Justice des mineurs: au Sénat, l’alliance gouvernementale au défi de son unité sur un texte d’Attal

L’initiative de Gabriel Attal pour “restaurer l’autorité” de la justice à l’égard des mineurs délinquants révèle des fragilités au sein de la coalition gouvernementale au Sénat, où les désaccords sont nombreux au début de l’examen mardi soir d’un texte de l’ancien Premier ministre.Comparution immédiate, sanction des parents des délinquants mineurs, dérogations à l’excuse de minorité… En réaction à plusieurs faits divers violents impliquant de plus en plus d’adolescents, Gabriel Attal espère voir le Sénat adopter sa proposition de loi durcissant la justice applicable aux mineurs.Mais à l’ouverture des débats mardi soir, le patron du parti présidentiel Renaissance fait encore face à des réticences. Celles des professionnels du monde judiciaire et de l’enfance -des rassemblements ont eu lieu devant plusieurs tribunaux et devant le Sénat mardi à l’appel de syndicats de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ)-, mais aussi celles de certains alliés politiques. Déjà mouvementés à l’Assemblée nationale en février, les débats le sont aussi au Sénat: en commission des Lois ces derniers jours, le texte a été largement vidé de sa substance à l’initiative du rapporteur Les Républicains Francis Szpiner, peu convaincu de l’efficacité du dispositif proposé.- Mesures rétablies ? -“Rien n’est pire que les lois inutiles et inapplicables”, a-t-il lancé dans la soirée, alertant ses collègues sur l’importance de “ne pas légiférer sous le coup de l’émotion” et craignant “une loi de circonstance”.Ce soutien de Bruno Retailleau dans la campagne des Républicains a ainsi proposé et obtenu la suppression de la plupart des dispositifs clés en commission, contre l’avis de plusieurs cadres de son camp LR et avec l’aide de la gauche qui s’oppose au texte et juge plusieurs dispositifs inconstitutionnels…Mais Gabriel Attal dispose au Sénat de plusieurs relais de poids pour tenter de rétablir les mesures supprimées, comme le chef du puissant groupe centriste Hervé Marseille. Idem pour le garde des Sceaux Gérald Darmanin, favorable au texte. Ce dernier a plaidé dans l’hémicycle pour que le Sénat “s’entende pour garder la force du texte voulu par Gabriel Attal”. Durant les débats qui s’étireront jusqu’à mercredi, il proposera ainsi de rétablir la création d’une procédure de comparution immédiate pour les mineurs à partir de 16 ans pour des faits graves, et devrait soutenir divers amendements visant à modifier le régime de l’excuse de minorité, en en faisant l’exception et non plus la règle dans certains cas.- Texte “dézingué” -Plusieurs mesures, supprimées totalement ou partiellement en commission, entendent par ailleurs responsabiliser les parents de mineurs délinquants.Les débats risquent surtout de révéler au grand jour certaines divisions au sein de la majorité sénatoriale, une alliance droite-centristes rarement perturbée ces derniers mois.Des dissensions existent aussi à l’intérieur même du groupe LR, où les positions du rapporteur Francis Szpiner, ténor du barreau qui concurrence Rachida Dati pour l’investiture de la droite à la mairie de Paris, en ont surpris plus d’un.”Dézinguer le texte comme cela a été fait est totalement contraire à la ligne défendue par Les Républicains, Bruno Retailleau et le Sénat ces dernières années”, s’agace Marc-Philippe Daubresse, l’un des cadres du groupe LR qui redoute de voir émerger “un problème politique” autour de cette proposition de loi.”Chez LR, on reproche suffisamment de choses à l’aile gauche de la macronie lorsqu’elle freine nos propositions, pour s’opposer quand Gabriel Attal vient partager toutes nos positions”, reprend-il auprès de l’AFP, appelant à la “cohérence” et promettant de s’allier avec les centristes pour rétablir la plupart des mesures.Devant ces divisions, la gauche, opposée aux mesures initiales, se frotte les mains: “Si le texte reste vidé de sa substance, nous pourrions nous abstenir”, glisse la socialiste Laurence Harribey, satisfaite d’observer, à distance, ces “règlements de compte du socle commun”.”Quand je vois la gauche se réjouir du travail du rapporteur, je me dis qu’on est vraiment dans le mauvais chemin. Il faut revenir à nos fondamentaux”, a réagi mardi sur Public Sénat un autre sénateur LR, Stéphane Le Rudulier, qui espère voir le texte être “remusclé”.