La France confrontée au risque d’une rétrogradation par Moody’s

Rétrogradation ou statu quo? L’agence de notation Moody’s dévoilera vendredi soir son évaluation de la note de la dette souveraine de la France, un rendez-vous à haut risque pour le pays, fragilisé par la dérive de ses comptes publics.Un révision de la note à la baisse est redoutée, en plein débat à l’Assemblée nationale sur l’effort de 60 milliards d’euros envisagé par le gouvernement dans son projet de budget pour 2025 afin de ramener le déficit public à 5% du PIB et tenter de reprendre le contrôle d’une dette colossale.Moody’s note actuellement la France “Aa2” (l’équivalent de 18 sur une échelle de 20 niveaux de notation), un cran au-dessus des deux autres grosses agences Fitch et S&P (“AA-“), et pourrait s’aligner sur celles-ci malgré une perspective “stable”.”Ce serait mieux pour la France que l’agence se contente d’abaisser la perspective à négative en maintenant la note inchangée. Mais la probabilité que Moody’s dégrade la note est très forte”, prévient Eric Dor, directeur des études économiques à l’IESEG School of Management. “Les écarts de notes octroyées par l’agence entre la France et beaucoup de pays moins bien notés sont maintenant très difficiles à justifier”, avec des performances macroéconomiques françaises souvent inférieures, ajoute-t-il dans une note.Une telle rétrogradation pourrait peser sur les taux auxquels la France emprunte sur les marchés, alors qu’elle est déjà sous tension en raison de ses difficultés budgétaires et de l’instabilité politique post-législatives anticipées. – Atouts “insuffisants” -La dette française continue de séduire les investisseurs, mais ses taux d’intérêt sont désormais au niveau de ceux de pays comme le Portugal ou l’Espagne, réputés plus risqués.”Notre dette est soutenable, elle est achetée, elle est financée, elle est regardée avec une certaine qualité. Si nous souhaitons que cela reste le cas dans le futur, il faut redresser nos comptes et réduire notre dépense publique”, a déclaré le ministre de l’Économie et des Finances Antoine Armand, à l’AFP.Selon le cabinet Asterès, plus que les décisions des agences de notation, dont les conséquences seraient selon lui “limitées sur les coûts d’emprunt” de Paris, c’est la situation en France qui importe surtout. La charge de la dette est aujourd’hui le deuxième poste budgétaire derrière l’éducation avec plus de 50 milliards d’euros et elle pourrait devenir le premier d’ici à 2027. Cela réduit d’autant les marges de manœuvre financières.  “Souvent, l’impact d’une dégradation est insignifiant parce que les investisseurs sur les marchés étaient déjà au courant des problèmes du pays concerné et en tenaient déjà compte pour déterminer le taux d’intérêt exigé sur ses obligations”, relève Éric Dor.Pour préserver la crédibilité de la France, le gouvernement souhaite en 2025 réduire les dépenses publiques, dont elle est championne en Europe, et augmenter les impôts des entreprises et des riches contribuables. Il peine cependant à convaincre une Assemblée nationale fragmentée, où il est minoritaire.  Les atouts de la France (économie diversifiée, systèmes fiscal et bancaire solides notamment) “risquent d’être insuffisants” face à la difficulté “d’obtenir une majorité pour voter les mesures nécessaires à l’assainissement des finances publiques”, souligne Éric Dor.  – “Crédible” -Le gouvernement entend ramener le déficit public de 6,1% du PIB en 2024 à 5% en 2025, et revenir dans les clous européens en 2029, avec 2,8%.Alors que la croissance atteindrait 1,1% en 2025 comme cette année, partiellement pénalisée par les mesures de redressement, la dette publique continuerait de gonfler à presque 115% du PIB, quasi le double du maximum fixé à 60% par Bruxelles.”Notre prévision de croissance est cohérente et crédible, en [conformité] avec notre scénario budgétaire”, et s’appuiera notamment sur “la désépargne des ménages” qui relancerait la consommation, a assuré Antoine Armand. Le Fonds monétaire international (FMI) a toutefois appelé la France à davantage de “clarté” sur ses économies.     La décision de Moody’s interviendra deux semaines après celle de Fitch, qui a placé la France sous “perspective négative” sans la revoir sa note à la baisse, malgré des “risques (…) accrus” et des doutes sur les prévisions officielles de déficit.  L’agence S&P doit se prononcer quant à elle le 29 novembre. Elle avait abaissé en mai la note française de “AA” à “AA-“. 
Fri, 25 Oct 2024 16:00:20 GMT