des journalistes qui attendaient la leader d’extrême droite qu’elle avait déjà quitté les lieux, sans avoir été aperçue. Sa sœur, Marie-Caroline Le Pen, candidate malheureuse aux législatives de juillet, et épouse de Philippe Olivier, l’un des principaux conseillers politiques de Marine Le Pen, a pour sa part réagi sur X : “De ce chagrin, tu ne pourras pas me consoler. À Dieu Papa.”Marion Maréchal, petite-fille de Jean-Marie Le Pen, a aussi publié un long message dans lequel elle assure qu’elle “n’abandonnera pas la mission”. “Tu as suscité, tout au long de ta vie, des centaines de milliers de vocations”, a poursuivi l’eurodéputée.Mardi soir, plusieurs centaines d’opposants se sont rassemblés dans certaines villes de France pour célébrer, avec chants, fumigènes et feux d’artifice, le décès de cette figure historique de l’extrême droite.”La jeunesse emmerde le Front national”, ont scandé des manifestants Place de la République à Paris.A Marseille, où entre 200 à 300 personnes se sont retrouvées sur le Vieux Port, l’ambiance était festive, entre bouteilles de champagne, petits chapeaux de fête et cette pancarte: “Enfin”.Le ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, a condamné sur X des “scènes de liesse honteuses”, relevant que “la mort d’un homme, fût-il un adversaire politique, ne devrait inspirer que de la retenue et de la dignité” et non qu'”on danse sur un cadavre”.Celui qui était le plus jeune député lors de son élection en 1956 à l’Assemblée nationale -il était le dernier député de la IVe République encore en vie- doit, selon ses volontés, être inhumé à La Trinité-sur-Mer (Morbihan), où reposent ses parents.Sa mort a été annoncée alors qu’une partie de la classe politique était réunie à Paris devant l’Hyper Cacher de la Porte de Vincennes, dix ans après les attentats de janvier 2015. – Multiples condamnations -L’Elysée a estimé dans un communiqué que Jean-Marie Le Pen était une “figure historique de l’extrême droite” française dont le “rôle dans la vie publique de notre pays pendant près de soixante-dix ans (…) relève désormais du jugement de l’Histoire”.Le Premier ministre, François Bayrou, a reconnu “une figure de la vie politique française”, au-delà “des polémiques qui étaient son arme préférée et des affrontements nécessaires sur le fond”.Des propos jugés trop laudatifs par plusieurs responsables de gauche.”C’était un raciste. Un antisémite. Un colonialiste. Un nostalgique du régime de Vichy. Un antiféministe… Un multirécidiviste qui a fondé le FN avec des SS. Pas une figure de la vie politique française”, a commenté le secrétaire général du Parti socialiste Pierre Jouvet.Jean-Marie Le Pen a en effet multiplié tout au long de sa carrière les déclarations sulfureuses et provocations verbales. Il a été plusieurs fois condamné, notamment pour contestation de crime contre l’humanité.”La fin de la vie de Jean-Marie Le Pen ne doit pas marquer le début de sa réhabilitation”, a commenté Yonathan Arfi, président du Crif.Le fondateur du Front national, devenu Rassemblement national, s’était peu à peu retiré de la vie politique à partir de 2011, lorsque sa fille Marine avait repris la présidence du parti.Affaibli par plusieurs accidents de santé, une expertise médicale avait constaté en juin “une profonde détérioration” de son état physique et psychique, estimant qu’il n’était pas en mesure ni “d’être présent”, ni de “préparer sa défense” au procès des assistants des eurodéputés FN qui s’est tenu cet automne à Paris.Mi-novembre, il avait été hospitalisé puis admis dans une structure à Garches, non loin de son domicile de Rueil-Malmaison.Fidèle compagnon de route, Bruno Gollnisch, ex-député FN, a indiqué à l’AFP qu’il lui avait rendu visite il y a une dizaine de jours. “Nous avions plaisanté, il avait toute sa tête et récitait du Victor Hugo. Mais la communication n’était pas toujours très facile, il voyait et entendait de plus en plus difficilement”.- Front républicain -Tribun hors-pair, provocateur sulfureux obsédé par l’immigration et les juifs, patriarche contrarié par les siens, le Breton qui aimait à être surnommé “le menhir” avait sorti l’extrême droite française de sa marginalité au cours d’une carrière politique qui a marqué la Ve République.Le plus emblématique de ses succès restera inachevé. Le 21 avril 2002, à 73 ans et pour sa quatrième candidature à l’Élysée, il crée la surprise en se qualifiant pour le second tour de l’élection présidentielle.Le triomphe a son revers: pendant quinze jours, des millions de personnes défilent contre le racisme et son incarnation politique. Surtout, Jean-Marie Le Pen permet la réélection facile de son ennemi juré, Jacques Chirac.Vingt-deux ans plus tard, alors que le RN venait de triompher aux élections européennes, une providentielle dissolution décidée par Emmanuel Macron laissait entrevoir la possibilité que Marine Le Pen emmène l’extrême droite au pouvoir, un rêve auquel il s’était finalement mis à croire mais qui s’est encore fracassé sur un “front républicain”.Jean-Marie Le Pen, après avoir été marié avec Pierrette Lalanne, la mère de ses filles Marie-Caroline, Yann (elle-même mère de l’eurodéputée Marion Maréchal) et Marine, avait épousé en secondes noces Jany Paschos.Dans un communiqué, le RN a évoqué la mémoire de “celui qui, dans les tempêtes, tint entre ses mains la petite flamme vacillante de la nation française”.Le leader de La France insoumise (LFI) Jean-Luc Mélenchon a pour sa part estimé que “le combat contre l’homme est fini” mais “celui contre la haine, le racisme, l’islamophobie et l’antisémitisme qu’il a répandus, continue”. Plusieurs responsables de gauche ont aussi appelé à poursuivre “sans relâche” la lutte contre l’extrême droite.